Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 13 août 2020 par lequel le maire de la commune de Fontaine-sur-Ay ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par Mme A... le 8 juillet 2020 en vue de la réalisation d'un édifice à usage de loge de vignes au lieu-dit " Le Salve ".
Par un jugement n° 2001968 du 4 novembre 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision contestée.
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 14 février 2022 par lequel le maire de la commune de Fontaine-sur-Ay a accordé à Mme A... un permis de construire une loge de vigne au lieu-dit " Le Salve ".
Par un jugement n° 2200845 du 30 mai 2024, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision contestée.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 3 janvier 2022 sous le n° 22NC00015, Mme D... A..., représentée par Me Bonnerot, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 4 novembre 2021 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. B... devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que M. B... n'a pas intérêt à agir contre la décision qu'il conteste.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 septembre 2024, 29 novembre 2024 et le 17 décembre 2024, M. B..., représentée par Me Coissard, conclut au rejet de la requête et demande, dans le dernier état de ses écritures, que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le moyen soulevé n'est pas fondé ;
- le projet méconnaît les dispositions de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires en observation, enregistrés les 24 août 2022 et 13 décembre 2024, la commune de Fontaine-Sur-Ay, représentée par Me Blin, demande à la cour de faire droit à la requête d'appel de Mme A... et de rejeter les conclusions présentées par M. B... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance est irrecevable en ce qu'elle méconnaît l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme ;
- le moyen de défense tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme est inopérant ;
- M. B... n'a pas intérêt à agir contre la décision qu'il conteste ;
- elle n'a pas la qualité de partie à la présente instance.
II. Par une requête et un mémoire, enregistrée le 6 août 2024 et le 25 octobre 2024 sous le n° 24NC02087, Mme D... A..., représentée par Me Lefèvre, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 30 mai 2024 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. B... devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- M. B... n'a pas intérêt à agir contre le permis de construire litigieux ;
- son projet est nécessaire à l'exploitation de ses vignes au sens des dispositions de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 septembre 2024 et le 16 janvier 2025, M. B..., représentée par Me Coissard, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est tardive ;
- le moyen soulevé n'est pas fondé.
Dans l'instance n° 22NC00015 les parties ont été informées, par un courrier du 23 avril 2025, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité du moyen soulevé par la commune, simple observatrice, tenant à la méconnaissance des dispositions de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Berthou,
- les conclusions de M. Meisse, rapporteur public,
- et les observations de Me Coissard, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a déposé, le 8 juillet 2020, une déclaration préalable en vue de régulariser la construction d'un édifice présenté comme une " loge de vignes " sur un terrain situé sur la parcelle cadastrée ZE n° 95 au lieu-dit Le Salve à Fontaine-sur-Ay. Par un jugement du 4 novembre 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du maire de la commune de Fontaine-sur-Ay du 13 août 2020 de non-opposition à cette déclaration préalable. Mme A... a alors déposé, le 14 décembre 2021, une demande de permis de construire de régularisation. L'arrêté du maire du 14 février 2022 lui accordant ce permis a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 30 mai 2024. Mme A... demande à la cour d'annuler ces deux jugements et de rejeter les demandes de première instance de M. B....
2. Les requêtes n° 22NC00015 et 24NC02087, présentées par Mme A..., sont relatives à deux décisions d'urbanisme portant sur un même projet. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul et même arrêt.
Sur la recevabilité du moyen propre de la commune de Fontaine-sur-Ay présenté dans l'instance n° 22NC00015 :
3. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf dispositions contraires, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4-1 (...) ". Lorsqu'un tiers saisit un tribunal administratif d'une demande tendant à l'annulation d'une autorisation administrative individuelle, le tribunal doit, lorsqu'il instruit l'affaire, appeler dans l'instance la personne qui a délivré l'autorisation attaquée ainsi que le bénéficiaire de celle-ci. Conformément aux dispositions de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, cette communication confère à ces personnes la qualité de parties en défense qui les rend recevables à faire appel du jugement annulant l'autorisation, alors même qu'elles n'auraient produit aucune défense en première instance. Lorsque l'une d'elles fait seule régulièrement appel dans le délai, le juge d'appel peut communiquer pour observations cet appel aux autres parties au litige en première instance, au nombre desquelles figure la personne défenderesse en première instance qui s'est abstenue de faire appel. Cette communication ne confère toutefois pas à celle-ci la qualité de partie à l'instance d'appel.
