Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2023 par lequel le préfet de la Marne lui a retiré son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant un an et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.
Par un jugement n° 2302443 du 23 janvier 2024, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 février 2024, M. A... B..., représenté par Me Mainnevret, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 23 janvier 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2023 du préfet de la Marne ;
3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la fraude n'est pas établie ;
- l'obligation de quitter le territoire est illégale par exception d'illégalité du retrait de titre ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'interdiction de retour est illégale par exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Berthou,
- et les observations de Me Issa, substituant Me Mainnevret, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen né le 17 février 1991, entré irrégulièrement sur le territoire français en 2015, a bénéficié d'une admission exceptionnelle au séjour le 15 janvier 2021, régulièrement renouvelée jusqu'en 2023. Par un arrêté du 15 septembre 2023, le préfet de la Marne lui a retiré son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant un an et a fixé le pays à destination duquel il peut être éloigné. Par la présente requête, il relève appel du jugement du 23 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant retrait du titre de séjour :
2. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance (...) d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : 1° Les documents justifiant de son état civil (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ". Aux termes de ce dernier article : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir qu'il est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante de l'acte, il appartient au juge de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
4. Pour retirer à M. B... le titre de séjour dont il bénéficiait, le préfet de la Marne a considéré que les documents produits à l'appui de sa demande pour justifier de son état-civil présentaient un caractère frauduleux. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la réponse apportée au contradictoire par l'intéressé lui-même que, parmi ces documents, figuraient une carte d'identité de 2015 ainsi qu'un jugement supplétif du 17 octobre 2019. Ainsi que le mentionne le rapport de la direction zonale de la police aux frontières établi le 13 juin 2023 et non contesté sur ce point, cette carte d'identité présente des marques évidentes de contrefaçon et notamment une impression entièrement à jet d'encre sur du papier ordinaire réagissant sous ultraviolet, une photographie rapportée et un cachet humide au verso du document censé sécuriser la photographie qui ne déborde pas sur celle-ci. Il est dès lors établi que ce document présente un caractère frauduleux et ce motif suffit à justifier le retrait du titre ainsi obtenu par M. B.... Par suite, le moyen tiré de ce que la fraude ne serait pas établie doit être écarté comme manquant en fait.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que cette décision est illégale par exception d'illégalité du retrait de titre de séjour.
6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France en 2015, a bénéficié d'un contrat à durée indéterminée pendant trois années et s'est engagé dans la vie associative. Il se prévaut par ailleurs de la présence de sa sœur, de ses neveux et de son frère sur le territoire français et de témoignages démontrant son intégration. Il a toutefois bénéficié de ce contrat de travail à la suite de l'obtention frauduleuse de son titre de séjour. M. B... est par ailleurs célibataire et sans enfant et n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans et où résident ses parents. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Marne a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que cette décision est illégale par exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
9. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Marne du 15 septembre 2023, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
Délibéré après l'audience du 30 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Berthou, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mai 2025.
Le rapporteur,
Signé : D. BERTHOULe président,
Signé : Ch. WURTZ
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N°24NC00438 2