Vu la requête et les mémoires, enregistrés respectivement les 2 avril, 25 mai et 10 août 2001 au greffe de la Cour, présentés pour M. Pascal X, demeurant ..., par Me CASADEI, avocat au barreau d'Orléans ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 99-1520 du 30 janvier 2001 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant, d'une part, à condamner le centre hospitalier régional d'Orléans à lui verser une provision de 400 000 F avec intérêts à compter du 1er mars 1999 à concurrence de 300 000 F et à compter du 16 juillet 1999 pour le surplus, d'autre part, à ordonner une expertise complémentaire pour évaluer définitivement le préjudice qu'il a subi à la suite de l'intervention chirurgicale du 8 janvier 1998 ;
2°) de faire droit à la demande présentée en première instance avec capitalisation des intérêts dus au 10 août 2001 ;
3°) de condamner le centre hospitalier régional d'Orléans à lui verser la somme de 15 000 F sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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C CNIJ n° 60-02-01-01-01-01-04
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2003 :
- le rapport de M. PÉANO, premier conseiller,
- les observations de Me COUSSEAU substituant Me CASADEI, avocat de M. X,
- et les conclusions de M. MORNET, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, dans le but de rechercher l'origine des cervicalgies avec douleurs et paresthésie du membre supérieur gauche dont M. X souffrait depuis plusieurs mois, il lui a été prescrit de subir un examen par imagerie par résonance magnétique nucléaire ; qu'une intervention chirurgicale a été pratiquée le 8 janvier 1998 au centre hospitalier régional d'Orléans afin d'extraire un corps métallique étranger potentiellement dangereux pour cet examen, logé dans l'orbite de son oeil droit ; qu'au lendemain de cette intervention pratiquée sous anesthésie générale, M. X a été victime d'un accident vasculaire cérébral entraînant une hémiplégie gauche évoluant progressivement vers la spasticité ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise ordonnée à la demande de M. X par le juge des référés du Tribunal administratif d'Orléans que celui-ci qui déclare fumer deux à trois paquets de cigarettes par jour depuis l'adolescence était régulièrement suivi du fait de ses antécédents cardiaques ; que l'accident vasculaire cérébral survenu après l'intervention pratiquée au centre hospitalier ne peut donc être regardé comme sans rapport avec l'état initial de M. X ou avec l'évolution prévisible de cet état ; que, par suite, la responsabilité sans faute du centre hospitalier régional d'Orléans ne peut être engagée ;
Considérant que l'état de santé de M. X justifiait le recours à l'examen par imagerie par résonance magnétique nucléaire ; que l'intervention effectuée était justifiée par les risques pour cet examen résultant de la présence d'un corps métallique étranger dans l'orbite de son oeil droit ; que cette intervention a été pratiquée conformément aux règles de l'art ; qu'ainsi aucune faute dans l'organisation ou le fonctionnement du centre hospitalier ne peut être relevée à l'encontre des praticiens qui ont indiqué et réalisé ladite intervention ;
Mais considérant que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ;
Considérant qu'une intervention pratiquée sous anesthésie générale présente des risques connus de complications invalidantes en cas de pathologie cardiaque du patient ; que s'il est constant que M. X a été informé du but de l'intervention qu'il a subie, le centre hospitalier régional d'Orléans n'apporte pas la preuve qui lui incombe qu'il a également été informé des risques que comportait cette intervention qui ne présentait pas de caractère d'urgence ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise susmentionné que, si M. X avait été informé des risques de complication que présentait pour lui cette intervention, compte tenu de ses antécédents cardiaques, il y aurait probablement renoncé pour recourir à d'autres moyens d'investigation ; que la circonstance que la responsabilité d'autres personnes que les praticiens du centre hospitalier pourrait être recherchée ne peut avoir pour effet d'exonérer l'établissement de sa responsabilité ; qu'ainsi, contrairement à ce qui a été jugé par le Tribunal administratif qui a écarté l'existence d'un lien direct et certain entre l'accident dont a été victime M. X et l'intervention qu'il a subie le 8 janvier 1998, en l'absence d'urgence rendant impossible l'information préalable du patient, ce défaut d'information est constitutif d'une faute susceptible d'engager la responsabilité du centre hospitalier régional d'Orléans à l'égard de M. X à raison de la perte de chance dont celui-ci a été privé de se soustraire au risque qui s'est réalisé ;
Considérant que M. X est, dans cette mesure, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Considérant cependant que l'état de l'instruction ne permet pas de déterminer si l'état de M. X est consolidé, ni à quelle date cette consolidation serait intervenue, ni le taux d'incapacité permanente partielle définitif dont il demeure atteint, ainsi que le montant de l'ensemble de ses préjudices ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'ordonner sur ces divers points une nouvelle expertise ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, alors même que ni le montant de l'ensemble des préjudices de M. X ni celui de l'indemnité qui pourra lui être attribuée, compte tenu de la détermination, à laquelle la Cour devra procéder, du degré de probabilité devant être retenu pour évaluer, le cas échéant, la fraction de la réparation correspondant à sa perte de chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé, ne sont encore fixés, il y a lieu de faire droit à sa demande de provision et de fixer le montant de la provision accordée à 15 000 euros ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. X, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser au centre hospitalier régional d'Orléans la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner le centre hospitalier régional d'Orléans à verser à M. X une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif d'Orléans du 30 janvier 2001 est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier régional d'Orléans est déclaré responsable des conséquences dommageables de l'intervention subie par M. X le 8 janvier 1998.
Article 3 : Il sera, avant de statuer sur le montant de l'indemnité à verser par le centre hospitalier régional d'Orléans à M. X et à la caisse nationale militaire de sécurité sociale, procédé par un expert désigné par le président de la Cour, à une expertise en vue de déterminer si son état est consolidé et dans l'affirmative à quelle date est intervenue cette consolidation et le taux d'incapacité permanente partielle dont il demeure définitivement atteint.
Article 4 : L'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles R.621-1 à R.621-10 du code de justice administrative. Il déposera son rapport dans les trois mois suivant sa prestation de serment.
Article 5 : Le centre hospitalier régional d'Orléans versera à M. X une provision de 15 000 euros (quinze mille euros).
Article 6 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt demeurent réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 7 : Le centre hospitalier régional d'Orléans versera à M. X 1 000 euros (mille euros) en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 8 : Les conclusions du centre hospitalier régional d'Orléans tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à M. X, au centre hospitalier régional d'Orléans, à la caisse nationale militaire de sécurité sociale, au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et au ministre de la défense.
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