Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 mars 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.
Par un jugement n° 2306187 du 5 décembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 février 2024, M. B... A..., représenté par Me Andreini, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 décembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 mars 2023 de la préfète du Bas-Rhin ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer, dans tous les cas, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- il méconnaît l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- l'obligation de quitter le territoire est illégale par exception d'illégalité du refus de titre ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Berthou a été entendu au cours de l'audience publique,
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité géorgienne, entré en France en 2010, demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 décembre 2023 rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
3. M. A..., entré en France en avril 2010, a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales pour vols ayant, en particulier, conduit à son incarcération du 24 août 2012 au 21 décembre 2016 pour, notamment, participation à association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de 10 ans d'emprisonnement et il a été encore dernièrement condamné, le 18 mars 2022, par le tribunal correctionnel de Strasbourg à deux mois d'emprisonnement pour vol en récidive. Il ressort cependant des pièces du dossier que la mère de ses enfants, qui vit en Italie, n'entretient volontairement aucune relation avec ceux-ci, que la fille mineure de M. A... est sous sa seule responsabilité à la date de la décision attaquée, qu'elle vit avec lui, qu'elle a vécu toute sa vie en France et qu'elle y suit une scolarité normale en classe de sixième à la date de la décision attaquée. Ses bulletins scolaires soulignent son sérieux et les efforts qu'elle produit malgré ses difficultés. Sa sœur ainée, âgée de trente ans, fille majeure de M. A..., vit en France en situation régulière et est mère de deux enfants nés en 2016 et 2017. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, le requérant est fondé à soutenir qu'en lui refusant le titre qu'il sollicitait, la préfète du Bas-Rhin a méconnu l'intérêt supérieur de son enfant mineur. Par suite, la décision de refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. M. A... est donc fondé à demander l'annulation de cette décision ainsi que, par voie de conséquence, l'annulation des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
4. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Bas-Rhin délivre à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a donc lieu de lui enjoindre de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
5. M. A... ayant été admis à l'aide juridictionnelle, son conseil peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1911 ci-dessus visée. Il y a lieu, par suite, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Andreini le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de ces dispositions, sous réserve de la renonciation de Me Andreini au versement de la part contributive de l'Etat à l'aide juridique.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2306187 du 5 décembre 2023 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 21 mars 2023 de la préfète du Bas-Rhin est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Andreini la somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de sa renonciation au versement de la part contributive de l'Etat à l'aide juridique.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Andreini et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 30 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Berthou, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mai 2025.
Le rapporteur,
Signé : D. BERTHOULe président,
Signé : Ch. WURTZ
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N°24NC00290 2