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12/06/2025 | FRANCE | N°22NC02365

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 12 juin 2025, 22NC02365


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme A... et la société civile immobilière (SCI) de la Croisette ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la délibération du 12 mars 2020 par laquelle la commune de Russ a approuvé la révision de son plan local d'urbanisme (PLU).



Par un jugement n° 2004979 du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et

un mémoire, enregistrés le 16 septembre 2022 et le 10 juillet 2024, Mme A... et autres, représentés par Me Marty, demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... et la société civile immobilière (SCI) de la Croisette ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la délibération du 12 mars 2020 par laquelle la commune de Russ a approuvé la révision de son plan local d'urbanisme (PLU).

Par un jugement n° 2004979 du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 septembre 2022 et le 10 juillet 2024, Mme A... et autres, représentés par Me Marty, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 juillet 2022 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler la délibération du 12 mars 2020 par laquelle la commune de Russ a approuvé la révision de son plan local d'urbanisme ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Russ des sommes de 2 500 euros à leur payer à chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le classement de leurs parcelles en zone NJ est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ; il est justifié à tort par leur caractère inconstructible en raison du passage de la ligne électrique ; elles ne sont pas situées en frange urbaine mais en zone urbanisée, présentent les mêmes caractéristiques que les autres terrains situés rue de la croisette et sont desservies par les réseaux ; le zonage NJ ne saurait se justifier dans un secteur où les constructions à usage d'habitation en premier, en second, voire en troisième rang sont la norme ; enfin, ces parcelles, classées en zone A pour leur partie arrière, ne présentent pas le caractère d'espaces naturels ; elles n'ont aucun valeur écologique ou paysagère ;

- le classement en zone NJ est incohérent avec les orientations du projet d'aménagement et de développement durable (PADD), notamment celle relative à l'optimisation de la consommation foncière avec la mobilisation des dents creuses, alors que leurs terrains sont identifiés comme tels dans le rapport de présentation ; la taille réduite de leurs terrains ne peut répondre à l'objectif de maintenir une ouverture paysagère telle que définie par le PADD ;

- le PLU est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale (SCOT) de la Bruche, qui invite à favoriser le renouvellement urbain ;

- le classement en zone AU de terres agricoles est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et incohérent par rapport aux objectifs du PADD de densification de l'aire urbaine existante et de remplissage des dents creuses ; cet impact sur les terres agricoles n'est justifié par aucune évolution de la population et de la demande en termes de logements dans la commune.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 décembre 2022, le 22 juillet 2024 et le 11 septembre 2024, la commune de Russ, représentée par Me Gillig, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la zone NJ délimitée au niveau de la rue de la croisette permet notamment de tenir compte du caractère inconstructible des parcelles litigieuses en raison du passage de la ligne électrique aérienne qui les survole, mais il ne constitue pas le seul motif ayant présidé au classement de ces terrains en zone NJ ; en effet, les auteurs du PLU ont entendu identifier plusieurs secteurs de zone naturelle et, notamment, des secteurs NJ correspondant à une zone naturelle de jardins en frange urbaine protégée pour des motifs paysagers et écologiques ; elles s'inscrivent par ailleurs à l'ouest et au sud dans de vastes espaces naturels libres de toute construction ;

- le rapport de présentation distingue des dents creuses identifiées en bleu et des dents creuses identifiées en rouge qui seules peuvent, en raison de leur dimension, faire l'objet d'un aménagement d'ensemble ou présentent un intérêt stratégique pour le développement d'équipements publics, de par leur dimension et leur situation ; or, en l'espèce les parcelles litigieuses sont identifiées en bleu et n'ont donc jamais été pointées comme des dents creuses pouvant faire l'objet d'un projet de construction ; le classement en zone NJ est parfaitement cohérent avec le PADD qui prévoit la préservation des espaces ouverts interstitiels au sein du tissu urbain ;

- la mission régionale de l'Autorité environnementale (MRAe) n'a pas estimé que le PLU était incompatible avec le SCOT et s'est bornée à inviter les auteurs du PLU à accentuer leurs efforts en matière de renouvellement urbain ; le syndicat mixte pour le SCOT de la Bruche a d'ailleurs émis un avis favorable au PLU ; les auteurs du PLU ont procédé à une analyse fine du potentiel de développement en renouvellement urbain du territoire couvert par le plan, notamment en procédant à l'inventaire et à la caractérisation des dents creuses dudit territoire ; cette analyse a tenu compte des obstacles techniques et/ou environnementaux, de nature à mettre en cause la viabilité économique des opérations de densification et de mutation des espaces bâtis identifiés ; au terme de cette analyse, il est apparu que 44 % des dents creuses, soit 3,3 hectares répondaient aux critères prévus, mais que, compte-tenu de divers obstacles techniques, ce potentiel de développement urbain devait être ramené à 2,5 hectares ; par ailleurs, conformément aux objectifs fixés par le SCOT de la Bruche, chacune des zones à urbaniser a été affectée de coefficients de densification à l'hectare ;

