Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 avril 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement no 2305216 du 1er février 2024, le tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, dit qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande de Mme A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle et a, d'autre part, rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 mars 2024, Mme A..., représentée par Me Sabatakakis, doit être regardée comme demandant à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de sa demande ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, subsidiairement de réexaminer sa demande dans le même délai et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant l'instruction de son dossier ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros hors taxes à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant du refus de titre de séjour :
- la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision en litige est illégale compte tenu de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa vie privée et familiale ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- la décision en litige est illégale compte tenu de l'illégalité de la décision de refus de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2024, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 21 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brodier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante ivoirienne née en 1963, est entrée sur le territoire français le 3 septembre 2017 munie de son passeport revêtu d'un visa de court séjour. Elle s'est maintenue sur le territoire et a sollicité, le 19 novembre 2020, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " visiteur ". Par un arrêté du 18 mars 2021, le préfet du Haut-Rhin a refusé de faire droit à sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Le 22 septembre 2022, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 3 avril 2023, le préfet du Haut-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 1er février 2024 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir admis l'intéressée au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Mme A..., qui était âgée de 59 ans à la date de la décision en litige, résidait alors en France depuis cinq ans et demi mais la durée de ce séjour est consécutive à son maintien sur le territoire français en dépit d'une mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 18 mars 2021 à l'issue du rejet de sa demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité de " visiteur ". S'il n'est pas contesté qu'elle est hébergée chez sa fille, de nationalité française, depuis son arrivée, il ressort des pièces du dossier que celle-ci réside en France depuis 1999 et y a créé sa propre cellule familiale. Mère et fille ont donc vécu séparées pendant dix-huit années. La présence en France de ses trois petits-enfants ainsi que de son frère et sa nièce ne suffisent pas à la regarder comme ayant définitivement ancré en France l'essentiel de sa vie familiale, alors que le préfet du Haut-Rhin fait valoir, sans être contredit, que quatre de ses frères et sœurs vivent toujours en Côte d'Ivoire. Enfin, la circonstance que Mme A... s'occupe de ses trois petits-enfants pendant que sa fille suit une scolarité en institut de formation en soins infirmiers ne suffit pas, malgré les liens qui les unissent, à établir que la décision en litige porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées doit être écarté.
4. En second lieu, pour le même motif qu'énoncé au point précédent, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui refusant un titre de séjour serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
5. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait illégale compte tenu de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale compte tenu de l'illégalité des décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 avril 2023. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Sabatakakis et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
Délibéré après l'audience du 24 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Martinez, président,
- M. Agnel, président-assesseur,
- Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025.
La rapporteure,
Signé : H. BrodierLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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No 24NC00503