La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/05/2025 | FRANCE | N°22NC01822

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 22 mai 2025, 22NC01822


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Alsaterre a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 14 janvier 2020 par lequel le maire d'Aspach-Michelbach a refusé de lui accorder un permis d'aménager sur un terrain situé rue du Traineau, ainsi que la décision implicite par laquelle il a rejeté son recours gracieux.



Par un jugement n° 2004379 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procédure devant

la cour :



Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2022, un mémoire complémentaire, enregistré le 8 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Alsaterre a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 14 janvier 2020 par lequel le maire d'Aspach-Michelbach a refusé de lui accorder un permis d'aménager sur un terrain situé rue du Traineau, ainsi que la décision implicite par laquelle il a rejeté son recours gracieux.

Par un jugement n° 2004379 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2022, un mémoire complémentaire, enregistré le 8 avril 2025, et un mémoire, enregistré le 22 avril 2025, qui n'a pas été communiqué, la société Alsaterre, représentée par Me Hager, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 19 mai 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 janvier 2020 par lequel le maire d'Aspach-Michelbach a refusé de lui accorder un permis d'aménager sur un terrain situé rue du Traineau, ainsi que la décision implicite par laquelle il a rejeté son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre à la commune de lui délivrer le permis d'aménager sollicité dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- un refus d'autorisation d'urbanisme ne peut être fondé sur les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme que s'il n'est pas possible de délivrer cette autorisation d'urbanisme en l'assortissant de prescriptions spéciales permettant d'assurer la conformité de la construction ; l'autorité compétente doit se prononcer non seulement au regard du dossier déposé devant elle, mais également dans le cadre de l'instruction de la demande, le cas échéant par une demande complémentaire auprès du pétitionnaire ; il appartenait par suite à la commune de justifier, dans sa motivation, de l'impossibilité d'assortir le permis de telles prescriptions spéciales, ce qu'elle n'a pas fait ;

- le projet de lotissement ne se situe pas en zone inondable, au regard des documents d'urbanisme accessibles publiquement en date du 14 janvier 2020 ; aucune zone inondable n'est identifiée sur le site internet de la préfecture ; ce défaut d'information de la société quant à l'existence d'un risque d'inondation a été reconnu par le tribunal qui n'en a cependant pas tiré les conséquences ; si elle en avait été informée, elle aurait pu, dans le cadre de sa demande, fournir des éléments complémentaires et notamment présenter des propositions de prescriptions spéciales permettant d'assurer la conformité du projet au risque d'inondation ;

- dans son avis, le commissaire enquêteur a relevé que la zone inconstructible sur le terrain d'assiette était limitée et qu'il existe une zone à risques modérés constructible sous conditions ; des prescriptions spéciales sont de nature à empêcher toute atteinte aux règles de sécurité, nonobstant le risque d'inondation ; la commune a, par ailleurs, sur les terrains litigieux objets de la demande de permis d'aménager, délivré des autorisations d'urbanisme assorties de telles prescriptions ;

- le projet est très proche du centre du village, de sorte qu'il rentre dans les objectifs d'urbanisation poursuivis par la commune dans le projet d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme (PLU).

Par des mémoires, enregistrés le 10 février 2023 et le 17 avril 2025, la commune d'Aspach-Michelbach, représentée par Me Pujol-Bainier, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Alsaterre une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le terrain d'assiette est répertorié, par l'atlas des zones inondables de la vallée de la Doller, en aléa fort par débordement, de sorte que la délivrance d'un permis d'aménager un lotissement présente un risque pour les usagers et leurs biens, en méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- ni ces dispositions, ni la jurisprudence n'imposent à la commune, avant de refuser ledit permis, de justifier, dans sa motivation, de l'impossibilité d'assortir le permis de prescriptions spéciales ou de faire compléter à ce titre son dossier par le pétitionnaire ;

- en l'espèce, après examen du dossier et des éléments complémentaires fournis par la société, la commune a estimé que le projet n'était pas envisageable, même assorti de prescriptions spéciales ;

- le site internet " géorisques.gouv.fr ", à la date du 14 janvier 2020, laisse apparaître que la commune est soumise à un plan de prévention des risques naturels inondations (PPRI) ; si ce document a été annulé par arrêt de la cour du 8 février 2018 du fait de l'absence de consignation et d'annexion des différents avis recueillis au registres d'enquête, cette circonstance ne remet pas en cause le constat scientifique et géologique établi sur les communes concernées, dont l'analyse a été confirmée par les services de la préfecture du Haut-Rhin par courrier adressé à la juridiction le 8 novembre 2021 ; la direction départementale des territoires (DDT) du Haut-Rhin demande d'ailleurs aux communes de respecter les prescriptions de fond de ce PPRI lors de l'élaboration des autorisations d'urbanisme pour prévenir les risques ; la carte du zonage du risque d'inondation, créée le 8 octobre 2020 par la DDT du Haut-Rhin, démontre que la commune est située en zone inondable à risque fort et qu'une partie du terrain d'assiette se situe en risque d'aléa fort, l'autre en risque d'aléa faible ; le nouveau PLU de la commune, approuvé par une délibération du 20 avril 2021, certes postérieurement au refus de permis d'aménager, entend ainsi respecter les prescriptions du PPRI, et, alors que les parcelles litigieuses étaient précédemment classées en zone AUa et UD, les classe désormais en zone Aa, et donc non constructibles.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bauer,

- et les conclusions de M. Meisse, rapporteur public,

- et les observations de Me Hager, représentant la société Alsaterre, et de Me Damilot, substituant Me Pujol-Bainier, représentant la commune d'Aspach-Mittelbach.