- les auteurs du PLU ont choisi de retenir un scénario s'appuyant sur le taux de croissance annuelle moyenne de la dernière période statistique 2008-2013 nécessitant la production de 110 logements, conformément au statut de pôle relais conféré à la commune de Russ par le documents d'objectifs et d'orientation du SCOT ; les requérants se bornent à invoquer de façon générale un classement trop important de surfaces en zone AU, au détriment des zones A, mais sans préciser leur critique à l'égard de chacune des zones en cause retenues ; les zones retenues sont desservies par la voirie publique, les réseaux d'eau et d'électricité et affectées d'une orientation d'aménagement et de programmation définissant leurs conditions d'aménagement et d'équipement ainsi qu'une densité minimale ; le rapport de présentation précise les critères de localisation préférentielle des zones urbaines d'extension, au nombre desquels figure l'impact de la consommation de terres agricoles sur l'activité agricole ; le rapport de présentation précise par ailleurs que les surfaces agricoles mobilisées par les projets de développement représentent moins de 5 % des surfaces agricoles de la commune.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bauer,

- et les conclusions de M. Meisse, rapporteur public.

- et les observations de Me Marty, représentant Mme et M. A... et la SCI de la Croisette et de Me Erkel, représentant la commune de Russ.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 16 juin 2016, la commune de Russ a prescrit la révision de son plan local d'urbanisme (PLU), approuvée par délibération du 12 mars 2020. M. et Mme A..., ainsi que la SCI de la Croisette, propriétaires des parcelles cadastrées section 3 n° 598, 567 et 596, ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler cette délibération. Par la présente requête, ils relèvent appel du jugement du 18 juillet 2022 par lequel le tribunal a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué :

En ce qui concerne les moyens dirigés spécifiquement contre le classement partiel en zone UJ des parcelles cadastrées section 3 n° 598, 567 et 596 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige : " Le projet d'aménagement et de développement durables définit : / 1° Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques ; / 2° Les orientations générales concernant l'habitat, les transports et les déplacements, les réseaux d'énergie, le développement des communications numériques, l'équipement commercial, le développement économique et les loisirs, retenues pour l'ensemble de l'établissement public de coopération intercommunale ou de la commune. [...] ". Aux termes de l'article L. 151-8 du même code : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ".

3. Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du PLU entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables (PADD), il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le PADD, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du PLU à une orientation ou un objectif du PADD ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

4. En l'espèce, les requérants soutiennent que leurs parcelles avaient été identifiées par le rapport de présentation comme des " dents creuses ", dont le PADD avait prévu, conformément à son orientation relative à l'optimisation de la consommation foncière, la mobilisation en priorité pour des projets de construction. Ils se prévalent par ailleurs de l'avis en date du 7 novembre 2019 rendu par la mission régionale de l'Autorité environnementale (MRAe) sur le projet de révision du PLU, dans lequel cette dernière recommande à la commune une mobilisation plus importante des dents creuses, seuls 2,5 hectares étant mobilisés sur un potentiel identifié de plus de 7 hectares. Toutefois, ces seules circonstances ne suffisent pas à caractériser, à l'échelle de l'ensemble du territoire, une incohérence entre le règlement du PLU et le PADD, alors que ce dernier comporte également une orientation relative au maintien de l'ouverture paysagère à proximité directe du tissu urbain qui prévoit notamment de préserver les espaces ouverts interstitiels de type prairies et jardins, catégorie qui s'applique aux terrains des requérants. La circonstance que les parcelles en cause ne soient pas identifiées par le rapport de présentation dans les zones paysagères à protéger est sans incidence à cet égard, alors que les auteurs du PLU n'ont pas à justifier de leurs choix pour chaque parcelle. Est également sans incidence leur faible superficie, le PADD ne fixant pas de seuils particuliers à cet égard. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incohérence du classement des parcelles litigieuses avec les orientations du PADD doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. (...) ". L'article R. 151-24 du code de l'urbanisme dispose que : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; (...) 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; (...) ".

6. Il appartient aux auteurs d'un PLU de déterminer le parti d'aménagement à retenir, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

7. Le rapport de présentation précise que la zone N correspond à l'ensemble des terrains à protéger ou à préserver en raison de leur valeur environnementale, écologique ou paysagère et qu'elle recouvre des espaces naturels de grande étendue mais d'aspects et d'usages variés, d'où la création de différents secteurs N, dont la zone NJ qui correspond à une zone naturelle de jardins protégée pour des motifs paysagers et écologiques en frange urbaine.

