Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 10 septembre 2021 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a annulé la décision du 25 mars 2021 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle 2 du Bas-Rhin avait refusé à son employeur l'autorisation de son licenciement et a autorisé la société Domitys à la licencier pour faute disciplinaire.
Par un jugement n° 2108563 du 14 février 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 avril 2023, Mme B..., représentée par Me Condello, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 février 2023 ;
2°) d'annuler la décision de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion du 10 septembre 2021 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le grief tiré de l'absence de prise en charge d'une résidente de l'établissement, Mme A..., le 26 septembre 2020 n'est pas établi ;
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'elle n'avait pas respecté les procédures de qualité de l'accueil ; à cet égard, la montre Vivago d'une résidente laissée en charge à l'accueil sans être remplacée ne constitue pas une faute dès lors que son employeur ne vérifie pas le bon fonctionnement de ces montres et que plusieurs salariés ne les utilisent pas ; le défaut d'édition de la liste des personnes à mobilité réduite ne révèle pas une faute de sa part dès lors qu'il s'agit d'un fait unique et que la direction avait connaissance de fautes similaires par d'autres salariés ; l'absence de renseignement de la chute de Mme A... dans le logiciel dédié ne constitue pas une faute dès lors qu'elle avait indiqué qu'il n'y avait rien à signaler puisque l'état de cette résidente était stable après sa chute ; à cet égard, le fait que son employeur se fonde sur le seul témoignage de Mme M. ne saurait suffire à caractériser une faute ; les premiers juges auraient dû prendre en compte le défaut d'organisation du service de l'accueil ainsi que les négligences de ses collègues ; le manque de formation et de personnel conduit à des erreurs quotidiennes ;
- en indiquant que les faits reprochés n'étaient pas d'une importante gravité mais qu'ils auraient pu avoir des conséquences d'une extrême gravité, les premiers juges n'ont pas suffisamment motivé la réponse au moyen tiré de ce qu'elle n'a pas violé les procédures de qualité de l'accueil ;
- la décision attaquée est irrégulière dès lors que la ministre du travail ne démontre pas que le recours hiérarchique de la société a bien été joint au courrier du 25 mai 2021 ;
- la ministre du travail a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que les griefs invoqués à son encontre présentaient une gravité suffisante qui justifiait son licenciement ;
- le décalage de cinq minutes, sans autorisation, de son temps de pause méridien, le 27 septembre 2020, n'a causé aucun préjudice au bon fonctionnement du service de l'accueil ;
- l'appel privé du 16 octobre 2020, qui n'a eu aucun impact sur le fonctionnement du service de l'accueil, ne constitue pas une faute ;
- les erreurs de facturation ne justifient pas son licenciement dès lors qu'elle n'a reçu aucune formation relative à ses fonctions d'agent d'accueil ou administratives en méconnaissance des dispositions de l'article L. 6321-1 du code du travail ;
- il ne peut pas lui être reproché de n'avoir pas aidé aux services du soir les 13 et 16 octobre 2020 dès lors qu'elle était surchargée à cette date et qu'elle ne pouvait pas être remplacée ; elle s'est au contraire montrée très disponible et dévouée pendant la pandémie de la Covid 19 ; elle a toujours donné satisfaction sur son ancien poste ;
- aucune entrave au bon fonctionnement du service n'est démontrée par la ministre du travail alors qu'il ressort de l'enquête administrative menée par l'inspection du travail que d'autres salariés ont commis des fautes ;
- elle ne doit pas subir les conséquences du manque de personnel, n'étant pas responsable des carences de la direction à mettre en œuvre les moyens adéquats qui permettraient de garantir l'efficience du service.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2024, la société Domitys, représentée par la SELAS Barthélémy, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Laurence Stenger, première conseillère,
- les conclusions de Mme Cyrielle Mosser rapporteure publique,
