Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 mai 2002, présentée pour M. Dong Haï X, demeurant ..., par Me CLEMENT, avocat au barreau de Paris ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 00-2212 et 00-2227 du 14 mars 2002 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 2 juin 2000 ordonnant son expulsion du territoire français ainsi que l'arrêté du 6 juin 2000 par lequel le préfet d'Eure-et-Loir a fixé le pays de destination ;
2°) d'annuler ces arrêtés ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
C CNIJ n° 335-02-03
n° 335-02-04
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 septembre 2003 :
- le rapport de Mme JACQUIER, premier conseiller,
- et les conclusions de M. MORNET, commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de l'arrêté d'expulsion :
Considérant qu'aux termes de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 selon la rédaction en vigueur à la date de l'arrêté en cause : L'expulsion peut être prononcée : ... b) Lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, par dérogation à l'article 25 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X s'est rendu coupable de trois viols entre août et octobre 1994 ainsi que de huit agressions sexuelles entre juillet et octobre de la même année ; que, compte tenu de la gravité et du caractère répétitif de ces faits et malgré le traitement physiologique et psychologique dont il a pu bénéficier pendant son incarcération, le ministre de l'intérieur a pu estimer, sans commettre d'erreur d'appréciation, que l'expulsion de M. X constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique ;
Considérant que s'il est constant que M. X, âgé actuellement de 30 ans, est entré en France avec ses parents à l'âge de 11 ans, que ses frères et soeurs vivent en France, qu'il a épousé une ressortissante française et a eu trois enfants de nationalité française, l'arrêté contesté n'a pas, eu égard à la nature et à l'extrême gravité des faits commis par le requérant, été pris en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée ;
Sur la légalité de l'arrêté du préfet d'Eure-et-Loir du 6 juin 2000 fixant le pays de renvoi :
Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger qui a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou de reconduite à la frontière de s'assurer, sous le contrôle du juge, en application du deuxième alinéa de l'article 27 bis de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a obtenu le statut de réfugié ainsi que l'atteste le certificat de réfugié du 15 juin 1985 visé par son titre de voyage et un courrier en date du 8 août 2003 émanant de l'office français des réfugiés et apatrides attestant que M. X est titulaire d'un certificat de réfugié, valable jusqu'au 3 octobre 2003 et est toujours placé sous la protection juridique et administrative de l'office ; que l'administration n'invoque aucune cause de cessation de l'état d'exilé politique qui aurait fait perdre à M. X le statut de réfugié ; qu'ainsi, l'arrêté du 6 juin 2000 méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en tant que ledit arrêté a fixé le Vietnam comme pays de renvoi ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté du préfet d'Eure-et-Loir du 6 juin 2000 est annulé en tant que ledit arrêté a fixé le Vietnam comme pays de renvoi.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif d'Orléans du 14 mars 2002 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et des demandes de première instance présentées par M. X est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
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