8. En l'espèce, les parcelles litigieuses ont été classées en zone NJ pour leur partie avant donnant sur la rue de la Croisette et en zone agricole pour leur partie arrière, ce dernier classement n'étant pas contesté. Il résulte expressément du rapport de présentation, ainsi que de l'attestation produite en ce sens par le maire de la commune, que le classement en zone NJ des terrains des requérants est exclusivement motivé par la volonté de le rendre inconstructible en raison du passage d'une ligne électrique aérienne. Or, dans son avis du 8 juin 2020 rendu sur la demande de certificat d'urbanisme opérationnel présentée par Mme A... sur la partie avant de ces parcelles pour la construction d'une maison individuelle et d'un garage, le gestionnaire du réseau électrique, Strasbourg Electricité Réseaux, précise que la présence de la ligne à haute tension ne fait pas obstacle au projet, sous réserve du respect des prescriptions de sécurité que cet avis énonce. Par ailleurs, il n'est pas sérieusement contesté que la portion des parcelles litigieuses classée en zone NJ est située dans une zone urbanisée, qu'elles sont desservies par les réseaux publics et que les parcelles à proximité immédiate sont toutes urbanisées en premier, voire en deuxième ou en troisième rideau. Il ressort par ailleurs tant des photographies produites au dossier que de l'inventaire réalisé à la demande des intéressés que les terrains en cause n'ont pas une valeur paysagère ou écologique particulière et que les quelques arbres et massifs boisés qui s'y trouvent sont localisés non dans la partie classée en zone NJ mais dans la partie classée en zone agricole, qui seule borde d'autres espaces naturels. Enfin, la vocation d'ouverture paysagère en zone urbaine qui serait permise par le classement des parcelles des requérants en zone NJ n'apparaît pas caractérisée, au regard notamment de la faible superficie desdites parcelles. Il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que le classement partiel de leurs parcelles en zone NJ est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne les autres moyens :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 141-2 du code de l'urbanisme, dans sa version alors applicable : " Le schéma de cohérence territoriale comprend : 1° Un rapport de présentation ; 2° Un projet d'aménagement et de développement durables ; 3° Un document d'orientation et d'objectifs. Chacun de ces éléments peut comprendre un ou plusieurs documents graphiques. ". L'article L. 141-5 du même code dispose que : " Dans le respect des orientations définies par le projet d'aménagement et de développement durables, le document d'orientation et d'objectifs détermine : 1° Les orientations générales de l'organisation de l'espace et les grands équilibres entre les espaces urbains et à urbaniser et les espaces ruraux, naturels, agricoles et forestiers ; / 2° Les conditions d'un développement urbain maîtrisé et les principes de restructuration des espaces urbanisés, de revitalisation des centres urbains et ruraux, de mise en valeur des entrées de ville, de valorisation des paysages et de prévention des risques ; / 3° Les conditions d'un développement équilibré dans l'espace rural entre l'habitat, l'activité économique et artisanale, et la préservation des sites naturels, agricoles et forestiers. Il assure la cohérence d'ensemble des orientations arrêtées dans ces différents domaines. ". Enfin, aux termes de l'article L. 142-1 du code de l'urbanisme : " Sont compatibles avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale : 1° Les plans locaux d'urbanisme prévus au titre V du présent livre ; (...) ".

10. Il résulte de ces dispositions qu'à l'exception des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels les schémas de cohérence territoriale peuvent contenir des normes prescriptives, ceux-ci doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs. Les PLU sont soumis à une simple obligation de comptabilité avec ces orientations et objectifs. Si ces derniers peuvent être en partie exprimés sous forme quantitative, il appartient aux auteurs des PLU, qui déterminent les partis d'aménagement à retenir en prenant en compte la situation existante et les perspectives d'avenir, d'assurer, ainsi qu'il a été dit, non leur conformité aux énonciations des schémas de cohérence territoriale (SCOT), mais leur compatibilité avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent. Pour apprécier la compatibilité d'un PLU avec un SCOT, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier.

