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30/06/2025 | FRANCE | N°24NC01496

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 30 juin 2025, 24NC01496


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la délibération du 23 mars 2023 par laquelle le conseil municipal de Champlitte a approuvé la mise en compatibilité de son plan local d'urbanisme et la décision du 21 juillet 2023 de rejet du recours gracieux formé contre cette délibération, ainsi que l'arrêté du 17 avril 2023 par lequel le préfet de la Haute-Saône a accordé à la société Solefra 16 un permis de construire une centrale solaire sur

le territoire de cette commune.



Par un jugement n° 2301826 du 11 avril 2024, le t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la délibération du 23 mars 2023 par laquelle le conseil municipal de Champlitte a approuvé la mise en compatibilité de son plan local d'urbanisme et la décision du 21 juillet 2023 de rejet du recours gracieux formé contre cette délibération, ainsi que l'arrêté du 17 avril 2023 par lequel le préfet de la Haute-Saône a accordé à la société Solefra 16 un permis de construire une centrale solaire sur le territoire de cette commune.

Par un jugement n° 2301826 du 11 avril 2024, le tribunal administratif de Besançon a annulé la délibération du 23 mars 2023, ainsi que la décision du 21 juillet 2023 et rejeté la demande d'annulation du permis de construire du 17 avril 2023.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 juin 2024 et le 24 février 2025, la société Solefra 16, représentée par Me Harada, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 11 avril 2024 en tant qu'il annule la délibération du 23 mars 2023 et la décision du 21 juillet 2023 ;

2°) de rejeter les demandes de première instance présentées par Mme A... ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le secteur concerné par la déclaration de projet ne peut être regardé comme un espace d'intérêt écologique au sens des orientations du schéma de cohérence territoriale (SCoT) du Pays Graylois ;

- le projet n'est pas incompatible avec le SCoT.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2024, Mme A..., représentée par la SCP Themis avocats et associés, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Solefra 16 en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 18 décembre 2024, la commune de Champlitte, représentée par Me Suissa, conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Besançon du 11 avril 2024 en tant qu'il annule la délibération du 23 mars 2023 et la décision du 21 juillet 2023 et au rejet des demandes de première instance présentées par Mme A... et demande que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de cette dernière en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le projet n'est pas incompatible avec le SCoT.

Par une ordonnance du 25 février 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 mars 2025 à 12 heures.

Les parties ont été informées par un courrier du 5 juin 2025, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions en intervention de la commune de Champlitte qui avait la qualité de partie en première instance.

Par un mémoire, enregistré le 6 juin 2025, la commune de Champlitte a présenté ses observations sur le moyen relevé d'office.

La commune de Champlitte a présenté un mémoire enregistré le 6 juin 2025 après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Berthou,

- les conclusions de M. Meisse, rapporteur public,

- et les observations de Me Lecomte, représentant la société Solefra 16, de Me Weber, représentant Mme A..., et de Me Corsiglia, substituant Me Suissa, représentant la commune de Champlitte.

Une note en délibéré, enregistrée le 16 juin 2025, a été présentée pour la société Solefra 16.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 23 mars 2023, le conseil municipal de la commune de Champlitte a approuvé la déclaration de projet emportant mise en compatibilité du plan local d'urbanisme (PLU), conformément au 2° de l'article L. 153-58 du code de l'urbanisme, concernant un parc photovoltaïque au sol porté par la société Solefra 16. Le permis de construire relatif à ce projet a été accordé par un arrêté du 17 avril 2023 du préfet de la Haute-Saône. La société Solefra 16 demande à la cour d'annuler le jugement du 11 avril 2024 du tribunal administratif de Besançon en tant qu'il annule la délibération du 23 mars 2023 et la décision du 21 juillet 2023 rejetant le recours gracieux présenté par Mme A....

Sur la recevabilité de l'intervention de la commune de Champlitte :

2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance ".

3. L'intervention volontaire en appel d'une personne qui était partie en première instance et qui, dès lors, avait qualité pour faire appel n'est pas recevable. Toutefois, si une telle intervention est formée dans le délai d'appel, elle peut être requalifiée en appel.

4. La commune de Champlitte, qui avait la qualité de partie au litige de première instance porté devant le tribunal administratif de Besançon par Mme A..., n'a pas interjeté appel dans le délai de recours. Elle n'est, par suite, pas recevable à intervenir au soutien de la requête de la société Solefra 16 dirigée contre le jugement contesté.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Aux termes de l'article L. 300-6 du code de l'urbanisme : " L'Etat et ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, se prononcer, par une déclaration de projet, sur l'intérêt général d'une action ou d'une opération d'aménagement au sens du présent livre ou de la réalisation d'un programme de construction ou de l'implantation d'une installation de production d'énergies renouvelables, au sens de l'article L. 211-2 du code de l'énergie (...). Les articles L. 143-44 à L. 143-50 et L. 153-54 à L. 153-59 du présent code sont applicables (...) ". Aux termes de l'article L. 153-58 de ce même code : " La proposition de mise en compatibilité du plan éventuellement modifiée pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête est approuvée : (...) / 2° Par la déclaration de projet lorsqu'elle est adoptée par l'Etat ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent ou la commune (...) ".

