Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la délibération du 18 février 2020 par laquelle le conseil municipal de la commune de Prémanon (39) a approuvé le plan local d'urbanisme en tant qu'il créé une zone 1AU " Sud Sambine ".
Par un jugement n° 2000696 du 29 juillet 2021, le tribunal administratif de Besançon a annulé la délibération litigieuse dans cette mesure.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 29 septembre 2021, le 28 novembre 2023 et le 23 juillet 2024, la commune de Prémanon, représentée par Me Nguyen, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 juillet 2021 ;
2°) de rejeter la requête de M. B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il existe un rapport de compatibilité et non de conformité entre le règlement du PLU et les objectifs définis à l'article 101-2 du code de l'urbanisme ; cet article n'impose pas de faire disparaître le moindre risque technologique mais de concilier ces différents objectifs ; la servitude résultant de la présence de la canalisation de gaz est conciliable avec l'ouverture du secteur à l'urbanisation ; nonobstant son caractère extrêmement limité, le risque induit par la proximité de la canalisation de gaz a été pris en compte par les auteurs du PLU qui sont allés bien au-delà des prescriptions de GRT Gaz en prévoyant non seulement l'interdiction des clôtures, mais aussi une implantation des constructions à 10 mètres minimum de part et d'autre de la canalisation ; le classement en zone AU est compatible avec l'objectif de lutte contre l'étalement urbain également poursuivi par l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme ;
- l'ouverture du secteur à l'urbanisation n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) n° 7 satisfait pleinement à l'objectif fixé par le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) d'optimisation du foncier constructible en extension ; l'objectif de préservation de l'ambiance rurale, consacré tant par le PADD que le schéma de cohérence territoriale, n'est pas méconnu dès lors que l'implantation des bâtiments les plus imposants se fera à proximité du centre de vacances et celle des habitations groupées et des logements individuels en continuité de la zone pavillonnaire pour assurer une cohérence des formes urbanistiques et architecturales ; l'OAP intègre la présence d'un corridor écologique et les principes d'aménagement retenus visent à préserver les boisements en limite Est du secteur ; le peuplement forestier aujourd'hui concerné par la zone 1AU ne présente aucun intérêt écologique spécifique ; il n'est pas établi que les modalités d'accès prévues seraient inadaptées à la construction des logements prévus et entraîneraient une aggravation des conditions de circulation des riverains.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 3 mars 2022 et le 27 mai 2024, M A... B..., représenté par Me Brocard, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Prémanon une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a valablement considéré que l'ouverture à l'urbanisation n'était pas compatible avec le risque létal induit par la présence de la canalisation de gaz située à proximité immédiate des futurs logements ; cette canalisation est grevée de 3 servitudes d'utilité publique (SUP) ; dans son avis du 23 août 2019, GRT Gaz recommande d'éviter la création de zones urbanisées et zones à urbaniser dans les SUP des ouvrages GRT Gaz ; les constructions envisagées seront situées dans la zone de la SUP 1 et donc soumises à un risque létal ; dans une logique de précaution et de prévention, la commune aurait dû s'abstenir de classer cette zone en zone constructible, notamment au regard des autres extensions urbaines possibles sur cette commune puisque 26 sites ont été analysés comme urbanisables ;
- l'ouverture à l'urbanisation de ce secteur est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; elle ne répond pas à l'objectif d'optimisation foncière dès lors qu'elle constitue une extension urbaine pure et simple ; elle ne satisfait pas à l'objectif de préservation de l'ambiance rurale du village, cette zone 1AU ayant vocation à constituer le prolongement du lotissement de la Sambine ; une partie de la surface concernée est constituée de terres agricoles, classées par le rapport de présentation en zone à enjeux moyens ; ce secteur comporte un espace boisé à préserver car identifié comme corridor régional de la sous trame mosaïque paysage du schéma régional de cohérence écologique, mais les prescriptions sont insuffisantes pour préserver la biodiversité ; l'accessibilité de cette nouvelle zone 1AU ne sera pas correctement assurée par les deux accès prévus et empêchera certains riverains d'accéder à leur propriété par l'arrière.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bauer,
- les conclusions de M. Meisse, rapporteur public,
- et les observations de Me Coissard, substituant Me Nguyen, représentant la commune de Prémanon, et de Me Maurin, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 18 février 2020, le conseil municipal de la commune de Prémanon a approuvé la révision de son plan local d'urbanisme (PLU) et a notamment ouvert à l'urbanisation la zone 1AU " Sud Sambine ", prévoyant la construction de 22 logements, répartis entre logements individuels, groupés et intermédiaires. M. B..., propriétaire d'une maison d'habitation dans le lotissement de la Sambine, a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler cette délibération en tant qu'elle ouvre à l'urbanisation la zone 1AU " Sud Sambine ". Par un jugement du 29 juillet 2021, dont la commune de Prémanon relève appel, le tribunal a annulé cette délibération dans cette mesure.
Sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement :
2. Aux termes de l'article L 101-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants : 1° L'équilibre entre : (...) b) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux, la lutte contre l'étalement urbain ; (...) 5° La prévention des risques naturels prévisibles, des risques miniers, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature (...) ". L'article R. 151-20 du même code dispose que : " Les zones à urbaniser sont dites " zones AU ". Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs destinés à être ouverts à l'urbanisation (...) ".
3. Il appartient aux auteurs d'un PLU de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage déterminant les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
4. Les dispositions précitées de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme imposent seulement aux auteurs des documents d'urbanisme d'y faire figurer des mesures tendant à la réalisation des objectifs qu'elles énoncent. En conséquence, le juge administratif exerce un simple contrôle de compatibilité entre les règles fixées par ces documents et ces dispositions.
5. Il ressort des pièces du dossier que la nouvelle zone 1AU projetée " Sud Sambine " se situe à 10 mètres d'une canalisation de gaz d'un diamètre nominal de 450 millimètres et d'une pression maximale en service de 80 bars allant de Etrez à La Cure. Cette canalisation est grevée de 3 servitudes d'utilité publique (SUP), la plus éloignée étant la servitude de type 1 située à 185 mètres de l'ouvrage. Si la seule présence d'une servitude n'emporte pas interdiction, par principe, de classer une parcelle en zone urbanisée, il appartient toutefois à l'autorité administrative compétente de s'assurer, sous le contrôle du juge, que la servitude, compte tenu de ses caractéristiques et des obligations, notamment d'entretien, qui en découlent, n'est pas inconciliable avec ce classement.
6. En l'espèce, le rapport de présentation du PLU relève à cet égard que ce type d'ouvrages est susceptible " par perte de confinement accidentelle suivie de l'inflammation, de générer des risques très importants pour la santé ou la sécurité des populations voisines, de sorte que la gravité des conséquences en cas de réalisation du risque doit être regardée comme établie, nonobstant une faible probabilité de survenance ". Ce document identifie par ailleurs, à titre d'enjeu très fort, la " maîtrise de l'urbanisation dans les zones à risque en limitant l'exposition des populations ".
7. Nonobstant les travaux de protection de ladite canalisation de transport de gaz réalisés par la commune, le gestionnaire de l'ouvrage, GRT Gaz a expressément indiqué, dans son avis du 23 août 2019, qu'il convenait " d'éviter la création de zone urbaine (U) ou zone à urbaniser (AU) dans les SUP des ouvrages GRT Gaz et la densification des zones déjà ouvertes à l'urbanisation " et a invité les auteurs du PLU " à éloigner autant que possible " le projet de ses ouvrages, " à une distance d'au moins 185 mètres " correspondant à l'emprise de la SUP 1, rappel repris dans le rapport d'enquête publique. A cet égard, la commune ne saurait utilement soutenir qu'il s'agit de remarques standardisées relevant d'une simple logique de précaution, le gestionnaire visant expressément, dans ses observations, l'OAP n° 7 relative à la création de la zone 1AU " Sud Sambine ", en indiquant " qu'il ne souhaitait pas se prononcer de manière favorable à la réalisation de projets d'urbanisme dans les zones de dangers associées à ses ouvrages ". La circonstance que la zone comprise dans la SUP 1 est déjà surbâtie est également sans incidence, alors qu'il ressort des pièces du dossier que les constructions existantes sont antérieures à l'implantation de la canalisation litigieuse.
8. De même, le rapport du commissaire enquêteur identifie, à titre de risque majeur, la présence de la canalisation litigieuse et précise que le zonage doit être compatible avec les mesures de prévention préconisées, les documents graphiques devant identifier les zones de danger associées aux canalisations. Le commissaire enquêteur réserve par ailleurs expressément son avis favorable à la révision à la circonstance qu'avant son approbation, le document intègre " les prescriptions essentielles formulées par les personnes publiques associées, principalement par GRT Gaz ".
9. Il résulte de ce qui précède que la commune de Prémanon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon a considéré que la création d'une zone urbanisée de 22 logements était, en l'espèce, inconciliable avec le risque létal induit par la présence d'une canalisation de gaz située à une distance des futurs logements comprise entre 10 et 80 mètres environ, nonobstant la circonstance, à la supposer établie, que ce projet contribuerait à la lutte contre l'étalement urbain, objectif également poursuivi par les dispositions précitées de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme, et que, par suite, la délibération portant révision du PLU était dans cette mesure entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande la commune de Prémanon au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Prémanon une somme de 2 000 euros à verser à M. B... au titre de ces mêmes frais.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Prémanon est rejetée.
Article 2 : La commune de Prémanon versera à M. B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Prémanon et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 30 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Rousselle, présidente,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Berthou, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mai 2025.
La rapporteure,
Signé : S. BAUER
La présidente,
Signé : P. ROUSSELLE Le greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne au préfet du Jura en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
F. LORRAIN
N° 21NC02599 2