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12/06/2025 | FRANCE | N°24NC00825

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 12 juin 2025, 24NC00825


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 21 juin 2023 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de 24 mois.



Par un jugement n° 2301624 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif

de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 21 juin 2023 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de 24 mois.

Par un jugement n° 2301624 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 avril 2024, Mme A... B..., représenté par Me Hami-Znati, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 12 octobre 2023 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

S'agissant du refus de titre de séjour :

- il est entaché d'incompétence ;

- il est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen sérieux ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code civil ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle n'a pas été entendue préalablement à son édiction ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code civil ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- il est entaché d'incompétence ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code civil ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

S'agissant de l'interdiction de retour :

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code civil.

La requête a été communiqué au préfet de la Marne qui n'a pas produit de mémoire dans l'instance.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Berthou a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante de nationalité arménienne née le 13 juin 1975, est entrée sur le territoire français le 21 décembre 2017, accompagnée de ses deux enfants mineurs et de sa mère. Par une décision du 22 novembre 2019, confirmée par une ordonnance du 5 mars 2020 de la Cour nationale du droit d'asile, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté leurs demandes d'asile. Par un arrêté du 10 juin 2020, le préfet de la Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par un arrêté du 19 octobre 2020, il a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour et l'a de nouveau obligée à quitter le territoire. La légalité de cet arrêté été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 2 février 2021 et par une ordonnance de la cour administrative d'appel de Nancy du 2 décembre 2021. Par un arrêté du 21 juin 2023, le préfet de la Marne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par la présente requête, Mme B... relève appel du jugement du 12 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions attaquées :

2. En premier lieu, par un arrêté du 4 avril 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, le préfet de la Marne a donné délégation à M. Emile Soumbo, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous les actes relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de certains au nombre desquels ne figurent pas les décisions prises en matière de police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté doit être écarté.

3. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 9 du code civil ne peuvent qu'être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, la décision attaquée comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée. Cette motivation démontre en outre que le préfet de la Marne a procédé à l'examen de la situation particulière de Mme B..., avant de prendre la décision contestée. Dès lors, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de cette décision et de ce que préfet n'aurait pas procédé à un tel examen doivent être écartés.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

6. Mme B..., qui réside en France depuis plus de cinq ans à la date de l'arrêté contesté, se prévaut de la présence en France de son fils mineur et de sa fille majeure. Si elle fait valoir que son fils présente des troubles psychomoteurs, dans son avis du 18 avril 2023 dont elle ne conteste pas la teneur, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, consulté par le préfet, a estimé que si l'enfant a besoin d'une prise en charge, son défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une extrême gravité et qu'il peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Quant à sa fille ainée, elle ne dispose d'aucun droit au séjour sur le territoire français et a fait l'objet d'une mesure d'éloignement dont la légalité est confirmée par un arrêt de la cour du même jour que le présent arrêt. La requérante n'établit par ailleurs pas ne plus disposer d'attaches dans son pays d'origine. Par suite, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de l'intéressée, la décision lui refusant un titre de séjour n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6 du présent arrêt, Mme B..., qui ne justifie pas de l'impossibilité de reconstituer sa cellule familiale avec ses deux enfants dans son pays d'origine, n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Marne a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a pris le refus de séjour en litige. De même, dès lors le défaut de soin de son fils n'est pas de nature à entraîner pour lui des conséquences d'une extrême gravité et qu'il peut voyager sans risque vers son pays d'origine et y poursuivre sa scolarité, le préfet de la Marne n'a pas davantage méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Pour les mêmes raisons, il n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de Mme B... en ne faisant pas usage de son pouvoir de régularisation à titre exceptionnel.

9. En quatrième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'un refus de titre de séjour.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, Mme B... a pu présenter sur sa situation les observations qu'elle estimait utiles dans le cadre de l'examen de sa demande de titre de séjour. Alors qu'elle ne pouvait ignorer qu'en cas de rejet de cette demande, elle était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement, elle n'allègue pas avoir sollicité en vain un entretien auprès des services préfectoraux, ni avoir été empêchée de présenter d'autres observations avant que ne soit prise la décision portant obligation de quitter le territoire français en litige. Elle ne fait valoir aucun élément pertinent qu'elle n'a pu présenter et qui aurait pu influer sur le contenu de la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

11. En deuxième lieu, lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Tel n'est pas le cas de la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles ne prescrivent pas la délivrance d'un titre de plein droit mais laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels dont l'intéressé se prévaut. Mme B... ne saurait dès lors utilement soutenir que l'obligation de quitter le territoire contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 6 et 8 du présent arrêt, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la mesure d'éloignement en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision en litige sur sa situation personnelle doit être écarté pour les mêmes motifs.

13. En quatrième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une obligation de quitter le territoire français.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

14. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 6 et 8 du présent arrêt, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

15. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

16. Mme B..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, soutient que sa vie et sa liberté sont menacées dans son pays d'origine sans appuyer ses allégations d'aucun commencement de preuve autre qu'une attestation très peu circonstanciée émanant d'un cousin. Par suite, elle n'établit pas être personnellement exposé à un risque réel, direct et sérieux en cas de retour en Arménie. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

17. En premier lieu, Mme B... reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'interdiction de retour sur le territoire français. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges aux points 15 à 17 du jugement attaqué.

18. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 6 et 8 du présent arrêt et alors qu'elle a fait l'objet de précédentes mesures d'éloignement auxquelles elle n'a pas déféré, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant interdiction de retour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Marne du 21 juin 2023, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Berthou, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2025.

Le rapporteur,

Signé : D. BERTHOULe président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet de la Marne en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 24NC00825 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NC00825
Date de la décision : 12/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. David BERTHOU
Rapporteur public ?: M. MEISSE
Avocat(s) : HAMI - ZNATI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-12;24nc00825 ?
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