4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la commune de Fontaine-sur-Ay, partie à l'instance devant le tribunal, a reçu notification, le 8 novembre 2021, du jugement du 4 novembre 2021 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. Son premier mémoire a été enregistré au greffe de la cour le 24 août 2022, soit après l'expiration du délai d'appel contre le jugement fixé par les dispositions citées au point précédent. Dans ces conditions, ce mémoire doit être regardé comme un mémoire en observations dans lequel la commune de Fontaine-sur-Ay ne peut soulever ni conclusions, ni moyens propres. Par suite, la fin de non-recevoir qu'elle oppose tirée de la méconnaissance de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme doit être écartée comme irrecevable.
Sur le bien-fondé du jugement du 4 novembre 2021 :
5. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. / Le présent article n'est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire. "
6. Il résulte des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant, le cas échéant, les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
7. La propriété de M. B... sur laquelle est édifiée sa maison d'habitation se situe au Nord de la parcelle du terrain d'assiette du projet litigieux dont elle n'est séparée que par un chemin de vigne d'une largeur limitée dans sa partie Ouest. Par ailleurs, la construction litigieuse est située elle-même au Nord du terrain d'assiette et à proximité de ce chemin. Si la maison d'habitation de M. B... est, quant à elle, séparée de cette construction par deux chemins entre lesquels s'insère une étroite parcelle, elle se situe en surplomb et la construction projetée est visible depuis sa terrasse et sa piscine au moins une partie de l'année. Ce dernier justifie ainsi d'un intérêt à agir contre la décision de non-opposition litigieuse. Par suite, Mme A..., qui ne conteste par ailleurs pas les motifs d'annulation retenus par le tribunal administratif et notamment celui tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme, n'est pas fondée soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, il a annulé cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement du 30 mai 2024 :
8. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, M. B... a intérêt à agir contre l'arrêté du 14 février 2022 valant permis de construire.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune ". Aux termes de l'article L. 111-4 du même code : " Peuvent toutefois être autorisés en dehors des parties urbanisées de la commune : (...) / 2° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole, à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées, à la réalisation d'aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d'opérations d'intérêt national ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que, dans les communes dépourvues de tout plan local d'urbanisme ou de carte communale, ne sont autorisées, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune, que les constructions et installations nécessaires, notamment, à l'exploitation agricole. Ce lien de nécessité, qui doit faire l'objet d'un examen au cas par cas, s'apprécie entre, d'une part la nature et le fonctionnement de l'exploitation agricole et, d'autre part, la destination de la construction ou de l'installation projetée. La seule qualité d'exploitant agricole du pétitionnaire ne suffit pas à caractériser un tel lien. La circonstance que des constructions et installations à usage agricole puissent aussi servir à d'autres activités n'est pas de nature à leur retirer le caractère de constructions ou installations nécessaires à l'exploitation agricole dès lors que ces autres activités ne remettent pas en cause la destination agricole avérée des constructions et installations en cause.
10. Il ressort des pièces du dossier que la construction litigieuse, constituée d'un chalet en bois d'une pièce de 20 mètres carrés et d'une terrasse, est située sur une parcelle de champ et de pâture non exploitée localisée à environ 200 mètres de la parcelle viticole exploitée par Mme A.... La demande de permis de construire visant à sa régularisation mentionne que celle-ci " vient en complément de [l']exploitation afin d'y entreposer du matériel manuel tels que : sécateurs, pinces, piquets de vigne, fils de fer mais surtout pour y mettre du matériel plus imposant, difficile à transporter dans une voiture, tels que chariots à vignes et la tondeuse-débrousailleuse ". La notice précise par ailleurs que le projet vise également à permettre à Mme A..., son conjoint et ses enfants de trouver un abri lorsqu'ils travaillent dans les vignes. La requérante ne précise pas et n'apporte même aucun élément de nature à justifier les difficultés alléguées d'acheminement du matériel nécessaire à l'exploitation de ses vignes. Elle n'établit pas non que ce chalet, au vu notamment de sa dimension réduite, pourrait servir d'abri aux travailleurs saisonniers recrutés pour la période des vendanges. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce et au vu notamment de la distance la séparant des parcelles exploitées par l'intéressée et de la configuration des lieux rendant difficile son accès, la nécessité de cette construction pour l'exploitation agricole n'est pas établie.
11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée par M. B... à l'encontre de la requête n° 24NC02087, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté litigieux.
Sur les frais de l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme A... une somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de Mme A... sont rejetées.
Article 2 : Mme A... versera à M. B... la somme globale de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., à M. C... B... et à la commune de Fontaine-sur-Ay.
Délibéré après l'audience du 30 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Berthou, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mai 2025.
Le rapporteur,
Signé : D. BERTHOULe président,
Signé : Ch. WURTZLe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet de la Marne en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 22NC00015, 24NC02087 2