Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2023 par lequel le préfet de la Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 2400125 du 21 mars 2024, le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir admis provisoirement M. B... à l'aide juridictionnelle, a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 juin 2024, M. B..., représenté par Me Sabatakakis, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2400125 du 21 mars 2024 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 13 décembre 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une carte de séjour ou de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros HT à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que le préfet de la Moselle s'est estimé en situation de compétence liée pour refuser de l'admettre au séjour ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions des articles L. 811-2 et R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 47 du code civil ;
- elle méconnaît l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 juillet 2024, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lusset a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., se disant ressortissant malien né le 5 juin 2002 et déclarant être entré en France le 23 mars 2018, a été pris en charge par le centre départemental de l'enfance en exécution d'une ordonnance de placement provisoire du 3 avril 2018. Il a sollicité le 26 août 2019 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 13 décembre 2023, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement du 21 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. M. B... a soutenu en première instance que, s'il n'entrait pas dans le champ d'application de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il revenait alors au préfet d'examiner sa situation au regard de l'article L. 435-3 de ce code. Les premiers juges ont répondu à ce moyen en indiquant que M. B... ayant présenté une demande de titre de séjour en tant que jeune majeur pris en charge par l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans, il ne pouvait utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui concernent les étrangers dont la prise en charge par l'aide sociale à l'enfance n'est intervenue qu'à l'âge de seize ans révolu. Ainsi, et alors qu'il ne ressort nullement des écritures de première instance du requérant qu'il aurait entendu soulever un moyen tiré de ce que le préfet de la Moselle s'est à tort estimé en situation de compétence liée à cet égard, le jugement contesté n'est entaché d'aucune omission à statuer, et n'est par suite pas irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
3. Aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française ".
4. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article L. 421-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié au plus tard le jour de ses seize ans au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française.
5. Pour refuser de délivrer un titre de séjour au requérant, le préfet de la Moselle s'est fondé, d'une part, sur le fait que l'intéressé n'établissait ni son état civil ni son identité et, d'autre part, sur l'absence de caractère réel et sérieux de sa formation.
6. En premier lieu, M. B... se prévaut de son insertion professionnelle, en faisant valoir qu'il a commencé à travailler dans le cadre de ses contrats d'apprentissage entre juillet 2019 et septembre 2023, qu'il a ensuite été employé, en contrats à durée déterminée puis en contrat à durée indéterminée au sein d'une société de construction de maisons individuelles entre octobre 2021 et décembre 2023, et que, à la suite de la liquidation judiciaire de cette société, il a été recruté en contrat à durée déterminée au sein d'une entreprise paysagiste. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, au cours de sa scolarité en certificat d'aptitude professionnelle (CAP) de boulanger en 2019-2020 et 2020-2021, l'intéressé a obtenu des appréciations et des résultats très moyens. Il est d'ailleurs constant que M. B... a échoué à l'examen en obtenant une moyenne de 7,84/20, et n'a ainsi pas obtenu son diplôme. Dans ces conditions, à supposer même que le requérant justifiait bien de son identité et de son âge, le préfet pouvait, pour ce seul motif tiré de l'absence du caractère réel et sérieux de sa formation, et sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, lui refuser le séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En deuxième lieu, comme l'ont relevé les premiers juges, il résulte de l'instruction que le préfet de la Moselle aurait pris la même décision en se fondant sur les seules dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans se référer à la menace pour l'ordre public que représenterait la présence en France de M. B.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permettent de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger dont la présence sur le territoire représente une menace pour l'ordre public, doit être écarté.
8. En troisième lieu, M. B... ne justifie d'aucun lien stable et intense en France alors qu'il n'est pas contesté que ses parents, son frère et sa sœur résident dans son pays d'origine. Si l'intéressé a exercé une activité professionnelle depuis 2021, outre son inscription en contrat d'apprentissage entre 2019 et 2021, qui ne lui a pas permis de valider sa formation ainsi qu'il a été exposé précédemment, cette circonstance est insuffisante à considérer que le préfet de la Moselle a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle. Par suite, le moyen soulevé en ce sens doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ne peut qu'être écarté.
10. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Moselle a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ne peut en tout état de cause qu'être écarté.
12. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) ".
13. En application des dispositions de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet peut, dans le respect des principes constitutionnels et conventionnels et des principes généraux du droit, assortir une obligation de quitter le territoire français pour l'exécution de laquelle l'intéressé dispose d'un délai de départ volontaire, d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans, en se fondant pour en justifier tant le principe que la durée, sur la durée de sa présence en France, sur la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, sur la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et sur la menace à l'ordre public que représenterait sa présence en France.
14. M. B... ne justifie pas d'attaches privées ou familiales sur le territoire national. Dans ces conditions, en l'absence de circonstances humanitaires, et en dépit de l'absence de menace pour l'ordre public que représenterait sa présence en France et d'une précédente mesure d'éloignement, le préfet de la Moselle a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par suite, ce moyen doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des frais d'instance, doivent être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Sabatakakis.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Barteaux, président,
- M. Lusset, premier conseiller,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.
Le rapporteur,
Signé : A. LussetLe président,
Signé : S. Barteaux
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
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N° 24NC01550