Considérant ce qui suit :

1. La société Alsaterre a déposé, le 21 octobre 2019, un dossier de demande de permis d'aménager portant sur la réalisation de 15 lots à bâtir sur un terrain situé rue du Traineau à Aspach-Michelbach. Par un arrêté du 14 janvier 2020, le maire de la commune a refusé de lui délivrer ce permis d'aménager. La société Alsaterre a sollicité auprès du tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de cet arrêté et de la décision implicite rejetant son recours gracieux. Par la présente requête, elle demande à la cour d'annuler le jugement du 19 mai 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

3. Il résulte des dispositions du code de l'urbanisme que les lotissements, qui constituent des opérations d'aménagement ayant pour but l'implantation de constructions, doivent respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même s'ils n'ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d'un lot d'une unité foncière. Il appartient, en conséquence, à l'autorité compétente de refuser le permis d'aménager sollicité ou de s'opposer à la déclaration préalable notamment lorsque, compte tenu de ses caractéristiques telles qu'elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis, un projet de lotissement permet l'implantation de constructions dont la compatibilité avec les règles d'urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises

4. En l'espèce, le maire d'Aspach-Michelbach a estimé que le terrain d'assiette du projet, situé dans une zone inondable par débordement classée en aléa fort présentait un risque pour la sécurité publique et méconnaît ainsi les dispositions précitées.

5. Pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus d'autorisation d'urbanisme sur le fondement de ces dispositions, il appartient à l'autorité compétente et au juge de l'excès de pouvoir de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.

6. En l'absence de dispositions y faisant obstacle, il est loisible au pétitionnaire, le cas échéant après que l'autorité administrative compétente lui a fait part des absences de conformité de son projet aux dispositions mentionnées à l'article L. 421-6, d'apporter à ce projet, pendant la phase d'instruction de sa demande et avant l'intervention d'une décision expresse ou tacite, des modifications qui n'en changent pas la nature, en adressant une demande ou en complétant sa déclaration en ce sens accompagnée de pièces nouvelles qui sont intégrées au dossier afin que la décision finale porte sur le projet ainsi modifié. L'autorité administrative compétente dispose également, sans jamais y être tenue, de la faculté d'accorder le permis de construire ou de ne pas s'opposer à la déclaration préalable en assortissant sa décision de prescriptions spéciales qui, entraînant des modifications sur des points précis et limités et ne nécessitant pas la présentation d'un nouveau projet, ont pour effet d'assurer la conformité des travaux projetés aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect. Le pétitionnaire auquel est opposée une décision de refus de permis de construire ou d'opposition à déclaration préalable ne peut utilement se prévaloir devant le juge de l'excès de pouvoir de ce que l'autorité administrative compétente aurait dû lui délivrer l'autorisation sollicitée en l'assortissant de prescriptions spéciales.

7. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, notamment de la cartographie enregistrée dans l'Atlas des zones inondables et de la carte des zones inondables établie par la direction départementale des territoires du Haut-Rhin, dont la valeur probante n'est pas sérieusement contestée, que le terrain d'assiette du projet est, pour sa partie Nord-Ouest ainsi que son accès rue des Vignes, en secteur d'aléa fort inondation par risque de débordement de la rivière de la Doller, sur lequel des constructions ne peuvent être édifiées au regard des risques ainsi engendrés pour les occupants. La circonstance que l'aléa fort inondation n'apparaissait pas sur les documents graphiques accessibles au public à la date de la décision, pour regrettable qu'elle soit, est sans incidence dès lors que le risque est établi.

8. Ainsi qu'il a été exposé au point 6, la société ne saurait utilement faire valoir que le permis aurait dû lui être délivré assorti de prescriptions spéciales permettant d'assurer la conformité aux dispositions de l'article R. 111-2 précité. En tout état de cause, il est constant que la partie inconstructible impacte la délimitation de nombreux lots du projet de lotissement et que cette contrainte impose en réalité de revoir le projet envisagé, de simples prescriptions spéciales n'apparaissant pas suffisantes au vu des éléments du dossier pour assurer le respect des dispositions réglementaires. Au surplus, si la requérante se prévaut de la délivrance d'un permis de construire dans cette même zone inondable, il est constant que ce permis, outre qu'il concerne une maison individuelle et non un lotissement, a été assorti de prescriptions spéciales tendant à prévenir le risque inondation. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que le refus de permis d'aménager serait entaché d'erreur d'appréciation dans l'application de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Alsaterre n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 14 janvier 2020 par lequel le maire de la commune a refusé de lui délivrer le permis d'aménager sollicité et du rejet de son recours gracieux. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Aspach-Michelbach, qui n'est pas la partie perdante, la somme que la société Alsaterre demande au titre des frais liés au litige. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Alsaterre une somme de 2 000 euros à verser à la commune d'Aspach-Michelbach au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Alsaterre est rejetée.

Article 2 : La société Alsaterre versera à la commune d'Aspach-Michelbach une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Alsaterre et à la commune d'Aspach-Michelbach.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Rousselle, présidente,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Berthou, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mai 2025.

La rapporteure,

Signé : S. BAUER

La présidente,

Signé : P. ROUSSELLE Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

N° 22NC01822 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01822
Date de la décision : 22/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MEISSE
Avocat(s) : SCP BSP² AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-22;22nc01822 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award