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15/05/2025 | FRANCE | N°23NC00040

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 15 mai 2025, 23NC00040


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016.



Par un jugement no 2001086 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour :



Par

une requête, enregistrée le 4 janvier 2023, M. et Mme B..., représentés par Me Schaufelberger, demandent à la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016.

Par un jugement no 2001086 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2023, M. et Mme B..., représentés par Me Schaufelberger, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- il ne pouvait être procédé à aucun rehaussement sur le fondement de l'article 111 a. du code général des impôts, dès lors que l'administration n'a pas établi que des fonds avaient été mis à leur disposition ;

- à titre subsidiaire, la présomption de l'article 111 a. du code général des impôts est écartée compte tenu de l'intérêt de l'usufruitier d'abonder dans la société JCAL conformément à la doctrine administrative BOI-RPPM-RCM-10-20-20-20 n° 170 du 12 septembre 2012 ;

- les avances consenties par la SC JCJ à la SCI JCAL sont établies par les écritures comptables des deux sociétés, conformément à ce que prévoit la doctrine administrative référencée BOI-RPPM-RCM-10-20-20-20 n° 230 du 12 septembre 2012.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brodier, première conseillère,

- les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Initialement détenteurs de 50 % chacun des parts sociales, en pleine propriété, C... qu'ils ont créée le 21 mai 2011 en vue de l'acquisition puis de la location d'un immeuble situé à Besançon, Mme A... B... et M. D... B... ont cédé, par acte du 28 décembre 2012, l'usufruit des parts sociales de cette société à la SC JCJ, dont M. B... est le gérant et l'associé à 99% des parts sociales. Cette société JCJ a fait l'objet d'une vérification de comptabilité concernant ses déclarations d'impôt sur les sociétés portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016, qui n'a donné lieu à aucun rehaussement. En revanche, l'administration a considéré que les virements bancaires effectués par la SC JCJ au profit C..., pour des montants de 43 000 euros en 2015 et de 40 200 euros en 2016, enregistrés au débit du compte courant ouvert au nom de la seconde dans les écritures de la première, constituaient des revenus distribués à M. et Mme B..., par société interposée, en application des dispositions du a. de l'article 111 du code général des impôts. Elle a, par conséquent, mis à leur charge, par une proposition de rectification du 19 septembre 2018, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, qui ont été maintenues dans la réponse aux observations des contribuables du 20 décembre 2018. Les impositions correspondantes ont été mises en recouvrement le 30 avril 2019. La réclamation préalable formée par les contribuables le 6 janvier 2020 a été rejetée par une décision du 26 mai 2020. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 8 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2015 et 2016.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'administration ne peut en principe regarder l'existence d'un solde débiteur du compte courant ouvert dans les écritures d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés au nom d'une société civile immobilière dont le contribuable est l'associé tout en étant, parallèlement, associé de la première, comme de nature à établir que le montant de ce solde a constitué pour l'intéressé un revenu distribué au sens du a de l'article 111 du code général des impôts qu'à la condition d'établir que la société civile immobilière en cause n'a fait que s'interposer entre la société soumise à l'impôt sur les sociétés et le contribuable, bénéficiaire réel de la distribution.

4. Il résulte de l'instruction que la SC JCJ, qui est soumise sur option à l'impôt sur les sociétés à raison notamment des résultats C... dont elle est usufruitière des parts sociales, a régulièrement versé au cours des années 2015 et 2016 à la SCI JCAL des sommes visant à payer les mensualités d'emprunt, la taxe foncière sur les propriétés bâties et un acompte sur charges dues par cette société à raison de l'immeuble qu'elle a acquis en 2011 à Besançon. Ces sommes, enregistrées au débit du compte courant d'associé ouvert dans ses écritures au nom C..., ont augmenté le solde débiteur de ce compte courant de 43 000 euros en 2015 et de 40 200 euros en 2016.

