Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 22 mai 2024 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, laquelle obligation fixe le pays de renvoi en cas d'éloignement d'office à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 2401275 du 26 septembre 2024, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 octobre 2024, M. B... A..., représenté par Me Migliore, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 septembre 2024 ;
2°) de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour n'est pas régulièrement motivé ;
- sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen réel et sérieux ;
- ce refus est illégal faute d'évocation et d'application de la convention franco-tunisienne du 17 mars 1988 ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence ;
- elle n'est pas régulièrement motivée ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en conséquence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2024, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Durup de Baleine a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant tunisien né en 1992, est arrivé sur le territoire français, le 20 juillet 2022 selon ses déclarations. Le 21 octobre 2023, il s'est marié à Seloncourt avec une ressortissante française née en 1987. Le 20 janvier 2024, il a sollicité du préfet du Doubs la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de sa qualité de conjoint d'une française. Il relève appel du jugement du 26 septembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 22 mai 2024 par lequel ce préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. L'arrêté du 22 mai 2024 comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait constituant le fondement de la décision du préfet du Doubs de refuser la délivrance d'un titre de séjour à M. A.... Il en résulte que cette décision est régulièrement motivée. Conformément aux dispositions du second alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il en va de même de celle portant obligation de quitter le territoire français.
3. La circonstance que l'arrêté du 22 mai 2024 ne vise pas l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail est sans incidence sur la légalité de la décision refusant à M. A... la délivrance d'un titre de séjour.
4. Les circonstances que l'arrêté du 22 mai 2024 comporte une faute dans l'orthographe du nom de M. A... et mentionne qu'il a sollicité la régularisation de sa situation le 20 janvier 2024, alors que cette demande a été déposée le 23 janvier 2024, sont sans incidence sur l'appréciation de la légalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré irrégulièrement sur le territoire français. Il y séjournait irrégulièrement au moment de son mariage le 21 octobre 2023 avec une française. Son cas est ainsi celui d'un ressortissant étranger qui, entré irrégulièrement en France puis s'y étant maintenu irrégulièrement, demande la régularisation de sa situation de séjour en se prévalant de son mariage avec une personne de nationalité française. Il résulte de l'instruction que le préfet du Doubs a examiné la situation propre de M. A..., sans méconnaître l'étendue du pouvoir d'appréciation dont il est investi dans une telle hypothèse où l'étranger, faute d'entrée régulière sur le territoire français, n'est pas en droit de prétendre à la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de conjoint d'une française. Il en résulte que le moyen tiré de ce que la demande de M. A... n'a pas fait l'objet d'un examen réel et sérieux doit être écarté.
6. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappellent les articles L. 110-1 et L. 411-1 de ce code, sous réserve des engagements internationaux de la France.
7. Aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail : " 1. Un titre de séjour, d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : / a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français, marié depuis au moins un an (...) ". Aux termes de l'article 7 quater de cet accord : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". L'article 11 de cet accord stipule : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent accord, dans les conditions prévues par sa législation ".
8. Aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; / 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. ". Selon l'article L. 412-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1. ". L'article L. 423-2 de ce code dispose : " L'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".
9. Il résulte de l'ensemble de ces stipulations et dispositions que, dès lors que la délivrance d'un titre de séjour d'une durée de dix ans à un ressortissant tunisien en qualité de conjoint de français est prévue au a) du 1 de l'article 10 de l'accord franco-tunisien, qui ne régit pas de manière complète le droit au séjour des ressortissants tunisiens, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable à l'appui d'une telle demande d'admission au séjour, s'agissant d'un point déjà traité par cet accord. En revanche, la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", d'une durée de validité d'un an, en ce qu'elle n'est pas prévue par cet accord, intervient dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 423-1, ou le cas échéant de l'article L. 423-2, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui est arrivé irrégulièrement sur le territoire français, n'y séjourne pas régulièrement. En outre, son mariage avec une française, le 21 octobre 2023, remonte à moins d'un an tant au moment de sa demande de titre de séjour, au mois de janvier 2024, qu'au moment de l'arrêté contesté. Ainsi, sa situation ne relève pas des prévisions du a) du 1 de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, qui en outre ne dispense pas d'une entrée régulière sur le territoire français. Le préfet du Doubs n'a, dès lors, pas commis d'illégalité en ne faisant pas application au cas de M. A... des stipulations de ce texte, dont d'ailleurs il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il en aurait demandé le bénéfice.
