Vu la requête conjointe enregistrée au greffe de la Cour le 28 juin 2001, présentée pour Mme Nicole X demeurant à ..., Mme Laurette Y demeurant..., M. Henri Z demeurant à ..., M. Philippe A demeurant à ..., M. Guy B demeurant à ..., M. Albert C demeurant à ... et l'association Sauvons Ouézy, représentée par son président en exercice et dont le siège social est au lieudit Villeneuve à ..., par Me COMPERE, avocat au barreau de Caen ;
Mme X et autres demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 00-346 du 24 avril 2001 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande dirigée contre la décision du 24 janvier 2000 par laquelle le préfet du Calvados a refusé d'ériger la commune associée de Ouézy en commune distincte de celle de Cesny-aux-Vignes ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de statuer à nouveau sur la demande de scission dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 1 000 F par jour de retard ;
C+ CNIJ n° 135-02-01-01-02-02
n° 54-07-02-04
n° 01-05-04
4°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 10 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 juin 2003 :
- le rapport de Mme WEBER-SEBAN, premier conseiller,
- les observations de M. EYMEOUD, président de l'association Sauvons Ouézy,
- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 2112-2 du code général des collectivités territoriales : Les modifications aux limites territoriales des communes et le transfert de leurs chefs-lieux sont décidés après enquête dans les communes intéressées sur le projet lui-même et sur ses conditions. Le représentant de l'Etat dans le département prescrit cette enquête lorsqu'il a été saisi d'une demande à cet effet soit par le conseil municipal de l'une des communes, soit par le tiers des électeurs inscrits de la commune ou de la portion de territoire en question. (...) Si la demande concerne le détachement d'une section de commune ou d'une portion de territoire d'une commune pour l'ériger en commune séparée, elle doit, pour être recevable, être confirmée à l'expiration d'un délai d'une année. ; qu'aux termes de l'article L. 2112-3 dudit code : Si le projet concerne le détachement d'une section de commune ou d'une portion du territoire d'une commune, soit pour la rattacher à une autre commune, soit pour l'ériger en commune séparée, un arrêté du représentant de l'Etat dans le département institue, pour cette section ou cette portion de territoire, une commission qui donne son avis sur le projet (...) ; qu'aux termes de l'article L. 2112-4 du même code : Après accomplissement des formalités prévues aux articles L. 2112-2 et L. 2112-3, les conseils municipaux, sous réserve des dispositions des articles L. 2113-1 à L. 2113-12, donnent obligatoirement leur avis. ;
Considérant que pour refuser, par décision du 24 janvier 2000, d'ériger l'ancienne commune de Ouézy en commune distincte de celle de Cesny-aux-Vignes à laquelle cette première commune a été associée à la suite d'une fusion prononcée en application de la loi du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes, le préfet du Calvados s'est fondé, d'une part, sur l'absence de volonté réelle de scission de la part des populations concernées présentant un lien direct avec l'intérêt général, d'autre part, sur la circonstance que les éléments financiers joints au dossier de l'enquête publique mettaient en évidence un risque de déséquilibre entre les deux communes de nature à mettre en cause la viabilité même de celle de Cesny-aux-Vignes ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, que par cinq pétitions établies en 1983, 1989, 1991, 1996 et 1997, dont les deux dernières ont rassemblé les deux tiers des électeurs de la section de Ouézy, les habitants concernés ont manifesté leur volonté d'obtenir le rétablissement de cette commune associée en commune autonome ; que, lors des trois dernières élections municipales, la liste favorable à une telle scission a toujours été élue ; que, par délibérations du 3 juillet 1997 et du 9 mars 1999 le conseil municipal de Cesny-aux-Vignes-Ouézy, qui est composé majoritairement de conseillers municipaux représentant la section de Cesny-aux-Vignes, s'est prononcé pour la scission de la commune fusionnée en deux communes distinctes ; qu'à différentes reprises, notamment à l'occasion du vote du budget communal, sont survenus des dysfonctionnements internes à l'assemblée communale de nature à paralyser son pouvoir de décision ; qu'ainsi, les populations concernées devaient être regardées, contrairement à ce qu'a estimé le préfet, comme ayant exprimé une volonté réelle de scission dictée par l'intérêt général ;
Considérant, en second lieu, que pour évaluer les conséquences qu'entraînerait sur le budget communal de Cesny-aux-Vignes le rétablissement de l'ancienne commune de Ouézy en commune autonome, le préfet du Calvados s'est essentiellement fondé sur une étude où n'étaient pas prises en compte les dotations forfaitaires de fonctionnement dont bénéficierait nécessairement la commune de Cesny-aux-Vignes en cas de scission de la commune fusionnée de Cesny-aux-Vignes-Ouézy ; que, devant la Cour, le ministre admet que seule une analyse prospective détaillée de fiscalité aurait permis d'estimer les ressources respectives de ces deux communes associées dans l'hypothèse de leur séparation ; qu'il ressort des pièces du dossier que les coûts induits par les nombreux investissements dont a bénéficié la commune associée de Cesny-aux-Vignes sont très faibles et n'auraient pas pour effet de grever le budget de cette commune si elle devait elle-même autonome ; que l'augmentation de plus de 20 % du produit de l'imposition locale, non compris la taxe professionnelle, relevée depuis 1997, serait également de nature à contribuer à la viabilité financière de la commune de Cesny-aux-Vignes en cas de rétablissement de la commune de Ouézy en commune autonome ; que, dans ces conditions, la circonstance que cette dernière commune, si elle était rétablie dans son autonomie, bénéficierait de 77 % des bases d'imposition de la taxe professionnelle ne saurait être regardée comme un élément permettant d'établir que la viabilité financière de la commune de Cesny-aux-Vignes serait mise en péril par la scission demandée, au demeurant qualifiée, au regard de cette incidence, d'opération blanche dans le rapport établi par le commissaire enquêteur à l'issue de l'enquête publique ; qu'ainsi, le motif d'ordre financier retenu par le préfet pour s'opposer à ce rétablissement doit être regardé comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 24 janvier 2000 du préfet du Calvados refusant d'ériger l'ancienne commune de Ouézy en commune distincte de celle de Cesny-aux-Vignes ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 911-2 et L. 911-3 du code de justice administrative :
Considérant que l'annulation de la décision de refus du préfet du Calvados implique nécessairement que celui-ci statue à nouveau sur la demande dont il a été saisi à la fois par les habitants de Ouézy et par le conseil municipal de Cesny-aux-Vignes-Ouézy ; que, dès lors, il y a lieu, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet du Calvados de se prononcer sur cette demande dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat à verser aux requérants une somme globale de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 24 avril 2001 du Tribunal administratif de Caen et la décision du 24 janvier 2000 du préfet du Calvados sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Calvados de statuer à nouveau sur la demande tendant à ce que l'ancienne commune de Ouézy soit érigée en commune distincte de celle de Cesny-aux-Vignes dans le délai de six mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme Nicole X, Mme Laurette Y, M. Henri Z, M. Philippe A, M. Guy B, M. Albert C et l'association Sauvons Ouézy, ensemble, une somme globale de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Nicole X et autres est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X, à Mme Y, à M. Z, à M. A, à M. B, à M. C, à l'association Sauvons Ouézy, à la commune de Cesny-aux-Vignes-Ouézy et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
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