Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile de construction vente (SCCV) C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Barst à lui verser la somme de 655 781,81 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de fautes de la commune dans le cadre d'une opération de promotion immobilière.
Par un jugement n° 2004408 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 juin 2022, et un mémoire complémentaire, enregistré le 9 avril 2025, la SCCV C..., représenté par Me Marty, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 mai 2022 ;
2°) de condamner la commune de Barst à lui verser la somme de 595 483 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de fautes de la commune dans le cadre d'une opération de promotion immobilière ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Barst une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le maire de Barst a commis plusieurs fautes engageant la responsabilité de la commune dès lors qu'il lui a délivré un permis de construire incluant la parcelle n° 69 dont cette dernière n'était pas propriétaire; il a insisté pour que la construction se poursuive malgré le recours exercé devant le tribunal administratif contre ce permis, en la rassurant sur sa légalité ; la commune n'a pas mené à leur terme les formalités nécessaires à l'acquisition de ce bien selon la procédure de bien sans maître ; elle n'a pas transmis au tribunal administratif le permis modificatif permettant de régulariser le vice à l'origine du recours en annulation formé par le préfet, de sorte que le permis initial a été annulé ; le maire a délivré, en date du 14 juin 2013, une attestation de non-opposition à la déclaration d'achèvement et de conformité des travaux, ainsi elle pouvait légitimement penser que la construction était en règle et procéder à la vente des appartements ;
- dans son arrêt du 25 octobre 2022, la cour d'appel de Metz a écarté sa responsabilité s'agissant de la construction sur la parcelle n° 69 qui n'était pas sa propriété, au motif que, compte-tenu des échanges avec le maire, elle pouvait légitimement penser, lors de la signature de l'acte authentique du 20 juin 2013, qu'elle en serait bientôt propriétaire ;
- elle est une société familiale constituée de M. B... C..., exerçant la profession de technicien et son épouse, commerciale ; ils ne sont pas des professionnels de l'immobilier de sorte qu'ils ont suivi les conseils du maire et lui ont fait confiance ;
- elle a subi un préjudice important dans la mesure où elle a été dans l'obligation de rembourser les prix de vente augmentés du coût des travaux réalisés par les acquéreurs à la suite de l'annulation des ventes, condamnation qu'elle n'a pu honorer qu'avec difficultés dans la mesure où elle ne disposait pas des liquidités nécessaires ; elle a été dans l'obligation d'emprunter des sommes à des amis ou de vendre des biens et, surtout, de payer des intérêts conséquents sur les sommes dues ; de plus, les appartements qu'elle a construits ne peuvent être revendus car l'immeuble est en partie implanté sur la parcelle n° 69 qui ne lui appartient pas ;
- elle a été condamnée définitivement par la cour d'appel de Metz à payer aux acquéreurs du projet immobilier une somme totale de 655 781,81 euros en restitution du prix de vente et en indemnisation de divers frais, préjudice dont elle entend obtenir la réparation.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 décembre 2022 et un mémoire complémentaire du 25 avril 2025, la commune de Barst, représentée par Me Verdin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SCCV C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la SCCV C... ne sont pas fondés.
Un mémoire, présenté pour la SCCV C..., a été enregistré le 7 mai 2025 et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Meisse, rapporteur public,
- et les observations de Me Marty pour la SCCV C... et de Me Brzenczek pour la commune de Barst.
Une note en délibéré, présentée pour la commune de Barst, a été enregistrée le 28 mai 2025 et n'a pas été communiquée.
Une note en délibéré, présentée pour la SCCV C..., a été enregistrée le 2 juin 2025 et n'a pas été communiquée.
Considérant ce qui suit :
1. Le 10 février 2012, la SCCV C... s'est vu délivrer par le maire de Barst un permis de construire un immeuble collectif d'habitation de quatre appartements dans la commune, sur un terrain constitué des parcelles cadastrées section 18 n° 181 et 69. Ce permis a été annulé par un jugement du 26 mars 2013 du tribunal administratif de Strasbourg. La SCCV C... ayant cependant commercialisé les quatre appartements, elle a été condamnée par des jugements du 14 octobre 2019 du tribunal de grande instance de Sarreguemines, confirmés par des arrêts du 25 octobre 2022 de la cour d'appel de Metz, à verser aux acquéreurs des appartements une somme totale de 655 781,81 euros. Estimant que sa condamnation trouve son origine dans des fautes commises par la commune de Barst, la SCCV C... a formé un recours devant le tribunal administratif de Strasbourg tendant à obtenir l'indemnisation du montant précité de sa condamnation. Par la présente requête, elle demande à la cour d'annuler le jugement du 19 mai 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande et de condamner la commune à lui verser une somme de 595 483 euros.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne les demandes relatives à l'indemnisation des préjudices résultant de la délivrance du permis de construire illégal, de l'absence de communication du permis de construire modificatif au tribunal, de la délivrance des attestations de non-opposition à la déclaration d'achèvement des travaux illégales et des demandes du maire de poursuivre les travaux :
2. En premier lieu, la SCCV C... demande l'indemnisation de préjudices consistant dans le paiement d'intérêts sur les sommes à rembourser aux acheteurs des appartements, de sommes à payer aux acheteurs au titre de leur préjudice moral, d'honoraires des avocats dans les procédures l'opposant aux acheteurs et dans des loyers non perçus avant le moment où elle a repris possession des appartements en 2024, en soutenant qu'ils trouvent leur cause dans la délivrance fautive par le maire de Barst du permis de construire du 10 février 2012, qui a été annulé par un jugement devenu définitif du tribunal administratif de Strasbourg du 26 mars 2013, dans l'absence de communication, par la commune, du permis de construire modificatif du 31 décembre 2012 au tribunal, dans la délivrance, par le maire, d'attestations illégales de non-opposition à la déclaration d'achèvement des travaux et de conformité des travaux et dans les demandes du maire de poursuivre les travaux.
