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30/06/2025 | FRANCE | N°22NC01880

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 30 juin 2025, 22NC01880


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'Agence immobilière du Kochersberg a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la délibération du 14 novembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes du Kochersberg et de l'Ackerland a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal en ce qu'elle classe en zone Aa les parcelles section 67 n° 2, 3 et 94, situées sur le territoire de la commune de Willgottheim et dont elle est propriétaire.



Par un jugement

du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procédur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Agence immobilière du Kochersberg a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la délibération du 14 novembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes du Kochersberg et de l'Ackerland a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal en ce qu'elle classe en zone Aa les parcelles section 67 n° 2, 3 et 94, situées sur le territoire de la commune de Willgottheim et dont elle est propriétaire.

Par un jugement du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2022, l'Agence immobilière du Kochersberg, représentée par Me Zind, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 mai 2022 ;

2°) d'annuler la délibération du 14 novembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes du Kochersberg et de l'Ackerland a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal en ce qu'elle classe en zone Aa les parcelles section 67 n° 2, 3 et 94, situées sur le territoire de la commune de Willgottheim et dont elle est propriétaire ;

3°) d'annuler les décisions par lesquelles la communauté de communes du Kochersberg et de l'Ackerland a rejeté implicitement puis explicitement son recours gracieux ;

4°) de mettre à la charge de la communauté de communes du Kochersberg et de l'Ackerland une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la délibération attaquée est entachée d'un défaut de concertation préalable effective, en méconnaissance de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme ;

- le classement des parcelles section 67 n° 2, 3 et 94 en zone agricole est incohérent avec les orientations du projet d'aménagement et de développement durable ;

- le classement des parcelles section 67 n° 2, 3 et 94 en zone Aa est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2024, la communauté de communes du Kochersberg et de l'Ackerland, représentée par Me Gillig, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Agence immobilière du Kochersberg une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bauer,

- les conclusions de M. Meisse, rapporteur public,

- et les observations de Me Erkel pour la communauté de communes du Kochersberg et de l'Ackerland.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 10 décembre 2015, le conseil communautaire de la communauté de communes du Kochersberg et de l'Ackerland a prescrit l'élaboration de son plan local d'urbanisme intercommunal, adopté par une délibération du 14 novembre 2019. Après un recours gracieux infructueux, l'Agence immobilière du Kochersberg a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler cette délibération en ce qu'elle classe en zone Aa les parcelles section 67 n° 2, 3 et 94, situées sur le territoire de la commune de Willgottheim et dont elle est propriétaire. L'Agence immobilière du Kochersberg relève appel du jugement du 19 mai 2022 par laquelle le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction applicable au présent litige et reprises, depuis le 1er janvier 2016, aux articles L. 103-2 à L. 103-4 et à l'article L. 103-6 du code de l'urbanisme : " I. - Font l'objet d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées : 1° L'élaboration ou la révision (...) du plan local d'urbanisme ; (...) II. - Les objectifs poursuivis et les modalités de la concertation sont précisés par : (...) 2° L'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement public dans les autres cas. / (...). / Les modalités de la concertation permettent, pendant une durée suffisante et selon des moyens adaptés au regard de l'importance et des caractéristiques du projet, au public d'accéder aux informations relatives au projet et aux avis requis par les dispositions législatives ou réglementaires applicables et de formuler des observations et propositions qui sont enregistrées et conservées par l'autorité compétente. (...)". Aux termes de l'article L. 600-11 du code de l'urbanisme : " Les documents d'urbanisme (...) ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies aux articles L. 103-1 à L. 103-6 et par la décision ou la délibération prévue à l'article L. 103-3 ont été respectées. (...) ".

3. La société requérante remet en cause l'effectivité de la concertation préalable à la prise de la délibération litigieuse en faisant valoir que toutes les informations n'ont pas été partagées, notamment en ce qui concerne les solutions techniques pour empêcher les coulées d'eau boueuse.

4. Cependant, il ressort des pièces du dossier qu'un registre a été mis à la disposition du public pour consigner les observations et y apporter des réponses et que des réunions publiques ont été organisées dans les communes concernées, auxquelles ont participé plus de 300 personnes. S'il n'est pas contesté que l'étude menée par le syndicat des eaux et de l'assainissement sur la question de la mise en place d'une canalisation supplémentaire aux fins d'évacuation des eaux boueuses n'a pas été transmise à l'Agence immobilière du Kochersberg malgré sa demande expresse, le seul défaut de communication de cette étude ne suffit pas à vicier la concertation, alors notamment qu'il ressort des pièces du dossier que le classement des parcelles en cause en zone Aa a été également motivé par les orientations du projet d'aménagement et de développement durables, visant à " donner toute sa place à l'agriculture " en préservant les terres agricoles et à " préserver le cadre de vie des habitants " par la maîtrise de l'étalement urbain et la modération de la consommation foncière. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de concertation préalable doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ". Pour apprécier la cohérence exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectives que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision.