5. Afin d'établir que M. et Mme B... sont les bénéficiaires réels des revenus distribués par la SC JCJ par société interposée, l'administration fait valoir que, ainsi qu'il a été reconnu au cours de la vérification de comptabilité de la SC JCJ, les sommes que celle-ci prend en charge correspondent à des frais C... qui ne sont pas couverts par les loyers que cette dernière perçoit. En assumant ces dépenses C..., la SC JCJ substitue à la dette C... à l'égard notamment de l'établissement bancaire une dette de la SCI à son égard, ce qui a pour effet d'éviter à M. et Mme B... d'avoir à répondre des dettes sociales C... dont ils sont les seuls associés. M. B... étant l'associé très majoritaire de la SC JCJ, dont il détient 99% des parts sociales, et l'associé avec son épouse C..., l'administration doit être regardée comme établissant qu'il est le bénéficiaire réel des avances consenties par la SC JCJ à la SCI JCAL, qui n'a fait que s'interposer entre la société soumise à l'impôt sur les sociétés et le contribuable. La circonstance que les sommes en litige n'ont pas été inscrites à un compte courant d'associé ouvert au nom de M. et Mme B... dans les écritures C... ni encaissées par les contribuables ne permet pas d'écarter l'existence de la distribution à leur profit.

6. Les requérants n'établissent pas, ni même n'allèguent, que les sommes en litige correspondraient, en l'absence de convention signée, à un véritable prêt consenti par la SC JCJ à la SCI JCAL. Ils se bornent à soutenir que l'usufruitier de parts sociales d'une société supporte l'imposition due sur le résultat pour la quote-part correspondant à ses droits dans les bénéfices de cette société, sans justifier de l'intérêt de la SC JCJ à prendre en charge le remboursement des mensualités de l'emprunt immobilier contracté par la SCI JCAL, lesquelles n'affectent pas le résultat des exercices. Les requérants ne justifient pas plus de l'intérêt pour la SC JCJ de voir sa créance sur la SCI JCAL augmenter à hauteur des sommes en litige. Dès lors, les requérants n'apportent pas la preuve contraire permettant de faire obstacle à l'imposition entre leurs mains des sommes regardées comme des distributions en application du a de l'article 111 du code général des impôts.

7. Par suite, c'est à juste titre que l'administration a imposé entre les mains de M. et Mme B... les sommes correspondant à la variation du solde débiteur du compte courant ouvert au nom C... dans les écritures de la SC JCJ et dont elle a établi qu'elles ont été distribuées par la société JCAL interposée.

Sur le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi :

8. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa version alors applicable : " (...) / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ".

9. En premier lieu, les requérants se prévalent de la doctrine référencée BOI-RPPM-RCM-10-20-20-20 du 12 septembre 2012 dont le paragraphe 170 prévoit que " la présomption de distribution est aussi écartée s'il est prouvé que les avances sont faites dans l'intérêt de la société et ne constituent pas un avantage pour l'associé ".

10. Toutefois, cette instruction ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle qui a été mentionnée précédemment et ne peut, par suite, être invoquée sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

11. En deuxième lieu, M. et Mme B... se prévalent du paragraphe 230 de la doctrine référencée citée au-dessus qui prévoit que " lorsque les avances ne sont pas constatées par un acte de prêt, les bénéficiaires peuvent apporter des justifications diverses. (...) qui ne peuvent être prises en considération que dans la mesure où elles sont confirmées par les écritures comptables de la société ".

12. Cette doctrine est relative à la charge de la preuve et donc à la procédure contentieuse et ne constitue pas, dès lors, une interprétation de la loi fiscale au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande. Par suite, leur requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 24 avril 2025, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025.

La rapporteure,

Signé : H. Brodier Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

No 23NC00040


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00040
Date de la décision : 15/05/2025
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : SCHAUFELBERGER - MONNIN - SIRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-15;23nc00040 ?
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