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22/05/2025 | FRANCE | N°22NC03126

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 22 mai 2025, 22NC03126


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... F..., Mme J... A... épouse F... et M. D... C... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 17 février 2020, du 3 août 2020 et du 6 août 2021 par lesquels le maire de la commune de La Lanterne-et-les-Armonts a délivré à M. H... G... et Mme B... I... un permis de construire et des permis de construire modificatifs ayant pour objet la construction d'une maison d'habitation et d'un entrepôt de stockage.



Par un jugem

ent n° 2100325 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Besançon a partiellement fait droi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... F..., Mme J... A... épouse F... et M. D... C... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 17 février 2020, du 3 août 2020 et du 6 août 2021 par lesquels le maire de la commune de La Lanterne-et-les-Armonts a délivré à M. H... G... et Mme B... I... un permis de construire et des permis de construire modificatifs ayant pour objet la construction d'une maison d'habitation et d'un entrepôt de stockage.

Par un jugement n° 2100325 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Besançon a partiellement fait droit à leur demande en annulant le permis de construire modificatif du 6 août 2021 en tant qu'il autorise l'installation d'un logement provisoire.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 décembre 2022 et le 2 octobre 2023, Mme J... A... épouse F..., M. E... F... et M. D... C..., représentés par Me Simplot, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 13 octobre 2022 en tant qu'il ne fait que partiellement droit à leur demande ;

2°) d'annuler les arrêtés du 17 février 2020, du 3 août 2020 et du 6 août 2021 du maire de la commune de La Lanterne-et-les-Armonts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de La Lanterne-et-les-Armonts la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le dossier de permis de construire est incomplet en méconnaissance des dispositions des articles R.431-7 et suivants du Code de l'urbanisme ;

- la surface de plancher de l'entrepôt, non déclarée, n'est pas conforme à la destination " habitation " déclarée de manière erronée, en application de l'article R. 151-27 du code de l'urbanisme ;

- le dossier de permis modificatif du 15 juillet 2021 ne comporte pas l'attestation de conformité des travaux d'assainissement individuel prévu par les dispositions du c de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme ;

- ce dossier ne mentionne aucun système d'assainissement alors que le projet prévoit la création d'un logement ;

- le permis de construire méconnaît les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;

- il méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 juin 2023 et le 6 juin 2024, la commune de La Lanterne-et-les-Armonts, représentée par Me Barberousse, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Besançon du 13 octobre 2022 en tant qu'il a partiellement annulé le permis de construire modificatif du 6 août 2021 ;

3°) de mettre à la charge des requérants la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions dirigées contre le permis de construire initial sont tardives ;

- les requérants ne justifient pas d'un intérêt à agir en appel ;

- les requérants ne justifient pas d'un intérêt à agir contre les permis de construire modificatifs ;

- le projet n'ayant jamais prévu d'installation d'assainissement autonome pour le logement provisoire, aucun certificat de conformité n'avait à être produit au dossier et cette absence est restée, en tout état de cause, sans incidence sur l'appréciation portée dès lors qu'un certificat de conformité a été délivré le 9 septembre 2021 ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une lettre du 10 mars 2025 les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur le fait que la cour était susceptible de surseoir à statuer, en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, pour permettre la régularisation des vices tirés de l'insuffisance du dossier de demande qui n'a pas mentionné les terrassements entrepris en limite Ouest et Sud de propriété, réalisés en vue du projet litigieux et a, ainsi, méconnu les articles R. 431-8 à 10 du code de l'urbanisme et de la non déclaration des surfaces du hangar comme relevant d'une activité agricole et forestière en méconnaissance de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme.

La commune de La Lanterne-et-les-Armonts a présenté ses observations par un mémoire enregistré le 14 mars 2025.

Les requérants ont présenté leurs observations par un mémoire enregistré le 18 mars 2025.

La procédure a été communiquée à M. G... et Mme I... qui n'ont pas produit dans la présente instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Berthou,

- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,

- et les observations de Me Caille, substituant Me Barberousse, représentant la commune de La Lanterne-et-les-Armonts.

