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10/07/2025 | FRANCE | N°24NC02690

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 10 juillet 2025, 24NC02690


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... E... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 5 juin 2024 par laquelle la commission académique de Besançon a rejeté leur recours administratif préalable obligatoire formé contre la décision du 23 avril 2024 portant refus d'instruction en famille de leur enfant A... et d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Besançon de leur délivrer une autorisation d'instruction en famille pour leur enfant A....


> Par un jugement n° 2401288 du 15 octobre 2024, le tribunal administratif de Besançon a reje...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 5 juin 2024 par laquelle la commission académique de Besançon a rejeté leur recours administratif préalable obligatoire formé contre la décision du 23 avril 2024 portant refus d'instruction en famille de leur enfant A... et d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Besançon de leur délivrer une autorisation d'instruction en famille pour leur enfant A....

Par un jugement n° 2401288 du 15 octobre 2024, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 octobre 2024, M. E... et Mme B... représentés par Me Zoubeidi-Defert demandent à la cour :

1°) d'admettre M. E..., à titre provisoire, à l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 15 octobre 2024 ;

3°) d'annuler la décision du 5 juin 2024 par laquelle la commission académique de Besançon a rejeté leur recours administratif préalable obligatoire formé contre la décision du 23 avril 2024 portant refus d'instruction en famille de leur enfant A... ;

4°) d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Besançon de leur délivrer une autorisation d'instruction en famille pour leur enfant A... ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à leur conseil en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier et a omis de répondre au moyen selon lequel l'autorité administrative a ajouté des conditions tirées de l'engagement en compétition et de la pratique de haut niveau qui ne sont pas prévues par la loi ;

- le tribunal s'est trompé sur l'intensité de son contrôle dès lors que ces décisions sont soumises à un contrôle restreint et non à un contrôle normal ;

- les premiers juges ont également commis une erreur de droit et une erreur dans l'appréciation de l'intérêt supérieur de l'enfant en rejetant leur demande sans établir quelle serait la forme d'instruction la plus conforme à l'intérêt de A... ;

- il n'est pas établi que la commission ait été régulièrement composée dès lors que la réunion s'est tenue en visioconférence et que ses membres n'ont pas signé la feuille d'émargement. Pour les mêmes motifs, il n'est pas établi que le recteur d'académie ait présidé cette commission ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit au regard des articles L. 131-5 et R. 131-11-3 du code de l'éducation, dès lors que la commission subordonne la dérogation à une pratique sportive à un haut niveau et à une spécialisation débouchant sur de la compétition alors qu'ils justifient pourtant d'une inscription de leur enfant dans un organisme sportif et d'une présentation de l'organisation du temps de l'enfant, de ses engagements et de ses contraintes pour l'année en cours et l'année à venir ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant dès lors que A... pratique une activité sportive de manière intensive qui n'est pas compatible avec une instruction en établissement scolaire et que le refus d'une instruction en famille le contraint donc à adapter sa pratique sportive au temps scolaire sans rechercher l'instruction la plus conforme à son intérêt.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er avril 2025, la rectrice de l'académie de Besançon conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 5 décembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021 du Conseil constitutionnel ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Barrois, première conseillère,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Zoubeidi-Defert, avocat de M. E... et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. M. E... et Mme B... ont demandé au titre de l'année scolaire 2024-2025 une dérogation permettant l'instruction en famille de leur enfant A..., né le 2 juin 2013, en raison d'une pratique sportive intensive. Par une décision du 23 avril 2024, le directeur académique des services de l'éducation nationale a rejeté leur demande, puis par une décision du 5 juin 2024, la commission de recours académique a rejeté leur recours administratif préalable obligatoire. M. E... et Mme B... font appel du jugement du 15 octobre 2024 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 5 juin 2024.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. M. E... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près la cour administrative d'appel de Nancy en date du 5 décembre 2024, ses conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.

