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06/05/2025 | FRANCE | N°22NC01933

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 06 mai 2025, 22NC01933


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... E... et Mme A... C..., épouse E..., ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite par laquelle la préfète du Bas-Rhin a rejeté leur demande du 21 septembre 2020 tendant à ce qu'elle fasse usage de ses pouvoirs de police afin de remédier aux problèmes d'amiante impactant les toitures de l'exploitation bovine dont ils sont les voisins et d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de mettre en œuvre, à titre principal, les dispositions

de l'article L. 1334-16-2 du code de la santé publique ou, à titre subsidiaire, celles ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... et Mme A... C..., épouse E..., ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite par laquelle la préfète du Bas-Rhin a rejeté leur demande du 21 septembre 2020 tendant à ce qu'elle fasse usage de ses pouvoirs de police afin de remédier aux problèmes d'amiante impactant les toitures de l'exploitation bovine dont ils sont les voisins et d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de mettre en œuvre, à titre principal, les dispositions de l'article L. 1334-16-2 du code de la santé publique ou, à titre subsidiaire, celles de l'article L. 1334-15 du même code.

Par un jugement n° 2100131 du 17 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir admis l'intervention volontaire de M. D..., a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 juillet 2022, M. et Mme E..., représentés par Me Houver, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2100131 du 17 mai 2022 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la préfète du Bas-Rhin a rejeté leur demande du 21 septembre 2020 tendant à ce qu'elle fasse usage de ses pouvoirs de police afin de remédier aux problèmes d'amiante impactant les toitures de l'exploitation bovine dont ils sont les voisins ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de mettre en œuvre, à titre principal, les dispositions de l'article L. 1334-16-2 du code de la santé publique ou, à titre subsidiaire, celles de l'article L. 1334 15 du même code ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise la préfète du Bas-Rhin en estimant qu'il n'y avait pas de danger grave et immédiat pour le voisinage du fait de la présence d'amiante dans le bâtiment de l'exploitation bovine dont ils sont voisins ; la gravité de l'atteinte à la santé est corroborée par les constatations de l'expertise judiciaire du 13 avril 2012 ;

- la préfète a commis une erreur de droit en ne faisant pas usage des prérogatives qu'elle détient des articles L. 1334-16-2 et L. 1334-15 du code de la santé publique ;

- elle a omis de faire application du principe de précaution tel que garantit par la Charte de l'environnement.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2023, le ministre de la santé et de la prévention conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'il s'en remet aux écritures en défense de première instance de la préfète du Bas-Rhin.

Par un mémoire en observations, enregistré le 30 octobre 2023, M. D..., représenté par Me Karm, conclut à la confirmation du jugement et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme E....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte de l'environnement ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- et les conclusions de M. Denizot, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M et Mme E..., demeurent à Dinsheim-sur-Bruche et sont les voisins immédiats de l'exploitation bovine de M. F... D.... Estimant encourir des risques liés à la présence d'amiante dans les toitures des bâtiments de cette exploitation, ils ont demandé à la préfète du Bas-Rhin, par un courrier du 21 septembre 2020, de faire usage de ses prérogatives de police au titre de l'article L. 1334-16-2 du code de la santé publique. Du silence gardé sur cette demande est née une décision implicite de rejet dont M. et Mme E... ont demandé l'annulation devant le tribunal administratif de Strasbourg. M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 17 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, il ressort des termes de la demande des requérants du 21 septembre 2020, adressée à la préfète du Bas-Rhin, qu'ils ont uniquement sollicité qu'elle mette en œuvre les pouvoirs qu'elle détient au titre de l'article L. 1334-16-2 du code de la santé publique. Dans ces conditions, et en l'absence de refus, implicite ou explicite, de la préfète de mettre en œuvre les pouvoirs qui lui appartiennent au titre d'autres dispositions de ce même code, et en particulier de l'article L. 1334-15, le moyen tiré de ce que la préfète du Bas-Rhin aurait commis une erreur de droit en refusant de prendre une mesure sur le fondement de l'article L. 1334-15 du code de la santé publique doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1334-16-2 du code de la santé publique : " Si la population est exposée à des fibres d'amiante résultant d'une activité humaine, le représentant de l'Etat dans le département peut, en cas de danger grave pour la santé, ordonner, dans des délais qu'il fixe, la mise en œuvre des mesures propres à évaluer et à faire cesser l'exposition. Faute d'exécution par la personne responsable de l'activité émettrice, le représentant de l'Etat dans le département y procède d'office aux frais de celle-ci. La créance publique est recouvrée comme en matière de contributions directes ".

4. En se bornant à produire un rapport d'expertise judiciaire du 13 avril 2012, qui mentionne seulement des troubles de voisinage liés à l'exploitation bovine, sans relever un quelconque risque lié à la présence d'amiante, les requérants n'établissent pas encourir un risque lié à la toiture en fibrociment de l'exploitation bovine, dont ils sont les voisins. Les photographies montrant que des pans de toitures comportent des plaques de fibrociment ne permettent pas davantage d'attester de l'existence d'un danger lié à l'exposition des personnes à l'amiante. Il s'ensuit que le refus de la préfète du Bas-Rhin de mettre en œuvre les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1334-16-2 du code de la santé publique ne repose pas sur une appréciation manifestement erronée du danger grave pour la santé que présenterait la toiture en fibrociment des voisins des requérants.

5. Enfin, aux termes de l'article 5 de la charte de l'environnement dispose : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ".

6. Les requérants n'établissent pas l'existence d'éléments de nature à accréditer un risque de dommage grave et irréversible pour l'environnement qui justifierait, en l'espèce, l'application du principe de précaution. Par suite, ce moyen, au demeurant non assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé, doit être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg, a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, au titre des frais exposés par M. et Mme E... et non compris dans les dépens.

9. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. D..., qui, mis en cause par la cour, doit être regardé comme observateur et non comme partie dans la présente instance, dès lors qu'il n'aurait pas eu, à défaut d'être présent, qualité pour faire tierce-opposition à la présente décision.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., à Mme A... C..., épouse E... et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Copie en sera adressé au préfet du Bas-Rhin et à M. D....

Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Barteaux, président,

- M. Lusset, premier conseiller,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.

La rapporteure,

Signé : S. Roussaux Le président,

Signé : S. Barteaux

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

N° 22NC01933


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01933
Date de la décision : 06/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BARTEAUX
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. DENIZOT
Avocat(s) : HOUVER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-06;22nc01933 ?
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