Considérant ce qui suit :

1. Par des arrêtés du maire de la commune de La Lanterne-et-les-Armonts du 17 février 2020, du 3 août 2020 et du 6 août 2021, M. G... et Mme I... se sont vu délivrer un permis de construire et des permis de construire modificatifs ayant pour objet la construction d'une maison d'habitation et d'un entrepôt de stockage sur un terrain situé sur le territoire communal, au lieu-dit " La Mue Renard ". M. et Mme F... et M. C..., en leur qualité de voisins immédiats de la parcelle terrain d'assiette du projet, demandent à la cour d'annuler le jugement du 13 octobre 2022 en tant que le tribunal administratif de Besançon a annulé le seul permis de construire modificatif du 6 août 2021 en tant qu'il autorise l'installation d'un logement provisoire. Par la voie de l'appel incident, la commune de La Lanterne-et-les-Armonts demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il fait partiellement droit aux demandes de M. et Mme F... et M. C....

Sur l'intérêt à agir de M. et Mme F... et M. C... :

2. Au regard de l'annulation seulement partielle des permis litigieux par les premiers juges, M. et Mme F... et M. C... ont intérêt à faire appel. La fin de non-recevoir tirée de leur défaut d'intérêt à agir doit donc être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance de M. et Mme F... et M. C... :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. ". Aux termes de l'article R. 424-15 de ce même code : " Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier. Cet affichage n'est pas obligatoire pour les déclarations préalables portant sur une coupe ou un abattage d'arbres situés en dehors des secteurs urbanisés. (...) Un arrêté du ministre chargé de l'urbanisme règle le contenu et les formes de l'affichage. " et aux termes de son article A. 424-17 : " Le panneau d'affichage comprend la mention suivante : / " Droit de recours :" Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain du présent panneau (art. R. 600-2 du code de l'urbanisme). (...) ".

4. La mention relative au droit de recours, qui doit figurer sur le panneau d'affichage du permis de construire en application de l'article A. 424-17 du code de l'urbanisme, permet aux tiers de préserver leurs droits. Toutefois, l'exercice par un tiers d'un recours administratif ou contentieux contre un permis de construire montre qu'il a connaissance de cette décision et a, en conséquence, pour effet de faire courir à son égard le délai de recours contentieux, alors même que la publicité concernant ce permis n'aurait pas satisfait aux dispositions prévues en la matière par l'article A. 424-17 du code de l'urbanisme.

5. En l'espèce, le courrier adressé le 5 septembre 2020 par M. et Mme F... au maire de la commune de La Lanterne-et-les-Armonts ne constitue pas un recours administratif contre le permis de construire initial délivré le 17 février 2020 mais une demande relative à la mise en conformité des travaux réalisés. Il ne saurait, par suite, manifester une connaissance de cette décision susceptible de faire courir à leur égard le délai de recours contentieux contre le permis. Par ailleurs, si le constat d'huissier en date du 15 septembre 2020 relève l'existence d'un panneau d'affichage, il indique également que les voies et délais de recours ne sont pas visibles depuis la voie publique. Ni la commune de La Lanterne-et-les-Armonts, ni les bénéficiaires du permis, qui n'ont pas produit de mémoire dans la présente instance, ne démontrent qu'il aurait été procédé à un affichage règlementaire du permis de construire litigieux comprenant cette mention visible depuis l'extérieur du terrain. Par suite et alors que la demande a été enregistrée au greffe du tribunal dans un délai raisonnable à compter du 5 septembre 2020, le moyen en défense tiré de la tardiveté de la demande de première instance ne peut qu'être écarté.

6. En second lieu, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

7. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme F... et M. C... sont voisins immédiats du terrain d'assiette du projet litigieux et font état d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction en invoquant notamment la vue directe et plongeante sur le projet depuis leurs propriétés. Ils ont par suite intérêt à agir contre le permis de construire litigieux, constitué du permis initial et des permis modificatifs.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. et Mme F... et M. C... devant le tribunal administratif de Besançon est recevable.

