Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 31 mars 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2303151 du 29 août 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Gangloff, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 août 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 mars 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou, à défaut, de réexaminer sa situation, le tout dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros TTC à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée en conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée en conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin, qui n'a pas produit de mémoire.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Kohler a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant bangladais, est entré sur le territoire français en décembre 2016 ou janvier 2017 afin d'y solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Après le rejet de sa demande d'asile et un premier refus de titre de séjour assorti d'une mesure d'éloignement, il a sollicité, le 15 mars 2022, la délivrance d'un titre de séjour en invoquant sa vie privée et familiale en France. Par un arrêté du 31 mars 2023, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. M. B... fait appel du jugement du 29 août 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. M. B... se prévaut de la durée de son séjour en France, de la présence à ses côtés de son épouse et de leurs trois enfants ainsi que de son activité professionnelle. Il ressort toutefois des pièces du dossier que s'il résidait en France depuis plus de sept ans à la date de la décision en litige, il ne justifie pas y avoir, outre sa cellule familiale, des liens d'une ancienneté ou intensité particulières, les attestations de voisins qu'il produit, dans les termes dans lesquelles elles sont rédigées, étant insuffisantes à cet égard. En outre, il ressort des pièces du dossier, que l'épouse de M. B..., également de nationalité bangladaise, séjourne irrégulièrement en France et n'a ainsi pas vocation à se maintenir sur le territoire, de sorte que la cellule familiale a vocation à se reconstituer dans leur pays d'origine. Par ailleurs, en se bornant à se prévaloir des bons résultats scolaires de sa fille aînée, M. B... n'établit pas que ses trois enfants mineurs ne pourraient pas poursuivre leur scolarité au Bangladesh. Si l'intéressé se prévaut également de son activité professionnelle et justifie d'une autorisation de travail délivrée le 1er août 2022 pour un contrat à durée indéterminée en qualité de cuisinier, cet élément ne permet pas d'établir qu'il aurait fixé sur le territoire français le centre de ses intérêts privés et familiaux. Enfin, les circonstances que M. B... et son épouse ont suivi des cours de français, sont hébergés par l'association Horizon Amitié et déclarent leurs revenus ne démontrent pas davantage que l'intéressé aurait fixé en France le centre de ses intérêts personnels. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour en litige ne peut être regardée comme portant au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit également être écarté.
4. En deuxième lieu, faute d'établir l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée en conséquence de l'annulation de cette décision.
5. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3 du présent arrêt.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. / (...) ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la scolarisation des enfants de M. B... ne pourrait pas se poursuivre dans son pays d'origine où la cellule familiale a vocation à se reconstituer. Dans ces conditions, et alors que l'intérêt supérieur d'un enfant ne commande pas l'immutabilité des conditions de sa scolarisation dans un autre pays que celui dont il la nationalité, la seule circonstance que la fille aînée du requérant soit scolarisée en France depuis 2016 et qu'elle obtienne de bons résultats, ne suffit pas à établir que la décision portant obligation de quitter le territoire français en litige porte atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
8. En cinquième et dernier lieu, faute d'établir l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée en conséquence de l'annulation de cette décision.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 mars 2023. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Gangloff et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président,
- Mme Kohler, présidente assesseure,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.
La rapporteure,
Signé : J. Kohler
Le président,
Signé : A. Durup de Baleine
J. Kohler
Le greffier,
Signé : A. BettiLe greffier,
A. BettiLa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
N° 23NC03217