Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Florinvest a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, par deux requêtes distinctes, d'une part, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 et d'autre part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 ainsi que des droits de taxe sur les véhicules de société qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015.
Par un jugement n° 2204363, 2204368 du 20 juillet 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 septembre 2023, la société Florinvest, représentée par Me Boultif, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 juillet 2023 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
La société soutient que :
- c'est à tort que, pour les années 2015, 2016 et 2017 l'administration a fait application des dispositions de l'article 278 du code général des impôts qui fixe un taux de taxe sur la valeur ajoutée de 20 % dès lors que compte tenu des spécificités de son activité, elle bénéficie du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge forfaitaire, prévu par les dispositions de l'article 297 A III du même code ;
- ses actions de promotions sont conformes à la définition de ces actions que donne l'instruction du 17 février 1995 référencée BOI-3K 1-95.
- c'est à tort que l'administration, pour déterminer le montant de la taxe sur les véhicules de société pour la période du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015, a utilisé des informations issues d'un précédent contrôle ;
- la proposition de rectification du 10 décembre 2018 est insuffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales pour ce qui concerne le rappel de taxe sur les véhicules de société auquel elle a été assujettie pour la période du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Laurence Stenger, première conseillère,
- les conclusions de Mme Cyrielle Mosser, rapporteure publique,
- et les observations de Me Boultif, représentant la SARL Florinvest.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Florinvest a été créée, à parts égales, le 1er décembre 2003 par ses associés, M. D... C..., qui est également son gérant, et Mme B... C..., son épouse. Elle exerce une activité de promotion d'œuvre d'art, particulièrement les œuvres de Mme A... C..., artiste peintre. Cette société, qui a opté pour le régime de taxe sur la valeur ajoutée dit " mini-réel ", a fait l'objet d'un contrôle sur pièces, portant sur l'année 2015 en matière de taxe sur la valeur ajoutée et sur la période du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015 en ce qui concerne la taxe sur les véhicules de société. Au terme de ce contrôle, par une proposition de rectification du 10 décembre 2018, le service a, notamment, rehaussé, selon la procédure de rectification contradictoire, la taxe sur la valeur ajoutée collectée déclarée par la société redevable et l'a soumise, par voie de taxation d'office pour défaut de déclaration, à la taxe sur les véhicules de société à raison des deux véhicules de marque Mercedes-Benz qu'elle avait pris en location de longue durée. Ces rappels ont été tacitement acceptés par la société Florinvest. Cette dernière a également fait l'objet d'une vérification de comptabilité, portant sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017. Par une seconde proposition de rectification du 25 avril 2019, l'administration l'a informée qu'elle envisageait de l'assujettir à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, selon la procédure de rectification contradictoire et à des rappels de taxe sur les véhicules de sociétés au titre de 2016 et 2017, par voie de taxation d'office. Contestés, ces rappels ont été maintenus dans la réponse aux observations du contribuable du 3 juillet 2019 puis partiellement maintenus par un courrier du 2 décembre 2019. La SARL Florinvest a ainsi été assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée s'élevant, en droits et pénalités, aux sommes de 42 594 euros au titre de l'année 2015 et 33 987 euros au titre des années 2016 et 2017 ainsi qu'à des droits de taxe sur les véhicules de société d'un montant de 5 142 euros en droits et 1 174 euros de pénalités au titre de l'année 2015 et d'un montant de 2 300 euros en droits et 504 euros de pénalités au titre des années 2016 et 2017. A la suite de la mise en recouvrement de ces rappels de taxes le 16 décembre 2019, les deux réclamations préalables formées le 22 janvier 2021 par la SARL Florinvest, tendant notamment à obtenir le bénéfice du régime de la marge forfaitaire de 30% prévue au III de l'article 297 A du code général des impôts ont été implicitement rejetées. Par un jugement du 20 juillet 2023 dont la société Florinvest relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté l'ensemble de ses demandes tendant d'une part, à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 et de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 et d'autre part, à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur les véhicules de société qui lui ont été assignés au titre de la seule période du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales applicable à la procédure de rectification contradictoire : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Aux termes de l'article L. 76 du même livre applicable aux procédures d'office : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions ".
3. La SARL Florinvest ayant été régulièrement taxée d'office en matière de taxe sur les véhicules de société au titre de la période du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015, en l'absence de dépôt de déclarations, elle ne saurait utilement invoquer la garantie prévue par les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales lesquelles ne s'appliquent qu'en cas de procédure contradictoire de rectification. Il ressort au demeurant de la proposition de rectification du 10 décembre 2018 que cette pièce de procédure comporte tous les éléments exigés par l'article L. 76 du livre des procédures fiscales ci-dessus reproduits. A cet égard est inopérante la circonstance que le service n'ait pas exposé dans cette pièce de procédure les raisons qui l'ont conduit à estimer que la société requérante avait continué à utiliser les véhicules de tourisme dont la présence avait été révélée lors d'un précédent contrôle. Par suite, ce moyen tiré de l'insuffisante motivation de la rectification relative à la taxe sur les véhicules de sociétés doit être écarté.
Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
4. Aux termes de l'article 297 A du code général des impôts : " I. - 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion, d'œuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. / La définition des biens d'occasion, des œuvres d'art, des objets de collection et d'antiquité est fixée par décret (...) III. - Pour les livraisons d'œuvres d'art, lorsqu'il n'est pas possible de déterminer avec précision le prix d'achat payé par un assujetti revendeur au vendeur ou lorsque ce prix n'est pas significatif, la base d'imposition peut être constituée par une fraction du prix de vente égale à 30 % de celui-ci ".
5. En l'espèce, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a appliqué aux ventes d'œuvres d'art en litige le régime général de la taxe sur la valeur ajoutée au taux 20%. La société requérante, qui se prévaut notamment en ce sens d'une attestation de son expert- comptable, sollicite le bénéfice du régime spécial prévu par les dispositions citées au point précédent qui permettent l'application du régime de la taxation sur la marge ainsi que le bénéfice, à titre dérogatoire, du régime de la taxation forfaitaire limité à 30 % de leur prix de vente. Or, l'administration fiscale soutient, sans être aucunement contredite, que les œuvres d'art revendues à des tiers par la SARL Florinvest ont toutes été acquises auprès de Mme A... C..., artiste peintre, qui est elle-même assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, comme l'ont retenu les premiers juges, les œuvres en litige n'ayant pas été acquises auprès d'un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée, la SARL Florinvest ne peut prétendre au bénéfice du régime de taxation sur la marge tel que mentionné au 1° du I de l'article 297 A du code général des impôts.
6. Au surplus, il résulte clairement des dispositions citées au point 4 du présent arrêt que la faculté prévue par le III de l'article 297 A du code général des impôts ne s'applique que lorsqu'il n'est pas possible de déterminer avec précision le prix d'achat d'une œuvre d'art payé par un assujetti revendeur au vendeur ou lorsque ce prix n'est pas significatif, ce qui fait obstacle à l'application des dispositions du 1° du I de ce même article dès lors que le prix d'achat de l'œuvre d'art ne peut pas être déterminé précisément. Or, il n'est pas contesté que, comme le relève l'administration fiscale en défense, la société requérante a informé le service vérificateur, lors du débat oral et contradictoire, qu'elle stockait les œuvres d'art de Mme A... C... et qu'elle n'en devenait propriétaire qu'au moment de leur revente à des tiers. La société précisait également au vérificateur que c'est à l'occasion de la revente des œuvres d'art que Mme A... C... les facturait à la société Florinvest. Dans ces conditions, le prix d'achat des œuvres en litige doit être regardé comme étant précisément défini au moment de leur vente à des tiers. Il n'est par ailleurs pas établi ni même allégué que le prix de ces œuvres n'était pas significatif. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a refusé à la SARL Florinvest le bénéfice du régime de la marge forfaitaire prévu par les dispositions du III de l'article 297 A du code général des impôts au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015.
En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
7. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ".
8. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt que la SARL Florinvest ne peut prétendre au bénéfice du régime de taxation sur la marge dès lors que les œuvres en litige n'ont pas été acquises auprès d'un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée. Dans ces conditions, en l'admettant même établie, la circonstance qu'elle réalise des actions de promotion conformes à la définition qu'en donne l'instruction du 17 février 1995 référencée BOI-3K 1-95 et reprise au BOI TVA-SECT-90-40 n°180 et suivants est sans incidence sur le bien-fondé du rappel de taxe sur la valeur ajoutée en litige.
Sur les rappels de taxe sur les véhicules de société :
9. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ". La SARL Florinvest, qui s'est abstenue de souscrire les déclarations relatives à la taxe sur les véhicules de sociétés et à la taxe exceptionnelle sur les véhicules de sociétés au titre de la période du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015, a fait l'objet d'une taxation d'office. En conséquence la charge de la preuve de l'exagération des impositions mises à sa charge lui incombe.
10. Si la société requérante soutient que l'administration, pour déterminer le montant de la taxe sur les véhicules de société pour la période du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015, ne pouvait pas prendre en compte, sans vérification préalable, les deux véhicules dont elle disposait en location longue durée pour la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2014, qui avait également fait l'objet d'un précédent contrôle, elle n'apporte toutefois aucun élément justifiant qu'elle ne détenait plus ces deux véhicules au titre de la période en litige. Par suite, à le supposer soulevé, ce moyen doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Florinvest n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.
Sur les frais d'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la SARL Florinvest demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Florinvest est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Florinvest et au ministre de l'économie, des finances, de l'industrie et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Martinez, président de chambre,
- M. Agnel, président-assesseur,
- Mme Stenger, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juin 2025.
La rapporteure,
Signé : L. StengerLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne de l'économie, des finances, de l'industrie et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 23NC02952 2