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal et contesté par la commune de La Lanterne-et-les-Armonts :

10. Aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme alors applicable : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : / (...) d) Le document attestant de la conformité du projet d'installation d'assainissement non collectif au regard des prescriptions réglementaires, prévu au 1° du III de l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales, dans le cas où le projet est accompagné de la réalisation ou de la réhabilitation d'une telle installation ; (...) ".

11. Le permis de construire modificatif du 6 août 2021 a notamment eu pour objet d'autoriser les pétitionnaires à aménager, dans l'entrepôt, un logement provisoire pendant la période du 31 août 2020 au 31 août 2021. Ce logement devait être réalisé à l'endroit de la future remise, dans la partie fermée du bâtiment. Il ressort du dossier de demande que la création de ce logement était accompagnée de la réalisation d'une installation d'assainissement non collectif. Par suite, ainsi que le tribunal l'a retenu, un certificat de conformité devait être produit au dossier. Le caractère provisoire de ce logement lui conférant la nature de second projet qui aurait pu faire l'objet d'un permis distinct, la commune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a, dès lors, annulé partiellement le permis litigieux.

En ce qui concerne les moyens soulevés par les requérants :

12. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-7 du code de l'urbanisme : " Sont joints à la demande de permis de construire : (...) / b) Le projet architectural défini par l'article L. 431-2 et comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 431-8 à R. 431-12. ". Aux termes de l'article R. 431-8 : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / (...) 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; / b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants (...) ". L'article R. 431-9 du même code dispose : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. (...) " et son article R. 431-10 que : " Le projet architectural comprend également : (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. "

13. La régularité de la procédure d'instruction d'un permis de construire requiert la production par le pétitionnaire de l'ensemble des documents exigés par le code de l'urbanisme. Pour autant, la circonstance que le dossier de demande ne les comporterait pas tous ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

14. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'entrepôt doit être implanté en limite Sud-Ouest du terrain d'implantation, à proximité immédiate de l'habitation de M. et Mme F... et d'une autre habitation située à l'Ouest, et à proximité de celle de M. C... située un peu plus à l'Est. Ces constructions avoisinantes ne figurent pourtant ni sur le document graphique relatif notamment à l'insertion du projet dans son environnement, ni sur les photographies permettant de situer le terrain dans l'environnement. Par ailleurs, la maison de M. C..., achevée en novembre 2017, ne figure pas non plus sur le plan de masse.

15. D'autre part, il n'est pas sérieusement contesté que le terrain d'assiette présente une déclivité naturelle d'environ 5 % représentant un dénivelé d'environ 2,5 mètres en fond de parcelle Ouest. Cette circonstance est notamment corroborée par les photographies produites par les requérants, montrant que d'importants terrassements ont été réalisé entre mars et mai 2020 jusqu'en limite Ouest et Sud de propriété, certes prises au stade de l'exécution du permis mais qui révèlent une déclivité antérieure à la délivrance du permis de construire initial. Le dossier de permis de construire, notamment le plan de masse et les plans en coupe, ne font cependant pas figurer cette déclivité.

16. Il ressort des pièces du dossier que ces insuffisances, imprécisions et incertitudes relevées aux points précédents ont été de nature à fausser l'appréciation portée par la commune de La Lanterne-et-les-Armonts. Elles entachent par suite d'illégalité le permis de construire délivré.

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire précise : / (...) e) La destination des constructions, par référence aux différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28 ; (...) ".

