Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 10 novembre 2022 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits.
Par un jugement n°s 2300035 et 2300036 du 25 avril 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces enregistrées les 18 juillet 2023, 1er août 2023, 14 novembre 2023, 21 novembre 2023 et 9 janvier 2024, M. et Mme C..., représentés par Me Martin, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler les arrêtés du 10 novembre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle, à titre principal, de leur délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée ou familiale " ou une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , et, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation et de leur délivrer sous huit jours une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler, l'ensemble dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- leur fils ne pourra pas bénéficier de traitement approprié en cas de retour en Géorgie et le préfet a dès lors entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;
- ils reprennent intégralement leurs moyens de première instance ;
- les mesures d'éloignement méconnaissent les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.
Par des mémoires en défense enregistrés les 8 novembre 2023, 21 novembre 2023 et 13 décembre 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête de M. et Mme C... ne sont pas fondés.
M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 15 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Peton,
- et les observations de Me Martin, avocat de M. et Mme C....
Des pièces, enregistrées le 22 avril 2025, ont été produites pour M. et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C..., ressortissants géorgiens nés respectivement le 25 septembre 1972 et le 19 décembre 1978, déclarent être entrés en France le 10 septembre 2021 accompagnés de leur fils mineur. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dont les décisions ont été confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 27 juin 2022. M. et Mme C... ont sollicité une autorisation provisoire de séjour en se prévalant de l'état de santé de leur fils. Par deux arrêtés du 10 novembre 2002, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de leurs délivrer les titres de séjour sollicités, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 25 avril 2023, par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et de l'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". Aux termes de l'article L. 425-10 du même code : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".
3. En vertu des dispositions précitées, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 425-10 du code précité, doit émettre son avis, au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont il peut solliciter sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
4. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance du titre de séjour prévu par l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'étranger, et en particulier d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'étranger, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptées, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si cet étranger peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 précité, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.
5. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. et Mme C..., le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est fondé sur l'avis du 29 août 2022 du collège de médecins du service médical de l'OFII qui a estimé que l'état de santé du fils des intéressés nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pouvait y bénéficier d'un traitement approprié de sa pathologie et voyager sans risque vers ce pays. M. et Mme C... soutiennent que leur fils est atteint d'une surdité congénitale et d'un trouble du spectre autistique, qu'il nécessite un suivi médical régulier et pluridisciplinaire, et que son autisme n'a pas été diagnostiqué en Géorgie où il ne pourrait y être pris en charge après sa majorité ce qui aurait pour effet d'aggraver son état de santé. Toutefois, les pièces versées au dossier, si elles permettent d'établir la nécessité d'une prise en charge, ne suffisent pas à considérer que l'enfant n'aurait aucune possibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine et ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée par le collège des médecins de l'OFII et le préfet de Meurthe-et-Moselle. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
7. M. et Mme C... se prévalent de l'état de santé de leur fils mineur. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les requérants ne sont entrés en France qu'en 2021 et ils ne démontrent pas avoir des liens d'une ancienneté ou d'une intensité particulières. Leur séjour en France est très récent à la date des arrêtés contestés. Ils ne justifient pas être dépourvus de toute attache familiale dans leur pays d'origine où ils ont vécu jusqu'aux âges respectifs de 49 et 43 ans et la cellule familiale peut se reconstituer dans le pays d'origine. Par ailleurs, il n'est pas établi que leur fils ne pourrait bénéficier d'une prise en charge adaptée à son état de santé dans ce pays. Dans ces conditions, les éléments invoqués ne suffisent pas à faire regarder les décisions en litige comme portant au droit de M. et Mme C... au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises ni comme ayant été prises en méconnaissance de l'intérêt supérieur de l'enfant. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit également être écarté.
8. En dernier lieu, M. et Mme C... reprennent en appel, sans apporter d'élément nouveau ni critiquer utilement les motifs de rejet qui leur ont été opposés en première instance, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur des décisions, la méconnaissance du principe du contradictoire, l'insuffisance de motivation, l'absence d'examen particulier de leur situation personnelle, la méconnaissance du droit d'être entendu, les décisions portant refus de séjour sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation, les décisions portant obligation de quitter le territoire sont fondées sur des décisions de refus de séjour illégales, les décisions refusant un délai de départ volontaire méconnaissant les dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs à bon droit retenus par le tribunal administratif de Nancy.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande. Par suite, leur requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et Mme A... C..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Martin.
Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 22 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président,
- M. Barlerin, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 mai 2025.
La rapporteure,
Signé : N. PetonLe président,
Signé : A. Durup de Baleine
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 23NC02351