Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le GAEC de La Poste a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la délibération du 25 mars 2021 par laquelle le conseil communautaire de la communauté urbaine du Grand Reims a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune de Lavannes, en tant qu'elle classe en zone N les parcelles cadastrées ZB n° 21 et 27.
Par un jugement n° 2101185 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2022, le GAEC de La Poste, représenté par Me Sens-Salis, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 13 octobre 2022 ;
2°) d'annuler la délibération du 25 mars 2021 du conseil communautaire de la communauté urbaine du Grand Reims en tant qu'elle classe en zone N les parcelles cadastrées ZB n° 21 et 27 ;
3°) d'enjoindre à la communauté urbaine du Grand Reims d'engager la procédure de révision allégée du plan local d'urbanisme de la commune de Lavannes dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et d'approuver ladite révision dans un délai de douze mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la communauté urbaine du Grand Reims la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le rapport de présentation n'explique pas suffisamment les choix retenus pour justifier le classement en zone N de 327,85 ha de terres agricoles ;
- le classement des parcelles en cause est incohérent avec le projet d'aménagement et de développement durables (PADD) ;
- le classement contesté méconnaît les dispositions des articles R. 151-22 et R. 151-24 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2024, la communauté urbaine du Grand Reims, représentée par Me Petit, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du GAEC de La Poste en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requérante ne justifie pas de sa qualité pour agir ;
- l'appelante ne peut utilement soutenir que le règlement ne serait pas cohérent avec les objectifs du PADD en se fondant sur une argumentation purement économique et en omettant les autres objectifs poursuivis par le PADD ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Berthou,
- les conclusions de M. Meisse, rapporteur public,
- et les observations de Me Frigière pour la communauté urbaine du Grand Reims.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 25 mars 2021, le conseil communautaire de la communauté urbaine du Grand Reims (CUGR) a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Lavannes. Le GAEC de La Poste demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne rejetant ses conclusions à fin d'annulation de cette délibération en tant qu'elle classe en zone N les parcelles cadastrées ZB n° 21 et 27 dont elle est propriétaire.
Sur la fin de non-recevoir :
2. Aux termes de l'article L. 323-1 du code rural : " Les groupements agricoles d'exploitation en commun sont des sociétés civiles de personnes régies par les chapitres Ier et II du titre IX du livre III du code civil et par les dispositions du présent chapitre. Ils sont formés entre personnes physiques majeures ". Aux termes du premier alinéa de l'article 1849 du code civil, figurant au chapitre 2 du titre IX du livre III de ce code : " Dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l'objet social (...) ". Il résulte de ces dispositions que le gérant d'une société civile tient normalement de ses fonctions le droit d'agir en justice. Par suite, les consorts A..., représentants légaux du GAEC de La Poste, ont qualité pour agir en son nom. La fin de non-recevoir opposée en défense par la CUGR doit donc être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / (...) 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; (...) ".
4. Il appartient aux auteurs d'un PLU de déterminer le parti d'aménagement à retenir, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
5. Il ressort du rapport de présentation du PLU litigieux que les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables (PADD) portent sur trois axes : rechercher une dynamique de développement urbain maîtrisé et équilibré, préserver la richesse du patrimoine urbain, paysager et la qualité du cadre de vie et affirmer le caractère convivial du village, ces trois axes étant déclinés en objectifs dont la protection de l'environnement naturel, comportant notamment la protection de la ressource en eau potable, et la protection de la qualité paysagère, tenant notamment à la protection du paysage de cultures ouvertes de la plaine de Champagne en appliquant une qualité visuelle réciproque entre les grandes infrastructures de transport et le village. Ainsi, l'orientation 2.1 du PADD consistant à " protéger l'environnement naturel " prévoit la prise en compte de la protection de la ressource en eau potable issue du captage communal actuel dans la mesure où il contribue à l'alimentation du village et l'orientation 2.3 destinée à " protéger la qualité paysagère et accompagner sa sensibilité " implique notamment d'apporter une image de qualité du village depuis les principales voies de circulation, en particulier les routes départementales et l'autoroute A 34, en veillant à pérenniser la composition du grand paysage ainsi que les cônes de vue vers le village depuis le Sud et l'Ouest, vers le clocher de l'église implantée au cœur du village et vers le campanile de la mairie.
6. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les parcelles cadastrées ZB n° 21 et 27 classées en zone N par le PLU contesté ne se trouvent pas dans les cônes de vue matérialisés dans le rapport de présentation et ne sont pas visibles sur les photographies des entrées de village y figurant. Si la CUGR produit en défense une autre photographie montrant la sensibilité paysagère depuis la voie romaine, avec covisibilité des parcelles, du clocher et du campanile, il est constant que ce chemin n'est emprunté que par les agriculteurs et ne fait pas partie des grandes voies de circulation depuis lesquelles le PADD entend protéger l'image du village. Si les deux parcelles en cause sont, par ailleurs, incluses dans le périmètre de protection éloignée du captage d'eau portable de la commune, elles ne sont pas incluses dans le périmètre de protection rapprochée ainsi qu'il ressort de l'arrêté préfectoral du 19 avril 1993 instituant les périmètres de protection du captage en eau potable de Lavannes. Les dispositions de cet arrêté, modifié par arrêté du 7 juin 1993, ne prévoient, conformément aux dispositions de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique, aucune interdiction d'installations, travaux ou activités au sein du périmètre éloigné, mais des seules réglementations des constructions et activités s'y implantant. Par suite, en classant les parcelles litigieuses en zone N interdisant strictement toute construction affectée à l'exploitation agricole aux motifs de la protection de la sensibilité paysagère du village et de la préservation de la ressource locale en eau potable, la CUGR a commis une erreur manifeste d'appréciation.
7. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen de la requête n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder l'annulation de la délibération du 4 mars 2021.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement ni les autres moyens de la requête, que le GAEC de La Poste est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Aux termes de l'article L. 153-7 du code de l'urbanisme : " En cas d'annulation partielle par voie juridictionnelle d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente élabore sans délai les nouvelles dispositions du plan applicables à la partie du territoire communal concernée par l'annulation (...) "
10. L'exécution du présent arrêt implique, compte-tenu de son motif, que le conseil communautaire de la CUGR réexamine le classement des parcelles cadastrées section ZB n° 21 et 27. Il y a lieu de lui enjoindre de procéder à ce réexamen dans un délai de quatre mois à compter de la date de notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du GAEC de La Poste, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la CUGR demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la CUGR une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le GAEC de La Poste et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.
Article 2 : La délibération du 25 mars 2021 par laquelle le conseil communautaire de la communauté urbaine du Grand Reims a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune de Lavannes est annulée en tant qu'elle classe en zone N les parcelles cadastrées ZB n° 21 et 27.
Article 3 : Il est enjoint à la communauté urbaine du Grand Reims de réexaminer le classement des parcelles cadastrées section ZB n° 21 et 27 sur le territoire de la commune de Lavannes et de prendre une nouvelle décision dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : La communauté urbaine du Grand Reims versera au GAEC de La Poste la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par la communauté urbaine du Grand Reims sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au GAEC de La Poste et à la communauté urbaine du Grand Reims.
Copie en sera adressé à la commune de Lavannes.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Berthou, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2025.
Le rapporteur,
Signé : D. BERTHOULe président,
Signé : Ch. WURTZLe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet de la Marne en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 22NC03040 2