3. Il ressort cependant des pièces du dossier que ces préjudices résultent de l'annulation de la vente des quatre appartements que comporte l'immeuble, prononcée par des jugements du 14 octobre 2019 du tribunal de grande instance de Sarreguemines qui ont été confirmés par des arrêts du 25 octobre 2022 de la cour d'appel de Metz, en raison du dol commis par la société, qui a omis d'informer les acquéreurs de la situation administrative de l'immeuble. Dans ces conditions, le lien de causalité entre les fautes de la commune, pour avérées et regrettables qu'elles soient, et le préjudice allégué n'est pas établi.
4. Il s'ensuit que ces demandes indemnitaires doivent être rejetées, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur l'exception de prescription quadriennale soulevée.
En ce qui concerne la demande d'indemnisation du préjudice résultant de l'absence de poursuite de la procédure de bien sans maître par la commune :
5. En deuxième lieu, la société requérante demande l'indemnisation du préjudice consistant dans l'impossibilité de procéder à nouveau à la vente des appartements dont elle est redevenue propriétaire du fait de l'annulation de leur vente, dès lors qu'elle n'est pas propriétaire de la parcelle cadastrée section 18 n° 69, qui fait partie du terrain d'assiette du bâtiment.
6. Il résulte de l'instruction que le maire de Barst avait assuré cette société que la commune acquerrait cette parcelle par la procédure de bien sans maître et qu'elle la lui revendrait. Or, si par une délibération du 13 décembre 2011, le conseil municipal de la commune a autorisé le maire à engager la procédure de bien sans maître concernant la parcelle, en vue de sa rétrocession à la société requérante dans le cadre du projet immobilier litigieux, cette procédure n'a pas été menée à terme et, n'étant, en conséquence, pas devenue propriétaire de la parcelle, la SCCV C... ne peut vendre à nouveau les appartements, dont elle est redevenue propriétaire du fait de l'annulation de leur vente.
7. Alors qu'il n'est pas justifié des motifs ayant conduit à l'abandon de la procédure de bien sans maître, la société requérante est fondée à se prévaloir d'une faute résultant de la rupture de l'engagement de la commune à son égard. Toutefois, la circonstance que la société ne se soit pas assurée de l'aboutissement effectif de cette procédure et de l'obtention d'un titre de propriété sur la parcelle en cause avant de réaliser son projet de construction est de nature à exonérer la commune de Barst de sa responsabilité à hauteur d'un tiers. Dans ces conditions, la SCCV est seulement fondée à obtenir réparation des deux tiers du préjudice résultant de cette faute, constitué par le manque à gagner résultant de la différence entre le prix de vente des appartements et le coût de la construction, qu'il y a lieu de fixer à la somme non contestée de 21 000 euros. La somme que la commune doit payer à la société à ce titre s'élevant ainsi à 14 000 euros.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande et à demander la condamnation de la commune de Barst à lui payer une somme de 14 000 euros du préjudice résultant de l'abandon de la procédure de bien sans maître.
Sur les frais de l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SCCV C..., qui obtient partiellement satisfaction dans la présente instance, le versement de la somme que demande la commune au titre des frais liés au litige. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la commune la somme demandée par la SCCV C... au même titre.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2004408 du 19 mai 2022 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : La commune de Barst versera à la SCCV C... une somme de 14 000 euros.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SCCV C... est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Barst au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCCV C... et à la commune de Barst.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- -Mme A..., présidente-assesseure,
- M. Berthou, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2025.
La rapporteure,
Signé : S. A... Le président,
Signé : Ch. WURTZ Le greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
F. LORRAIN
N° 22NC01572 2