Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer le titre sollicité, ou à défaut de réexaminer sa situation et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2306363 du 15 novembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de Mme A....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée sous le n° 23NC03782 le 22 décembre 2023, Mme A..., représentée par Me Sabatakakis, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
2°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, subsidiairement de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour durant l'instruction de sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour ne pouvait être prise sans l'avis préalable de l'OFII (Office français de l'immigration et de l'intégration) ; la préfète du Bas-Rhin s'est à tort crue en situation de compétence liée ; la décision est entachée d'erreur de fait et révèle l'absence d'examen sérieux de sa situation et de celle de son fils ; l'autisme dont son fils est atteint constitue un motif exceptionnel d'admission au séjour ; le tribunal a entaché son jugement d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'état de santé de son fils fait obstacle à une mesure d'éloignement, la préfète du Bas-Rhin n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation avant de prendre une obligation de quitter le territoire français à son encontre ; l'obligation de quitter le territoire français ne pouvait légalement être prise sans avis préalable de l'OFII ; l'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et est contraire à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de destination est fondée sur une décision de refus de titre de séjour illégale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2024, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Guidi, présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... A... épouse B..., ressortissante géorgienne née en 1987, est entrée en France en 2010 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 19 avril 2014. Le 20 octobre 2020, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 11 mars 2021, la préfète du Bas Rhin a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination. Par un jugement rendu par le tribunal administratif de Strasbourg le 22 juin 2021, cet arrêté a été annulé pour vice de procédure, faute pour la préfète du Bas-Rhin d'avoir au préalable saisi pour avis la commission du titre de séjour alors que la requérante résidait en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué. Par un arrêté du 24 janvier 2023 la préfète du Bas-Rhin a de nouveau refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement du 15 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ". Aux termes de l'article L. 425-10 du même code : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. (...) Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9 ".
3. En premier lieu, d'une part, il ressort des termes mêmes de la décision de refus de titre de séjour opposée à la demande de Mme A... sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la préfète du Bas-Rhin a procédé à un examen particulier de sa situation et a tenu compte, notamment, de l'autisme dont son fils de six ans est atteint et a exercé son pouvoir d'appréciation sur la situation de l'intéressée. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète du Bas-Rhin se serait à tort crue en situation de compétence liée doit être écarté.
4. D'autre part, si Mme A... a fait valoir la situation de handicap de son fils âgé de six ans atteint d'autisme et bénéficiant à ce titre d'une prise en charge pluridisciplinaire sur le plan médical et sur le plan scolaire, il ressort cependant des pièces du dossier qu'elle a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers relatif à l'admission exceptionnelle au séjour et non sur le fondement de l'article L. 425-10 du même code relatif aux titres de séjour pour raisons de santé. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour est entachée de vice de procédure en l'absence d'avis préalable du collège des médecins de l'OFII doit être écarté comme inopérant.
5. D'autre part, pour refuser de délivrer à Mme A... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète du Bas-Rhin lui a opposé qu'elle ne prouvait pas avoir résidé en France de manière continue entre 2010 et 2014. Si Mme A... soutient que ce motif est contraire au jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 22 juin 2021, qui avait considéré que la durée du séjour en France de l'intéressée durant plus de dix ans, justifiait la consultation de la commission du titre de séjour avant que l'autorité administrative ne prenne une décision sur la demande de titre de séjour du 7 octobre 2020, il ressort cependant des termes de la décision en litige, qui au demeurant a été précédée de la consultation de la commission du titre de séjour, que la préfète du Bas-Rhin lui a également opposé le motif tiré de la situation irrégulière de son époux en France, de l'absence de situation répondant à des considérations humanitaires au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile tenant à la seule situation de handicap de son fils âgé de six ans, en relevant qu'il pourra poursuivre sa scolarité en Géorgie où il pourra également bénéficier d'une prise en charge. Il ressort des pièces du dossier que, en tout état de cause, la préfète du Bas-Rhin aurait pris la même décision si elle n'avait pas opposé à Mme A... l'absence de résidence continue en France entre 2010 et 2014. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision méconnaitrait l'autorité de la chose jugée et serait entachée d'erreur de fait doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Mme A... fait valoir qu'elle vit en France depuis treize ans, qu'elle a rompu tout lien avec les membres de sa famille restés en Géorgie et que son fils, qui est atteint d'un trouble du spectre autistique associé à un retard global de développement, bénéficie d'un suivi médico-éducatif en France depuis 2018. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la durée de son séjour en France résulte uniquement du maintien irrégulier de l'intéressée sur le territoire français en dépit du rejet de sa demande d'asile en 2014 et qu'elle n'a jamais bénéficié d'un titre de séjour. Par ailleurs, si son enfant, né en France en 2016, y est scolarisé depuis 2019 et bénéficie depuis plusieurs années d'un suivi pluridisciplinaire dans le cadre du dispositif d'accompagnement et de soins coordonnés pour l'autisme, il n'est pas établi que cet enfant ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge appropriée à son handicap dans son pays d'origine. Il ressort également des pièces du dossier que l'époux de Mme A... a également fait l'objet d'une mesure d'éloignement et ne bénéficie d'aucun droit au séjour en France. Ainsi rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer en Géorgie. Si Mme A... se prévaut d'un contrat à durée indéterminée en qualité de femme de chambre dans un hôtel à temps partiel, cet engagement n'était signé que depuis un mois à la date de la décision attaquée. Par suite, eu égard aux conditions de son séjour en France et alors qu'elle dispose d'attaches familiales dans son pays d'origine, la préfète du Bas-Rhin n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision critiquée a été prise.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. Si Mme A... fait valoir que la décision de refus de titre de séjour est contraire à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant compte tenu du trouble du spectre de l'autisme dont est atteint son fils, de sa prise en charge pluridisciplinaire en France et d'une reconnaissance de son handicap par la MDPH, il n'est pas établi que cet enfant ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge appropriée à son handicap dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour est contraire à l'intérêt supérieur de son fils au sens des stipulations précitées doit être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
11. Si Mme A... soutient qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement en raison de l'état de santé de son fils qui est atteint d'un trouble du spectre de l'autisme et qui bénéficie d'une prise en charge médico-sociale en France, il ne ressort cependant pas des pièces du dossier qu'il ne pourrait bénéficier d'une prise en charge appropriée en Géorgie, ni que le défaut de soin pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité au sens des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux développés aux points 7 et 9, l'obligation de quitter le territoire français ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme A... et ne porte pas atteinte à l'intérêt supérieur de son fils au sens de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
13. Mme A... n'établit pas l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et ses conclusions relatives aux frais de l'instance doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- Mme Guidi, présidente-assesseure,
- M. Michel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mai 2025.
La rapporteure,
Signé : L. GuidiLe président,
Signé : M. Wallerich
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
I. Legrand
N° 23NC0378202