4. Les requérants ne peuvent donc utilement, au titre de la régularité, se prévaloir d'une dénaturation des pièces du dossier ou d'une erreur dans l'intensité du contrôle exercé sur la décision attaquée qu'aurait commises le tribunal.

5. En second lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les premiers juges ont répondu au point 8 du jugement attaqué au moyen selon lequel l'autorité administrative a ajouté des conditions tirées de l'engagement en compétition et de la pratique de haut niveau qui ne sont pas prévues par la loi.

6. Il en résulte que le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularités.

Sur le bien-fondé du jugement :

7. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article D. 131-11-10 du code de l'éducation : " Toute décision de refus d'autorisation d'instruction dans la famille peut être contestée dans un délai de quinze jours à compter de sa notification écrite par les personnes responsables de l'enfant auprès d'une commission présidée par le recteur d'académie " et de l'article D. 131-11-11 du même code : " La commission est présidée par le recteur d'académie ou son représentant. (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 6 novembre 2014 relative aux délibérations à distance des instances collégiales, " La présente ordonnance s'applique aux autorités administratives régies par la loi du 12 avril 2000 susvisée, à l'exception des organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs groupements. " et de son article 2, " Sous réserve de la préservation, le cas échéant, du secret du vote, le président du collège d'une autorité mentionnée à l'article 1er peut décider qu'une délibération sera organisée au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. ".

8. Il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal de la commission académique de recours du 3 juin 2024 qu'étaient présents physiquement ou en conférence audiovisuelle le représentant de la rectrice de l'académie de Besançon, secrétaire général adjoint du rectorat, l'inspecteur de l'éducation nationale, l'inspecteur d'académie-inspecteur pédagogique régional, le médecin de l'éducation nationale du Jura et le conseiller technique de service social auprès de la rectrice et que dès lors le quorum était atteint. En outre, ce même procès-verbal signé par le président de la commission académique du 3 juin 2024 atteste qu'en l'espèce la rectrice de l'académie de Besançon était représentée par son secrétaire général adjoint. Enfin, il résulte de ce procès-verbal que les échanges entre les membres de la commission se sont déroulés régulièrement et qu'aucun d'entre eux ne s'est plaint du système de visio-conférence mis en place par le président de la commission. Par suite, aucun élément du dossier ne laisse suspecter que la procédure aurait été irrégulière ou que la commission aurait été incompétente. En tout état de cause, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier que, même à la supposer irrégulière, la participation à distance de plusieurs membres de la commission aurait privé les requérants d'une garantie et aurait eu une incidence sur le sens de l'avis rendu.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 131-1 du code de l'éducation : " L'instruction est obligatoire pour chaque enfant dès l'âge de trois ans et jusqu'à l'âge de seize ans. (...) ", de l'article L. 131-2 du même code, modifié par l'article 49 de la loi du 24 août 2021 : " L'instruction obligatoire est donnée dans les établissements ou écoles publics ou privés. Elle peut également, par dérogation, être dispensée dans la famille par les parents, par l'un d'entre eux ou par toute personne de leur choix, sur autorisation délivrée dans les conditions fixées à l'article L. 131-5. (...) " et de l'article L. 131-5 du ce code : " Les personnes responsables d'un enfant soumis à l'obligation scolaire définie à l'article L. 131-1 doivent le faire inscrire dans un établissement d'enseignement public ou privé ou bien, à condition d'y avoir été autorisées par l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation, lui donner l'instruction en famille. (...) La présente obligation s'applique à compter de la rentrée scolaire de l'année civile où l'enfant atteint l'âge de trois ans. / L'autorisation mentionnée au premier alinéa est accordée pour les motifs suivants, sans que puissent être invoquées d'autres raisons que l'intérêt supérieur de l'enfant : (...) 2o La pratique d'activités sportives ou artistiques intensives ; (...) ". Aux termes de l'article R. 131-11-3 du même code : " Lorsque la demande d'autorisation est motivée par la pratique d'activités sportives ou artistiques intensives, elle comprend : / 1° Une attestation d'inscription auprès d'un organisme sportif ou artistique ; / 2° Une présentation de l'organisation du temps de l'enfant, de ses engagements et de ses contraintes établissant qu'il ne peut fréquenter assidûment un établissement d'enseignement public ou privé. ". Pour la mise en œuvre de ces dispositions, dont il résulte que les enfants soumis à l'obligation scolaire sont, en principe, instruits dans un établissement ou école d'enseignement, il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à ce que l'instruction d'un enfant dans la famille soit, à titre dérogatoire, autorisée, de rechercher, au vu de la situation de cet enfant, quels sont les avantages et les inconvénients pour lui de son instruction, d'une part dans un établissement ou école d'enseignement, d'autre part, dans la famille selon les modalités exposées par la demande et, à l'issue de cet examen, de retenir la forme d'instruction la plus conforme à son intérêt.

