Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 26 septembre 2022 par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de renouveler son titre de séjour et la décision implicite de rejet née du silence gardé par ce préfet sur le recours gracieux présenté le 23 novembre 2022.
Par un jugement n° 2303899 du 24 septembre 2024, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2024, M. B... A..., représenté par la SELAS Haven, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 septembre 2024 ;
2°) d'annuler les décisions contestées ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de renouveler son titre de séjour en qualité de salarié, à défaut de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle en application de l'article L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à défaut de réexaminer sa situation dans le mois de la notification de l'arrêt et de lui délivrer, dans les quinze jours de cette notification, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'un vice de forme faute de mentionner pour quels motifs les conditions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas remplies ;
- c'est à tort que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie ;
- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence et ne pouvait se retrancher derrière l'avis défavorable du service de la main d'œuvre étrangère ;
- le refus contesté méconnaît l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le juge des référés a bien considéré que l'argument selon lequel sa rémunération était inférieure à celle prévue par la convention collective ne peut justifier le refus de renouvellement du titre de séjour ;
- la décision du 26 septembre 2022 est entachée d'un vice de forme ;
- il avait sollicité une carte de séjour pluriannuelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2025, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Durup de Baleine,
- les observations de Me Noirot, avocate de M. A....
Une note en délibéré, enregistrée le 19 mai 2025, a été présentée par M. B... A....
Considérant ce qui suit :
1. Une autorisation de travail a été délivrée en 2021 à la société Façade Deco, dont le siège est à Woippy (Moselle), en vue de l'embauche de M. B... A..., ressortissant du Kosovo né en 1993, pour exercer dans cette société un emploi de façadier, peintre, plâtrier. M. A... est entré sur le territoire français le 30 juillet 2021, muni de son passeport en cours de validité revêtu d'un visa de long séjour à entrées multiples valable du 30 juillet 2021 au 30 juillet 2022 délivré le 22 juin 2021 par l'autorité consulaire française en Macédoine du Nord et valant carte de séjour temporaire en qualité de salarié pour la même période. Le 4 août 2021, M. A... a sollicité du préfet de la Moselle le renouvellement de ce titre de séjour. Il relève appel du jugement du 24 septembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 septembre 2022 par laquelle le préfet de la Moselle lui a refusé ce renouvellement ainsi que de la décision implicite de rejet née du silence gardé par ce préfet sur le recours gracieux présenté par M. A... le 24 novembre 2022.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort du jugement attaqué qu'il a répondu aux moyens opérants soulevés par la demande de M. A... et qu'il est régulièrement motivé, dans le respect de l'article L. 9 du code de justice administrative.
Sur la légalité des décisions contestées :
3. Aux termes de l'article L. 421-1 du code du travail : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. / (...) ".
4. Aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la décision contestée : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; / 2° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer la carte de résident prévue aux articles L. 423-11, L. 423-12, L. 424-1, L. 424-3, L. 424-13, L. 424-21, L. 425-3, L. 426-1, L. 426-2, L. 426-3, L. 426-6, L. 426-7 ou L. 426-10 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; / 3° Lorsqu'elle envisage de retirer le titre de séjour dans le cas prévu à l'article L. 423-19 ; / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1. ".
5. La décision contestée refuse la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " prévue par l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Un tel refus ne relève d'aucun des cas énumérés par l'article L. 432-13 précité dans lesquels la commission du titre de séjour est saisie pour avis par l'autorité administrative. Il en résulte que, faute pour ce refus de relever du champ d'application de cet article L. 432-13, le moyen tiré de ce que cette décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en raison de l'absence de saisine préalable pour avis de cette commission doit être écarté comme inopérant.
6. Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / (...) / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ". Aux termes de l'article L. 5221-5 du même code : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir au préalable obtenu l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2 ". L'article R. 5221-1 de ce code dispose : " (...) / II.-La demande d'autorisation de travail est faite par l'employeur. / (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-3 du code du travail : " I.-L'étranger qui bénéficie de l'autorisation de travail prévue par l'article R. 5221-1 peut, dans le respect des termes de celle-ci, exercer une activité professionnelle salariée en France lorsqu'il est titulaire de l'un des documents et titres de séjour suivants : / (...) / 2° La carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " salarié ", délivrée en application de l'article L. 421-1 ou de l'article L. 313-17 du même code ou le visa de long séjour valant titre de séjour portant la même mention, mentionné au 7° de l'article R. 431-16 du même code ; / (...) ". L'article R. 5221-17 de ce code dispose : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée au I de l'article R. 5221-1 est prise par le préfet. (...) ".
7. Il résulte des termes mêmes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail. Dès lors, en l'absence de détention préalable de cette autorisation, il appartient au préfet de refuser cette délivrance.
