Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés au greffe de la Cour les 6 juin, 9 août et 18 septembre 1995, présentés pour la société Neptune, dont le siège est ... (Loire-Atlantique), par la S.C.P. d'avocats PIWNICA, MOLINIE ;
La société Neptune demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 91-1381 du 6 avril 1995 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de recette n 1524 du 10 avril 1991 émis par la ville de Nantes au titre du remboursement de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour la période 1982-1985 et l'a condamnée à payer à la ville une somme de 981 933,79 F avec intérêts ;
2 ) d'annuler le titre de recette susmentionné et de la décharger de la somme litigieuse ;
3 ) d'ordonner le sursis à exécution du jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 septembre 1999 :
- le rapport de Mme STEFANSKI, premier conseiller,
- les observations de Me X..., se substituant à la S.C.P. PIWNICA-MOLINIE, avocat de la société Neptune,
- les observations de Me Y..., se substituant à Me REVEAU, avocat de la ville de Nantes,
- et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société Neptune demande l'annulation du jugement du 6 avril 1995 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande dirigée contre le titre de recettes du 10 avril 1991 par lequel la ville de Nantes a mis à sa charge une fraction de la taxe foncière sur les propriétés bâties qu'elle avait acquittée au titre des années 1982 à 1985 à raison de l'immeuble concédé à la société ;
Considérant qu'aux termes de l'article 26 de la convention du 13 mars 1967 par laquelle la ville de Nantes a concédé à la société Neptune la construction et l'exploitation d'un immeuble à usage notamment de parkings et de bureaux : "Le concessionnaire aura à sa charge tous les impôts établis ou qui seraient établis par l'Etat, le département et la commune, tant ceux qui lui incombent ou lui incomberaient du fait de la concession, que ceux qui sont ou seraient à la charge du propriétaire des locaux dont l'exploitation est concédée. La ville de Nantes fera son affaire de tous impôts et taxes relatifs aux locaux qui lui seront remis gratuitement." et qu'en vertu d'un avenant en date du 16 janvier 1968, la quote-part de ces impositions devant être supportée par la société Neptune est de 85 % du montant total desdites impositions ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 2277 du code civil : "Se prescrivent par cinq ans les actions en paiement ... de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts." ; que si les taxes foncières litigieuses sont établies annuellement, il ne résulte ni de l'article 26 précité, ni d'aucune autre stipulation de la convention de concession susmentionnée, que le remboursement desdites impositions mises à la charge de la société concessionnaire présente le caractère de périodicité exigé par l'article 2277 précité du code civil ; qu'ainsi, la société Neptune n'est pas fondée à se prévaloir de la prescription quinquennale prévue audit article ;
Considérant, d'autre part, qu'il ne résulte pas des stipulations ci-dessus rappelées qu'elles auraient pour objet ou pour effet de permettre au concessionnaire de se soustraire à son obligation de rembourser, en application du contrat, la quote-part des impositions litigieuses lui incombant, en contestant devant le concédant le bien fondé et le montant de ces impositions ; qu'un tel moyen ne peut davantage être utilement présenté devant le juge du contrat auquel il n'appartient pas de statuer sur le bien fondé de ces impositions ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Neptune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions de la ville de Nantes :
Considérant que par le jugement attaqué du Tribunal administratif de Nantes a condamné la société Neptune à payer à la ville de Nantes la somme de 981 933,79 F assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 avril 1991, les intérêts échus le 13 janvier 1995 étant capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts ; que la capitalisation des intérêts a été demandée devant la Cour par la ville de Nantes le 21 février 1996 ; qu'à cette date, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que la ville de Nantes qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à la société Neptune la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions de condamner la société Neptune à payer à la ville de Nantes une somme de 2 000 F au titre de ces frais ;
Article 1er : La requête de la société Neptune est rejetée.
Article 2 : Les intérêts afférents à l'indemnité que la société Neptune a été condamnée à verser à la ville de Nantes par jugement du Tribunal administratif de Nantes en date du 6 avril 1995 et échus le 21 février 1996 seront capitalisés cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La société Neptune versera à la ville de Nantes une somme de deux mille francs (2 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Neptune, à la ville de Nantes et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.