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30/12/2003 | FRANCE | N°99NT02244

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4eme chambre, 30 décembre 2003, 99NT02244


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 août 1999, présentée pour M. Marc X, demeurant ..., par Me COUDRAY, avocat au barreau de Rennes ;

M. X demande à la Cour :

1°) de réformer l'article 2 du jugement n°s 96-501 et 96-1081 en date du 19 mai 1999 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune du Bono à réparer divers préjudices résultant de la résiliation du marché du 13 mai 1995 portant sur l'installation de mouillages sur les rivières d'Auray et du Bono ;

2°) de condamner la com

mune à lui verser la somme de 890 559,84 F TTC, cette somme devant porter intérêts a...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 août 1999, présentée pour M. Marc X, demeurant ..., par Me COUDRAY, avocat au barreau de Rennes ;

M. X demande à la Cour :

1°) de réformer l'article 2 du jugement n°s 96-501 et 96-1081 en date du 19 mai 1999 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune du Bono à réparer divers préjudices résultant de la résiliation du marché du 13 mai 1995 portant sur l'installation de mouillages sur les rivières d'Auray et du Bono ;

2°) de condamner la commune à lui verser la somme de 890 559,84 F TTC, cette somme devant porter intérêts au taux de 7,82 % en application des articles 181 et 357 du code des marchés publics à compter du 13 octobre 1995, ou subsidiairement, au taux légal ;

3°) de condamner la commune à lui verser la somme de 25 000 F au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

..............................................................................................................

C CNIJ n° 39-04-02-03

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2003 :

- le rapport de Mme JACQUIER, premier conseiller,

- les observations de Me COLLET, substituant Me COUDRAY, avocat de M. X,

- les observations de Me POIGNARD, substituant Me CABOT, avocat de la commune du Bono,

- et les conclusions de M. MORNET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par marché signé le 8 février 1995, la commune du Bono a confié à M. X, exerçant à l'enseigne de l'entreprise PLEM (Plongée-Etude-Maintenance), la mise en place, dans le chenal des rivières d'Auray et du Bono, de 370 mouillages comportant la fourniture et l'installation des divers éléments les composant : corps-morts, chaînes mères, chaînes et orins montants, manilles, bouées ; que le Tribunal administratif de Rennes a estimé que le courrier de la commune du Bono du 11 juillet 1995 devait être regardé comme une décision du maître de l'ouvrage de mettre fin au marché litigieux, a condamné cette collectivité territoriale à verser à M. X la somme de 80 000 F (12 195,92 euros) et rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires ; que M. X demande à la Cour de réformer le jugement et de condamner la commune à l'indemniser de divers préjudices résultant de la résiliation ; que, par la voie de conclusions d'appel incident, la commune du Bono demande à la Cour à titre principal, d'une part, de réformer le jugement en tant que ledit jugement a estimé que sa responsabilité était engagée du fait de la résiliation du marché, l'a condamnée à payer une indemnité à M. X, et a rejeté ses conclusions d'appel en garantie dirigées contre l'Etat, d'autre part, de condamner M. X et la société Le Comptoir du Pêcheur à lui rembourser les sommes de 686 078,53 F (104 592 euros) et 181 620,04 F (27 687,80 euros) qu'elle a payées en exécution du marché, en vertu d'un arrêté du préfet du Morbihan prononçant leur mandatement d'office, et à titre subsidiaire de condamner l'Etat à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle, ou de le condamner à lui payer les sommes susmentionnées ;

Considérant que si l'expiration du délai de validité des offres, fixé en l'espèce par application du règlement de la consultation pour l'appel d'offres restreint auquel il a été procédé pour l'attribution du marché litigieux, au 15 avril 1995, peut autoriser le candidat retenu à renoncer à sa proposition et à refuser de signer le contrat, elle n'a pas pour effet de rendre les offres caduques et d'affecter la validité d'un marché qui n'a été notifié à l'entrepreneur, après signature et accomplissement des formalités nécessaires pour le rendre exécutoire, que postérieurement à la date d'expiration de ce délai ; que, dans ces conditions, la circonstance que la commune du Bono n'a notifié à M. X le marché que le 12 mai 1995 n'est pas de nature à rendre le marché nul dès lors, qu'en procédant à cette notification, la commune mettait le marché en exécution et que M. X ne pouvait se soustraire à celle-ci ; que si la lettre de M. X en date du 31 mai 1995 doit être regardée comme une décision de renoncer à exécuter le marché, il résulte toutefois de l'instruction qu'il est revenu sur sa décision à l'issue d'une réunion organisée avec le maître de l'ouvrage et qu'il a procédé à la commande des matériels à la société Le Comptoir du Pêcheur en exécution de l'ordre de service du 30 mai 1995 ; que compte tenu de ce qui vient d'être dit, la commune ne saurait sérieusement soutenir que l'ordre de service émis par le maître d'oeuvre conformément aux stipulations de l'article 2.5 du cahier des clauses administratives générales, aurait été émis en vue de l'exécution d'un contrat inexistant et qu'il n'aurait pu, en conséquence, avoir pour effet d'engager la commune ; que, contrairement à ce que soutient la commune, l'accord verbal du 6 juin 1995 intervenu entre les parties sur la possibilité de réviser les prix du marché, ne saurait être regardé comme un nouveau contrat qui se serait substitué au premier et dont M. X ne pourrait se prévaloir en raison de sa nullité ; que le courrier du 11 juillet 1995 par lequel le maire de la commune du Bono demande à M. X de prendre note de la résolution du contrat a été regardé à juste titre par le jugement attaqué comme une décision de résiliation du contrat ; que c'est, dès lors, à bon droit que le Tribunal administratif de Rennes a estimé que ladite résiliation, qui n'est pas fondée sur une faute qui aurait été commise par le cocontractant, devait engager la responsabilité de la commune ;