10. D'une part, il ressort des pièces du dossier que les parents de A... ont produit une attestation d'inscription auprès d'un organisme sportif pour une seule activité sportive, le cyclisme, et que les autres sports pratiqués, ski de fond, ski-route, tir à la carabine et biathlon, sont réalisés dans un cadre familial pour lesquels aucune inscription ne permet d'attester ni de leur réalité ni de leur intensité. D'autre part, il résulte du dossier de demande d'autorisation d'instruction en famille et notamment de la présentation de l'organisation de son temps, que A... étudie 27 heures par semaine réparties du lundi au vendredi de 8 h à 12 h ainsi qu'une heure le soir et deux heures le samedi matin et consacre ses après-midis à la pratique de ses activités sportives en famille pour un total de 20 heures hebdomadaires à l'exception du mercredi après-midi où il s'entraine avec son club de cyclisme. Même si A... est en instruction en famille depuis l'année scolaire 2021/2022 dont le régime était alors déclaratif et que le contrôle pédagogique effectué au titre de l'année scolaire 2023/2024 est très satisfaisant puisqu'il en résulte que A... a un très bon niveau et a une année d'avance sur les programmes scolaires, il n'est cependant pas établi qu'il ne pourrait pas exercer ces mêmes activités sportives même de manière intensive après les classes le soir en semaine, le mercredi et les fins de semaine et notamment poursuivre le vélo en club le mercredi après-midi alors que l'instruction en établissement scolaire représente un volume identique de 26 heures hebdomadaires obligatoires. Par ailleurs, dès lors qu'il ressort du procès-verbal de la commission académique du 3 juin 2024 et des termes de la décision attaquée que les conditions de l'article R. 131-11-3 du code de l'éducation ne sont pas remplies, la circonstance que la commission ait pris en compte l'absence de spécialité dans une activité sportive et de participation à des compétitions qui participent du faisceau d'indices nécessaires à l'appréciation de l'intensité de la pratique d'une activité, ne suffit pas à établir une erreur de droit. Dans ces conditions, l'enfant A... ne peut être regardé comme pratiquant de manière intensive une activité sportive incompatible avec une scolarisation dans un établissement scolaire nonobstant la circonstance qu'aucun collège ne propose à proximité du foyer familial de section ski de fond ou biathlon. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision en litige a été prise en méconnaissance des dispositions précitées du code de l'éducation. Pour les mêmes motifs, la décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande d'annulation de la décision du 5 juin 2024. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : La requête de M. E... et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E..., à Mme C... B..., à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et à Me Zoubeidi-Defert.

Copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de Besançon.

Délibéré après l'audience du 19 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Guidi, présidente,

- M. Michel, premier conseiller,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juillet 2025.

La rapporteure,

Signé : M. BarroisLa présidente,

Signé : L. Guidi

Le greffier,

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

I. Legrand

2

N° 24NC02690


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24NC02690
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GUIDI
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : AARPI GARTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-10;24nc02690 ?
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