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30/06/2025 | FRANCE | N°23NC03270

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 30 juin 2025, 23NC03270


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 22 septembre 2023 par lesquels le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an, a procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, et l'a assigné à résidence dans le département du Haut-Rhin pour une durée

de 45 jours, renouvelable une fois par tacite reconduction.



Par un jugement n° 2306...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 22 septembre 2023 par lesquels le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an, a procédé à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, et l'a assigné à résidence dans le département du Haut-Rhin pour une durée de 45 jours, renouvelable une fois par tacite reconduction.

Par un jugement n° 2306749 du 2 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ainsi que la décision portant assignation à résidence en tant seulement qu'elle prévoit une reconduction tacite de cette mesure pour une nouvelle période de 45 jours, a enjoint au préfet du Haut-Rhin de faire procéder à la suppression du signalement de l'intéressé aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros hors taxes au titre des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Airiau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 octobre 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'annulation des décisions du 22 septembre 2023 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et portant assignation à résidence dans le département du Haut-Rhin pour une durée de 45 jours ;

2°) d'annuler les décisions du 22 septembre 2023 du préfet du Haut-Rhin portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et portant assignation à résidence dans le département du Haut-Rhin pour une durée de 45 jours ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bauer a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant bosnien et kosovar né en 1994, est entré sur le territoire français en décembre 2019 selon ses déclarations. Il a sollicité, le 15 décembre 2021, la délivrance d'un titre de séjour sur les fondements de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 435-1 du même code. Par un arrêté du 26 avril 2022, le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit à l'issue de ce délai. Les recours de M. B... contre cet arrêté du 26 avril 2022 ont été rejetés par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 juillet 2022 et par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 21 mars 2023. L'intéressé a été interpellé et placé en rétention administrative le 21 septembre 2023. Par un arrêté du 22 septembre 2023, le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a procédé à son signalement aux fins de

non-admission dans le système d'information Schengen. Par un arrêté du même jour, le préfet du Haut-Rhin l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable une fois par tacite reconduction. Par un jugement du 2 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ainsi que la décision portant assignation à résidence en tant seulement qu'elle prévoit une reconduction tacite de cette mesure pour une nouvelle période de 45 jours. Par la présente requête, M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'annulation des décisions du 22 septembre 2023 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et assignation à résidence.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. M. B... se prévaut de sa présence continue en France depuis quatre années à la date de la décision attaquée, de son mariage en 2021 avec une ressortissante kosovare séjournant régulièrement sur le territoire sous couvert d'une carte de résident et de la naissance en France de leurs deux enfants le 9 septembre 2021 et le 14 juillet 2023. Si la réalité de la communauté de vie avec son épouse est établie par les pièces du dossier, à tout le moins depuis la date de leur mariage, l'intéressé, qui entre dans les catégories d'étrangers pouvant bénéficier du regroupement familial, n'établit pas ne pas pouvoir bénéficier de ces dispositions, de sorte que la séparation avec sa famille ne serait que temporaire, ni, en tout état de cause, que son épouse et ses filles, âgées respectivement de 2 ans et de deux mois à la date de la décision attaquée, ne pourraient l'accompagner au Kosovo le temps nécessaire à l'instruction de sa demande. La seule production d'un contrat de travail à durée indéterminée signé le 11 septembre 2023, quelques jours avant l'édiction de la décision en litige, ne suffit pas à justifier d'une intégration particulière dans la société française, M. B... ne justifiant par ailleurs d'aucune autorisation de travail. Dans ces conditions et alors en outre que l'ancienneté du séjour de l'intéressé en France n'a été acquise que par son maintien irrégulier sur le territoire en dépit d'une première mesure d'éloignement, qu'il n'a pas cherché à régulariser son séjour depuis lors et qu'il n'établit ni même n'allègue être dépourvu de liens dans son pays d'origine, il n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait porté à son droit au respect au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Dans ces circonstances, le préfet du Haut-Rhin n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle de l'intéressé.

5. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

6. Ainsi qu'il a été exposé au point 4, la décision attaquée n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer les enfants de M. B... de leurs parents, alors qu'il n'est pas établi ni même allégué que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer au Kosovo le temps de l'instruction de la demande de regroupement familial de l'intéressé. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit ainsi être écarté, ainsi que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision attaquée au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

7. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ".

8. Eu égard aux éléments analysés au point 4 et alors que M. B... s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire en dépit d'une mesure d'éloignement antérieure, il n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de délai de départ volontaire serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation eu regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui la décision fixant le pays de destination :

9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée du fait de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant assignation à résidence devrait être annulée du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 2 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des décisions du 22 septembre 2023 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et portant assignation à résidence dans le département du Haut-Rhin. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Berthou, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2025.

La rapporteure,

Signé : S. BAUER Le président,

Signé : Ch. WURTZ Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

N° 23NC03270 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC03270
Date de la décision : 30/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MEISSE
Avocat(s) : AIRIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-30;23nc03270 ?
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