6. Aux termes de l'article L. 131-4 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu ainsi que les cartes communales sont compatibles avec : / 1° Les schémas de cohérence territoriale prévus à l'article L. 141-1 ; (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient aux auteurs des plans locaux d'urbanisme, qui déterminent les partis d'aménagement à retenir en prenant en compte la situation existante et les perspectives d'avenir, d'assurer, non leur conformité aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais leur compatibilité avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent. Pour apprécier la compatibilité d'un PLU avec un schéma de cohérence territoriale (SCoT), il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier.

7. Tant le rapport de présentation que le projet d'aménagement et de développement durable du SCoT du Pays Graylois fixe un objectif général d'augmentation de la production d'énergie renouvelable, notamment d'origine photovoltaïque, sur le territoire. Toutefois, les prescriptions n° 94 et 100 du document d'objectifs et d'orientation encadrent les conditions du développement d'une centrale photovoltaïque au sol. La première prévoit que " tout dispositif d'exploitation d'énergie renouvelable et de récupération est interdit au sein des réservoirs de biodiversité et des corridors " et la seconde que " Les centrales photovoltaïques et solaires ne sont autorisées qu'en dehors d'espaces d'intérêt écologique, paysager ou agricole. / L'implantation de panneaux photovoltaïques et solaires se fera en privilégiant : / - le bâti existant et les constructions nouvelles ; / - les espaces en friches ; / - les espaces en déprise agricole si l'intérêt agricole n'est pas démontré. ".

8. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis adopté lors de la séance du 27 juillet 2021 de la mission régionale d'autorité environnementale (MRAe) de Bourgogne-Franche-Comté du Conseil général de l'environnement et du développement durable sur le projet de centrale litigieux, que ce projet conduit à détruire ou dégrader de façon permanente 9,91 hectares de pelouses semi-sèches calcaires subatlantiques et 4,83 hectares de fourrés médio-européens sur sols riches, favorables aux espèces patrimoniales d'insectes et d'oiseaux identifiées. Concernant l'avifaune, l'avis de la MRAe relève que 54 espèces nicheuses ont été inventoriées, que les milieux favorables en période de reproduction à l'avifaune patrimoniale des milieux ouverts et semi-ouverts, couvrant quasiment l'intégralité du secteur, sont considérés comme étant à enjeu fort, avec la présence avérée de plusieurs espèces menacées à l'échelle nationale ou régionale telles que le Bruant jaune. La MRAe recommande de réévaluer à la hausse dans l'étude d'impact tant le niveau d'impact du projet sur les habitats naturels, notamment ceux d'intérêt communautaire et/ou favorables aux espèces patrimoniales d'oiseaux nicheurs et d'insectes et sur les continuités écologiques de la sous-trame " milieux xériques ouverts ", que l'enjeu pour l'habitat de " pelouses semi-sèches calcaires subatlantiques " et l'enjeu relatif aux lépidoptères compte tenu de la présence dans le secteur de milieux ouverts à semi-ouverts favorables à plusieurs espèces patrimoniales, voire protégées telles que l'Azuré du Serpole. Ainsi, alors même que le projet n'est pas implanté au sein des corridors, ni au sein des réservoirs de biodiversité de la sous-trame " milieux xériques " identifiés par le SCoT, que les milieux semi-ouverts ont été évités et qu'il se situe en dehors de tout espace protégé au titre du code de l'environnement, il présente un intérêt écologique avéré. Par suite, la décision portant mise en comptabilité du PLU est incompatible avec le SCoT du Pays Graylois.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Solefra 16 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé la délibération du 23 mars 2023 et la décision du 21 juillet 2023 portant rejet du recours gracieux présenté par Mme A....

Sur les frais de l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Solefra 16 demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Solefra 16 une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de la commune de Champlitte n'est pas admise.

Article 2 : La requête de la société Solefra 16 est rejetée.

Article 3 : La société Solefra 16 versera à Mme A... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Solefra 16, à la commune de Champlitte et à Mme B... A....

Délibéré après l'audience du 12 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Berthou, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2025.

Le rapporteur,

Signé : D. BERTHOULe président,

Signé : Ch. WURTZLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Saône en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 24NC01496 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NC01496
Date de la décision : 30/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. David BERTHOU
Rapporteur public ?: M. MEISSE
Avocat(s) : SCP THEMIS AVOCATS ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-30;24nc01496 ?
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