Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 28 avril 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.
Par un jugement n° 2301841 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 janvier 2024 et le 28 mars 2024, M. B... A..., représenté par Me Corsiglia, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 12 octobre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 avril 2023 du préfet de Meurthe-et-Moselle ;
3°) d'enjoindre à la préfète de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à venir et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le jugement contesté est entaché d'erreurs de droit, de fait et d'appréciation ;
- en relevant des incohérences dans son discours en ce qui concerne la temporalité de son voyage jusqu'en France, ainsi qu'un détournement de procédure, le préfet a ajouté une condition supplémentaire non prévue par les textes pour refuser de délivrer le titre de séjour demandé sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a ainsi commis une erreur de droit et de fait ;
- les documents qu'il a produit à l'appui de sa demande suffisent à établir son identité ;
- il justifie du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation ;
- il n'est plus en lien avec sa famille ;
- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre ;
- la décision fixant le pays de destination doit être par voie de conséquence, en ce qu'elle a été prise en application d'un refus de titre et d'une obligation de quitter le territoire illégaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2024, la préfète
de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Berthou,
- et les observations de Me Corsiglia, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 10 février 2004 à Matoto, entré en France irrégulièrement en juin 2019, demande à la cour d'annuler le jugement du 12 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 28 avril 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.
Sur la régularité du jugement :
2. Les moyens tirés de ce que le tribunal aurait entaché sa décision d'erreurs de droit, de fait et d'appréciation se rattachent au bien-fondé du jugement et ne sont pas susceptibles d'affecter sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, si l'arrêté contesté relève l'existence d'incohérences dans le discours de M. A... en ce qui concerne la chronologie de son voyage jusqu'en France ainsi qu'un détournement de procédure, ce motif ne se rattache pas à celui retenu par le préfet pour refuser à l'intéressé le titre qu'il sollicitait sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens qualifiés d'erreur de droit et de fait par M. A... doivent être écartés.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Et l'article 47 du code civil dispose : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Par ailleurs, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.
5. Afin de justifier de son identité et de son état civil, M. A... produit un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance n° 10610 établi le 8 décembre 2020. Si le rapport d'examen technique documentaire du 11 août 2022, établi par la cellule de la fraude documentaire de la direction zonale de la police aux frontières Est, relève que ce document n'est pas sécurisé et qu'il ne contient ni les informations essentielles prévues à l'article 116 du code de procédure civile, économique et administrative guinéen, ni la formule exécutoire conforme à l'article 115 de ce code et ne respecte pas les dispositions des articles 331 à 333 prévoyant la convocation des témoins au moins huit jours avant la date de l'enquête, ces seuls éléments ne sont pas de nature à établir le caractère frauduleux du jugement supplétif, ni à remettre en cause l'authenticité de la copie intégrale de l'acte de naissance de l'intéressé dressé suivant ce jugement. M. A... produit également un certificat de nationalité du 8 décembre 2020 qui ne saurait être regardé comme frauduleux au seul motif qu'il ne précise pas la nationalité des parents. Il produit enfin une carte d'identité consulaire ainsi qu'une attestation d'authenticité établie par l'ambassade de Guinée en France datée du 16 juin 2023. Il s'ensuit que le préfet de Meurthe-et-Moselle a fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que M. A... ne justifiait pas de son état civil.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française. ".
7. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française.
8. M. A... a été confié à l'aide sociale à l'enfance du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle par une ordonnance d'ouverture de tutelle d'État en date du 2 août 2019 du tribunal de grande instance de Nancy. Il ressort des pièces du dossier qu'il était inscrit en première année d'un CAP de production et service en restauration lors de l'année
scolaire 2021-2022, avant de se réorienter en boulangerie lors de l'année scolaire 2022-2023. Si certaines appréciations littérales des enseignants soulignent des efforts et un élève sérieux, d'autres relèvent un manque d'investissement et de travail, des absences de note du fait d'absences et un défaut de régularité. S'agissant plus particulièrement de l'année 2022-2023, certains enseignants ont proposé un soutien à M. A... sans qu'aucune pièce au dossier ne montre qu'il s'en serait saisi. Sa moyenne générale au premier semestre de l'année 2022/2023 s'élevait à 7,54 sur 20, certaines matières n'étaient pas notées et son appréciation générale l'encourageait à poursuivre ses efforts. Ainsi, si l'intéressé donne entièrement satisfaction dans son travail en milieu professionnel, explique une partie de ses absences en cours par un surcroît de travail en entreprise et tente de pallier ses difficultés linguistiques en se faisant suivre par un orthophoniste, le caractère réel et sérieux du suivi de sa formation au lycée n'est pas établi. Par ailleurs, l'intéressé dispose d'attaches dans son pays d'origine où résident son frère et sa mère qui ont activement participé à l'organisation de son voyage vers la France. Enfin, si le rapport de fin de minorité du 15 janvier 2022 relève les efforts pour mener à bien son projet professionnel et pour surmonter ses troubles liés au langage, il est très mesuré sur la réalité de l'insertion de l'intéressé dans la société française. Dans ces conditions, à supposer même que l'intéressé ne serait plus en lien avec sa famille et sans remettre en cause les efforts dont a fait montre l'intéressé depuis son arrivée en France, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il résulte de l'instruction que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ce seul motif.
En ce qui concerne les autres décisions :
9. Il résulte de ce qui précède que les moyens d'exception d'illégalité soulevés à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination ne peuvent qu'être écartés.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de Meurthe et Moselle du 28 avril 2023, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Berthou, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2025.
Le rapporteur,
Signé : D. BERTHOULe président,
Signé : Ch. WURTZ
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 24NC00189 2