8. Si la décision contestée fait état de ce que l'examen du dossier de M. A... a conduit la plateforme de la main d'œuvre étrangère à émettre un avis défavorable à sa requête, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'avis défavorable dont il est ainsi fait état est, en réalité, la décision du 19 septembre 2022 par laquelle, compétent à cet effet conformément à l'article R. 5221-17 du code du travail, le préfet de la Moselle a refusé à la société Façade Deco la délivrance de l'autorisation de travail qu'elle avait sollicitée le même jour, sous la référence 570002210820220153612, pour salarier M. A.... Cette autorisation de travail ayant, ainsi, été refusée, c'est sans erreur de droit et par une exacte application de l'article L. 421-1 du code du travail que ce préfet a refusé de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " à M. A....
9. La circonstance que le préfet de la Moselle se soit ainsi fondé sur le fait que l'autorisation de travail a été refusée à la société Façade Deco ne permet pas d'en inférer que le préfet aurait estimé qu'il lui aurait été interdit de délivrer au requérant le titre de séjour demandé en l'absence de cette autorisation. Il en résulte que le moyen tiré de ce qu'en méconnaissance de l'étendue de sa compétence, le préfet de la Moselle a estimé être tenue par la décision du 19 septembre 2022 de refuser cette délivrance doit être écarté.
10. Aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " L'autorisation de travail est accordée lorsque la demande remplit les conditions suivantes : / (...) / 4° La rémunération proposée est conforme aux dispositions du présent code sur le salaire minimum de croissance ou à la rémunération minimale prévue par la convention collective applicable à l'employeur ou l'entreprise d'accueil ; / (...) ".
11. Pour prendre la décision du 19 septembre 2022 refusant une autorisation de travail à la société Façade Deco, le préfet de la Moselle s'est fondé sur la circonstance que la demande présentée par cette société le même jour porte sur un emploi de façadier isolation thermique par l'extérieur - ITE à temps complet (35 heures par semaine), correspondant au niveau II, coefficient 185, de la grille de classification applicable à la convention collective nationale du bâtiment et des travaux publics de la Moselle, que, s'agissant de la région Grand Est, l'accord du 25 janvier 2022 relatif aux salaires minima pour l'année 2022 prévoit, pour un emploi de ce niveau et de ce coefficient, une rémunération mensuelle minimale de 1 699, 36 euros par mois, alors que la demande de cet employeur fait état d'une rémunération mensuelle de 1656 euros, que ce salaire est en conséquence inférieur à la rémunération prévue par la convention collective applicable à l'entreprise, la demande d'autorisation de travail ne remplissant donc pas la condition fixée au 4° l'article R. 5221-20 du code du travail.
12. Par l'argumentation dont il assortit sa requête, M. A... doit être regardé, ainsi qu'il peut utilement le faire, comme excipant de l'illégalité de cette décision du 19 septembre 2022.
13. A l'appui de sa requête, M. A... produit une demande d'autorisation de travail présentée le 19 septembre 2022 par la société Façade Deco et faisant état d'un salaire brut mensuel, non de 1 656 euros, mais de 1 700 euros. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que cette demande, qui porte la référence n° 57000219090220178629, n'est pas celle rejetée par la décision du 19 septembre 2022. Il ne ressort pas des pièces du dossier, en dépit d'une mesure d'instruction diligentée sur ce point, que cette seconde demande d'autorisation de travail déposée le 19 septembre 2022 par l'employeur aurait, à la date de la décision contestée du 26 septembre 2022, donné lieu à la délivrance de cette autorisation.
14. Il ressort également des pièces du dossier qu'à l'appui de son recours gracieux présenté le 24 novembre 2022, M. A... a fait valoir que, si le salaire minimum prévu dans ce cas pour l'année 2022 n'avait pas été respecté, cette circonstance s'expliquait par une erreur commise par le mandataire, gestionnaire de la paye, de son employeur et que cette erreur sera corrigée au moyen d'un rappel de salaire. Toutefois, ce recours gracieux, qui est dirigé contre la décision du 26 septembre 2022 refusant la délivrance du titre de séjour mais non contre celle du 19 septembre 2022 refusant à l'employeur la délivrance de l'autorisation de travail, ne constitue pas une nouvelle demande d'autorisation de travail, qui conformément à l'article R. 5221-1 du code du travail est présentée par l'employeur, nouvelle demande à laquelle il aurait alors appartenu au préfet de la Moselle de faire droit. Dès lors, les circonstances dont fait état ce recours gracieux, dont M. A... réitère la teneur à l'appui de sa requête, ne sont pas propres à établir l'illégalité de la décision du 19 septembre 2022 refusant à la société Façade Deco l'autorisation de travail qu'elle avait demandée.
15. Si M. A... fait grief à la décision contestée du 26 septembre 2022 de lui refuser la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle, dont il résulte de l'article L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'elle n'est pas de plein droit, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier qu'il aurait demandé une carte de séjour pluriannuelle.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Il ne peut, dans ces conditions, être fait droit aux conclusions à fin d'injonction qu'il présente.
Sur les frais de l'instance :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement d'une somme à ce titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle et à la société Façade Deco.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président,
- M. Barlerin, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : A. Durup de BaleineL'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
Signé : A. Barlerin
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 24NC02851