11. Le document d'orientation et d'objectifs (DOO) du SCOT de la Bruche comporte une orientation visant à favoriser le renouvellement urbain, en procédant à l'analyse des capacités de densification et de mutation de l'ensemble des espaces bâtis du territoire, notamment les parcelles non bâties au sein des tissus urbains. L'absence de mobilisation au titre du potentiel de densification des terrains des requérants ne peut suffire à caractériser une incompatibilité entre le PLU et les objectifs du schéma, qui plus est à l'échelle de l'ensemble du territoire. Si les requérants se prévalent à cet égard de l'avis de la mission régionale de l'Autorité environnementale jugeant que l'ambition de renouvellement urbain portée par le SCOT n'était que partiellement prise en compte, cette dernière relève de même que les objectifs du PLU reprennent globalement les orientations du document d'objectifs du SCOT, alors en outre qu'il n'est pas contesté que le syndicat mixte pour le SCOT de la Bruche a émis un avis favorable au PLU. Il résulte par ailleurs du rapport de présentation que la commune a procédé à une analyse détaillée du potentiel de développement en renouvellement urbain du territoire couvert par le plan, en procédant à l'inventaire et à la caractérisation des dents creuses dudit territoire, en tenant compte des obstacles techniques et environnementaux de nature à mettre en cause la viabilité économique des opérations de densification et de mutation des espaces bâtis identifiés. Cette analyse a abouti à l'identification d'un potentiel réel de 2,5 hectares de terrains mobilisables. Ainsi sur une surface de 7,6 hectares initialement identifiée, il en est ressorti que 44 % des dents creuses, soit 3,3 hectares, répondaient à ces critères, mais que, compte-tenu de divers obstacles techniques, ce potentiel de développement urbain devait être ramené à 2,5 hectares. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompatibilité du PLU avec le SCOT de la Bruche doit être écarté.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. (...) ". L'article R. 151-20 du code de l'urbanisme dispose que : " Les zones à urbaniser sont dites " zones AU ". Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs à caractère naturel de la commune destinés à être ouverts à l'urbanisation. (...) ".

13. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

14. Les requérants soutiennent que le classement en zone AU de terres agricoles est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et incohérent par rapport aux objectifs du PADD de densification de l'aire urbaine existante et de remplissage des dents creuses. Par ailleurs, ils estiment que l'impact sur les terres agricoles n'est justifié par aucune évolution de la population et de la demande de logements dans la commune.

15. Il ressort du parti d'aménagement retenu que les auteurs du PLU ont choisi un scénario d'évolution démographique ambitieux s'appuyant sur le taux de croissance annuelle moyenne de la dernière période statistique 2008-2013 et nécessitant la production de 110 logements, en adéquation avec le statut de pôle relais conféré à la commune de Russ par le DOO du SCOT de la Bruche. Après avoir identifié précisément les dents creuses mobilisables et leurs capacités d'aménagement, le rapport de présentation a procédé à l'évaluation de différents sites potentiels d'extension, en prenant en compte l'impact sur l'activité agricole, apprécié en fonction des usages, du mode d'occupation du sol et de la déclaration des terrains à la PAC, selon des hypothèses vérifiées lors de la concertation avec le monde agricole. A l'issue de cette analyse, trois zones ont été classées en zone AU, dans les secteurs dits C..., des Grands Meix et des Charmilles, dont l'évaluation ne fait pas apparaître d'impact agricole particulier, au contraire du site du Rain également étudié et non retenu au motif qu'il nécessitait le déplacement d'une exploitation agricole. Il ressort par ailleurs du rapport de présentation que les zones retenues sont desservies par la voirie publique, les réseaux d'eau et d'électricité et affectées d'une orientation d'aménagement et de programmation (OAP) définissant leurs conditions d'aménagement et d'équipement, ainsi que leur potentiel de densification. Alors au demeurant que les requérants n'étayent pas leur critique de façon précise à l'encontre du classement de chacune de ces trois zones, il ressort de l'évaluation environnementale réalisée que seule l'OAP du secteur des Bruyères aboutit à consommer 1,3 hectares d'espaces agricoles, soit une part très faible au regard des 54,8 hectares de surfaces agricoles exploitées mentionnées dans le rapport de présentation. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché le classement de terres agricoles en zone IAU doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation de la délibération approuvant la révision du PLU de la commune de Russ en tant seulement qu'elle classe partiellement en zone NJ les parcelles cadastrées section 3 n° 598, 567 et 596.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Les conclusions présentées à ce titre par la commune de Russ, qui est la partie perdante dans la présente instance, doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à sa charge une somme de 1 000 euros à verser aux requérants au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2004979 du tribunal administratif de Strasbourg du 18 juillet 2022 est annulé.

Article 2 : La délibération du 12 mars 2020 approuvant la révision du PLU de la commune de Russ est annulée en tant qu'elle classe partiellement les parcelles cadastrées section 3 n° 598, 567 et 596 en zone NJ.

Article 3 : La commune de Russ versera à Mme A... et autres une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par la commune de Russ sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., représentante unique pour l'application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative et à la commune de Russ.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Berthou, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2025.

La rapporteure,

Signé : S. BAUER Le président,

Signé : Ch. WURTZ Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet du Bas-Rhin en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

N° 22NC02365 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02365
Date de la décision : 12/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MEISSE
Avocat(s) : SELARL SOLER-COUTEAUX ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-12;22nc02365 ?
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