6. L'Agence immobilière du Kochersberg soutient que le classement de ses parcelles en zone agricole est incohérent et incompatible avec les orientations du projet d'aménagement et de développement durables relatives au développement économique, alors que ses parcelles se situent à proximité de zones urbanisables à usage d'habitation, qu'elles étaient antérieurement classées en zone artisanale et qu'elles auraient pu accueillir une zone économique proportionnée à la taille de la commune, des entreprises ayant manifesté leur intérêt à ce sujet, et que le classement en zone agricole méconnaîtrait l' orientation visant à " Prendre en compte les risques et les nuisances pour protéger les personnes et les biens ", qui prévoit la prise en compte des risques de coulées d'eaux boueuses, alors que les pratiques agricoles sont, en partie, responsables de ces coulées de boues. Toutefois, le classement en zone Aa des parcelles litigieuses ne suffit pas à contrarier la mise en œuvre des orientations du projet d'aménagement et de développement durables " Mettre en œuvre une stratégie de développement économique adaptée au territoire ", " Optimiser le foncier voué à l'activité économique " et " Prendre en compte les risques et les nuisances pour protéger les personnes et les biens " à l'échelle du territoire. En outre, ainsi qu'il a été indiqué, le projet d'aménagement et de développement durables prévoit également de " donner toute sa place à l'agriculture " et a pour objectif de protéger les terres agricoles, notamment en réduisant les surfaces dédiées aux extensions urbaines et en limitant la consommation du foncier agricole. Enfin, il ressort du rapport de présentation et du règlement du plan local d'urbanisme que la zone Aa est destinée à la préservation des terres agricoles, dont la constructibilité est très limitée, ne permettant notamment pas la construction d'immeubles nécessaires à une exploitation agricole ou un élevage. Le secteur Aa est destiné tout particulièrement à la construction de petits équipements agricoles dont l'emprise au sol est inférieure à 10 m² et d'abris de pâture pour animaux, dont il n'est pas contesté qu'il s'agit de l'usage actuel des parcelles en cause.

7. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'incohérence du classement des parcelles de la requérante avec les orientations du projet d'aménagement et de développement durables doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. ". Aux termes de l'article R. 151-22 du même code : " Les zones agricoles sont dites " zone A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. ". Une zone agricole du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer, en conséquence, le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation, sur ces différents points, ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

9. Si la société requérante fait valoir, dans sa requête, que les parcelles en cause n'ont pas de potentiel agronomique, biologique ou économique et qu'elles sont situées au croisement de 3 zones urbanisées, il ressort des pièces du dossier qu'elles se trouvent en sortie de village, que seules les parcelles adjacentes au nord et à l'ouest sont urbanisées et qu'elles ouvrent au sud sur de vastes zones agricoles sous forme de prés ou de champs, de sorte qu'elles s'insèrent dans une zone à vocation agricole. L'absence de potentiel agronomique desdites parcelles n'est, au demeurant, pas établi, alors que, ainsi qu'il a été indiqué, il ressort des pièces du dossier qu'elles sont déjà utilisées pour le pâturage de chevaux. Ce classement s'inscrit par ailleurs dans les objectifs du schéma de cohérence territoriale de la région de Strasbourg qui pose l'exigence que le développement de la région de Strasbourg doit se traduire par une transformation modérée d'espaces naturels, agricoles et/ou forestiers en espaces urbanisés. Il suit de là que le moyen tiré du classement des parcelles section 67 n° 2, 3 et 94 en zone Aa n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que l'Agence immobilière du Kochersberg n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les conclusions présentées à ce titre par l'Agence immobilière du Kochersberg, qui est la partie perdante dans la présente instance, doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros à verser à la communauté de communes du Kochersberg et de l'Ackerland.

D E C I D E:

Article 1er : La requête de l'Agence immobilière du Kochersberg est rejetée.

Article 2 : L'Agence immobilière du Kochersberg versera à la communauté de communes du Kochersberg et de l'Ackerland une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Agence immobilière du Kochersberg et à la communauté de communes du Kochersberg et de l'Ackerland.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Berthou, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2025.

La rapporteure,

Signé : S. BAUERLe président,

Signé : Ch. WURTZLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet du Bas-Rhin en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

2

N° 22NC01880


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01880
Date de la décision : 30/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MEISSE
Avocat(s) : ZIND

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-30;22nc01880 ?
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