Sur les conclusions d'appel principal :

Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le contrat a été résilié le 11 juillet 1995 ; que, dans ces conditions, M. X n'est pas fondé à soutenir que l'incertitude concernant l'exécution du contrat qui aurait eu pour effet d'immobiliser les moyens de l'entreprise et de l'empêcher d'accepter d'autres marchés pendant la période courant du mois de septembre 1995 au mois de janvier 1996, lui aurait causé un préjudice dont il devrait être indemnisé dès lors que dès le 11 juillet 1995, la résiliation était certaine et qu'il lui était dès lors loisible, d'accepter d'autres engagements ;

Considérant, en deuxième lieu, que la presse locale a abondamment relaté la résiliation du marché en des termes polémiques qui étaient de nature à porter atteinte à la réputation commerciale de l'entreprise ; que, dans ces conditions, le préjudice au titre de l'atteinte à la réputation professionnelle de l'entreprise du fait des conditions de résiliation du marché doit être fixé à 7 600 euros ;

Considérant, en troisième lieu, que le manque à gagner qui doit être indemnisé doit être calculé sur la marge nette que les prestations auraient engendrées ; que, compte tenu de la marge nette de l'entreprise au cours de l'année en cause et de l'augmentation du coût des matériels commandés, il sera fait une exacte appréciation de l'indemnité à laquelle M. X a droit au titre du manque à gagner en la fixant à 3 100 euros toutes taxes comprises ;

Considérant que, dans ces conditions, la commune du Bono doit être condamnée à payer à M. X la somme de 10 700 euros ; que, compte tenu du montant des condamnations prononcées en première instance, la somme que la commune du Bono est condamnée à payer à M. X doit être portée à 22 895,92 euros ;

Considérant que M. X a droit, ainsi qu'il le demande, non pas aux intérêts moratoires prévus au code des marchés publics eu égard au fondement extra-contractuel des condamnations, mais aux intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 1995 sur la somme de 10 700 euros ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus pour au moins une année entière ; que, pour l'application des dispositions précitées, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle a été enregistrée et pourvu qu'à cette date, il s'agisse d'intérêts dus pour au moins une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que M. X a demandé la capitalisation des intérêts par son mémoire enregistré le 22 juillet 1997 ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour une année entière ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions d'appel incident :

Considérant que, compte tenu de ce qui vient d'être dit ci-dessus, la commune du Bono n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à payer à M. X une indemnité de 40 000 F (6 097,96 euros) en raison des frais de manutention et de stockage des matériels commandés en exécution de l'ordre de service ; que, s'agissant de la condamnation à payer 40 000F (6 097,96 euros) à M. X au titre de la révision des prix du marché, la commune n'articule devant la Cour aucun moyen autre que ceux développés en première instance ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le jugement attaqué, d'écarter ces conclusions ;

Considérant que les conclusions d'appel incident tendant d'une part, à la condamnation de M. X, de la société Le Comptoir du Pêcheur et de l'Etat à lui rembourser les sommes qu'elle a payées en exécution du marché en vertu d'un arrêté du préfet du Morbihan prononçant leur mandatement d'office, d'autre part, à ce que l'Etat la garantisse des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle, soulèvent un litige distinct de l'appel principal et sont, par suite, irrecevables ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner la commune du Bono à payer à M. X une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce que M. X et l'Etat, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à payer à la commune du Bono la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er :

La condamnation prononcée par le jugement du Tribunal administratif de Rennes en date du 19 mai 1999 est portée à 22 895,92 euros (vingt deux mille huit cent quatre vingt quinze euros quatre vingt douze centimes). Sur cette somme, celle de 10 700 euros (dix mille sept cents euros) portera intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 1995. Les intérêts échus à la date du 22 juillet 1997 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 :

Le jugement du Tribunal administratif de Rennes du 19 mai 1999 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 :

Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions d'appel incident sont rejetées.

Article 4 :

La commune du Bono versera à M. X la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 :

Le présent arrêt sera notifié à M. X, à la commune du Bono, au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4eme chambre
Numéro d'arrêt : 99NT02244
Date de la décision : 30/12/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEPLAT
Rapporteur ?: Mme Christiane JACQUIER
Rapporteur public ?: M. MORNET
Avocat(s) : COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2003-12-30;99nt02244 ?
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