18. Il ressort des pièces du dossier que les pétitionnaires ont constitué une société de travaux forestiers en novembre 2022, soit seulement un an et quatre mois après le dépôt, le 15 juillet 2021, de leur demande de permis de construire modificatif. En se bornant à soutenir que l'entrepôt de 368 mètres carrés sera affecté au stockage de bois et de matériel pour leurs besoins privés, ils n'établissent pas la réalité de la destination " habitation " et l'absence de lien avec cette activité professionnelle. En outre, les requérants produisent des photographies, certes prises après l'édification du bâtiment, montrant la présence de tracteurs et de camions caractéristiques d'une activité forestière professionnelle. Dans ces conditions, il ressort des pièces du dossier que le bâtiment devait être regardé comme relevant d'une activité agricole et forestière. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme F... et M. C... sont fondés à soutenir que la déclaration d'une destination d'habitation pour l'entrepôt est erronée.

19. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural (...) indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. (...) ".

20. Si le dossier de demande de permis de construire modificatif déposé le 15 juillet 2021 mentionne que le logement provisoirement aménagé dans l'entrepôt est doté d'un assainissement individuel, il ne précise pas les équipements prévus à cet effet. En outre, l'attestation finalement délivrée par le service public de l'assainissement non collectif le 9 septembre 2021 ne porte, en tout état de cause, que sur l'assainissement de la maison principale. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'indication des équipements d'assainissement prévus pour ce logement provisoire doit être accueilli.

21. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

22. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ou encore à la conservation des perspectives monumentales, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Pour apprécier aussi bien la qualité du site que l'impact de la construction projetée sur ce site, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de prendre en compte l'ensemble des éléments pertinents et notamment, le cas échéant, la co-visibilité du projet avec des bâtiments remarquables, quelle que soit la protection dont ils bénéficient par ailleurs au titre d'autres législations.

23. Les requérants se bornent à citer la carte communale en vigueur qui indique, de manière générale, que le territoire communal se caractérise par de nombreux atouts paysagers et bénéficie d'un paysage urbain remarquable avec un bâti ancien de qualité. Le secteur dans lequel le projet doit s'implanter est toutefois constitué de fermes et de maisons d'habitation sans spécificité ou qualité particulière. Ainsi, en considérant que le bâtiment projeté, à l'architecture banale et aux couleurs classiques, ne portait pas atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux, le maire de la commune de La Lanterne-et-les-Armonts n'a pas entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation.

24. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescription spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

25. Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent. Les considérations relatives à la commodité du voisinage ne relèvent pas de la salubrité publique au sens de ces dispositions.

26. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les modalités d'accès des engins agricoles à l'entrepôt présenteraient un risque pour la sécurité publique ou que les conditions de son éclairage seraient de nature à présenter un risque pour la salubrité publique au sens des dispositions précitées. Par ailleurs, alors même que ce bâtiment est affecté à une activité professionnelle forestière, les requérants n'apportent aucun élément de nature à établir que le bruit généré par cette activité serait de nature à porter atteinte à la santé des riverains. Par suite, en accordant le permis sollicité, le maire de la commune de La Lanterne-et-les-Armonts n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne les conséquences des vices relevés :

27. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".

28. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

29. Les vices relevés aux points 14 à 16 et 18 tenant à l'incomplétude et à l'inexactitude du dossier de demande sont susceptibles d'être régularisés. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, délai dans lequel il appartient aux pétitionnaires et à l'autorité administrative de régulariser ces vices et d'en justifier devant la cour.

D E C I D E :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête présentée par M. et Mme F... et M. C... ainsi que sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt imparti à la commune de La Lanterne-et-les-Armonts et à M. G... et Mme I... pour notifier à la cour et aux requérants un permis de construire régularisant l'illégalité tenant à l'incomplétude et à l'inexactitude du dossier de demande.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J... A... épouse F... représentante unique en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la commune de La Lanterne-et-les-Armonts, à M. H... G... et à Mme B... I....

Délibéré après l'audience du 30 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Berthou, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mai 2025.

Le rapporteur,

Signé : D. BERTHOULe président,

Signé : Ch. WURTZLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Saône en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 22NC03126 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC03126
Date de la décision : 22/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. David BERTHOU
Rapporteur public ?: M. MEISSE
Avocat(s) : BARBEROUSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-22;22nc03126 ?
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