11. Faute pour M. A... de relever du cas prévu au a) du 1 de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, il appartenait au préfet du Doubs, comme il l'a fait et conformément aux articles 7 quater et 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, d'examiner la demande de régularisation présentée par l'intéressé au regard des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", en particulier en qualité de conjoint de français. Or, M. A..., en raison de son entrée irrégulière sur le territoire français et ainsi d'ailleurs qu'il ne le conteste pas, n'est pas en droit de prétendre à la délivrance d'une telle carte de séjour en cette qualité, tant au regard de l'article L. 423-1 que de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. Le préfet pouvait également, ainsi qu'il l'a fait, examiner la demande de M. A..., au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même que, cet étranger relevant de la catégorie prévue à l'article L. 423-1, sa situation ne relève pas du champ d'application de l'article L. 423-23, comme au regard de la possibilité d'une admission exceptionnelle au séjour, prévue par l'article L. 435-1 du même code.
13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 12 que M. A... n'est pas fondé à prétendre que le préfet du Doubs a commis une illégalité en examinant sa demande, non au regard des stipulations de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 relatives à la délivrance d'un titre de séjour d'une durée de dix ans au conjoint tunisien d'un ressortissant français, mais au regard des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".
14. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
15. Il ressort des pièces du dossier que M. A... ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire français et son séjour, selon lui depuis le mois de juillet 2022, demeure très récent. Son mariage avec une ressortissante française, au mois d'octobre 2023, est, de même, très récent. Les époux n'ont pas d'enfant ensemble. Les époux ne pouvaient ignorer, au moment de ce mariage, la situation de séjour irrégulier de l'un d'entre eux et, dans un tel cas, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ouvrent pas à celui des époux séjournant irrégulièrement en France le droit, avec son conjoint, de choisir le pays d'établissement de leur couple. En outre, dès lors que la possibilité pour M. A... de se marier en France devant l'officier d'état civil n'était pas subordonnée à la régularité de son séjour, son mariage ne lui ouvre en lui-même pas de droit à la régularisation de son séjour par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", alors qu'il ne remplit pas l'ensemble des conditions prévues par la loi pour la délivrance d'une telle carte en qualité de conjoint d'une française. M. A..., dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dans l'impossibilité de quitter la France en vue de demander et obtenir un visa lui permettant une entrée régulière dans ce pays à laquelle la loi subordonne dans son cas la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de conjoint d'une française, peut retourner en Tunisie, où il a vécu pendant plus de trente ans et où il ne ressort pas du dossier qu'il serait sans attaches familiales. Enfin, s'il est fait état d'une promesse d'embauche, une telle circonstance, qui ne se rapporte pas en elle-même à la vie privée et familiale, ne caractérise pas des attaches personnelles anciennes, intenses et stables en France. Dès lors, compte tenu de la durée et des conditions du séjour de M. A... en France, comme des effets d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, le préfet du Doubs, en refusant de régulariser sa situation de séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts dans lesquels ont été prises ces décisions, qui, par suite, ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas non plus du dossier qu'en prenant ces décisions, le préfet du Doubs aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de M. A....
16. Compte tenu de ce qui a été dit quant à la légalité du refus de délivrer un titre de séjour, M. A... n'est pas fondé à prétendre que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de ce refus.
17. Compte tenu de ce qui a été dit quant à la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. A... n'est pas fondé à soutenir que celle fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de cette obligation.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement d'une somme à ce titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
Délibéré après l'audience du 3 juin 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président,
- M. Barlerin, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : A. Durup de BaleineL'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
Signé : A. Barlerin
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 24NC02636