- et les observations de Me Condello pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Madame C... a été embauchée par la société Domitys SAS dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 13 septembre 2017 en qualité d'" Assistante comptable fournisseurs et opérations courantes ". A sa demande, l'intéressée a été mutée à compter du 10 septembre 2018, au sein d'un établissement de la société Domitys Est, situé à Oberhausbergen, exploitant une résidence services pour personnes âgées, en qualité de " Secrétaire administrative et comptable ". Elle occupait un poste à l'accueil de cet établissement. Par un courrier du 7 janvier 2021, la société Domitys a demandé l'autorisation de licencier pour faute disciplinaire Mme B..., salariée protégée en sa qualité de membre du comité économique et social et représentante de proximité pour la région Est. Elle était également membre de la commission santé, sécurité et conditions de travail et membre de la commission formation. Par une décision du 25 mars 2021, l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle 2 du Bas-Rhin a refusé cette autorisation. Par une décision du 10 septembre 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a annulé cette décision du 25 mars 2021 et a autorisé la société Domitys à licencier Mme B... pour faute. La requérante relève appel du jugement du 14 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 septembre 2021.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Il ressort des pièces du dossier que les premiers juges, qui n'avaient pas à répondre à tous les arguments de la requérante ont répondu de manière suffisamment motivée à l'ensemble des moyens contenus dans les écritures produites par l'intéressée y compris le moyen tiré de ce qu'elle n'aurait pas méconnu les procédures de qualité de l'accueil. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 10 septembre 2021 :
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 25 mai 2021, l'inspectrice du travail de la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités du Grand Est a communiqué en pièce jointe le recours hiérarchique formé par la société Domitys à Mme B... et l'a invitée à se présenter à l'enquête contradictoire. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
5. En deuxième lieu, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
6. Pour autoriser le licenciement de Mme B..., la ministre du travail a considéré d'une part, qu'elle n'avait pas respecté certaines procédures relatives à la qualité de l'accueil, à savoir, le fait d'avoir laissé en charge, le 7 octobre 2020, une montre Vivago sans avoir procédé à son remplacement auprès du résident qui ne disposait par conséquent d'aucun dispositif d'alerte en cas d'urgence, le fait de ne pas avoir établi, le 13 octobre 2020, la liste des " personnes à mobilité réduite " au risque que ces dernières ne soient pas identifiées en cas de nécessité d'évacuation générale et enfin l'absence de saisie dans le système informatique Progisap, le 6 octobre 2020, de l'évolution de l'état d'une résidente à la suite d'une chute s'agissant de la troisième saisie à plus de 3 heures. Elle a d'autre part, considéré que la requérante n'avait pas respecté ses horaires de travail, en décalant, sans autorisation, sa pause méridienne le 27 octobre 2020 et en répondant, pendant son temps de travail, à un appel privé. Enfin, la ministre du travail a estimé qu'étaient établies les erreurs de facturation concernant un séjour temporaire le 6 octobre 2020 ainsi que le refus de l'intéressée d'aider lors du service du soir les 13 et 16 octobre 2020, ce qui traduisait un manque d'esprit d'équipe.
7. Si la requérante soutient que le grief tiré de l'absence de prise en charge d'une résidente de l'établissement à la suite d'une chute le 26 septembre 2020 n'est pas établi, il ressort des pièces du dossier, particulièrement de la décision attaquée du 10 septembre 2021 que ce grief n'a pas été retenu par la ministre du travail. Par suite, ce moyen doit être écarté comme inopérant.
8. Mme B... soutient, s'agissant du premier grief, qu'elle n'a commis aucune faute lors de l'application des procédures de qualité de l'accueil. Elle se prévaut d'abord du fait que son employeur ne vérifiait pas le bon fonctionnement des montres Vivago et que plusieurs salariés ne les utilisaient pas. Cependant, ces arguments, au demeurant non démontrés, sont sans incidence sur la qualification de la faute qu'elle a commise en ne respectant pas l'obligation qui lui incombait à ce titre. Il en est de même s'agissant de l'oubli fautif de la requérante d'éditer la liste des personnes à mobilité réduite, nonobstant la circonstance qu'il s'agit d'un fait unique et que la direction aurait eu connaissance de fautes similaires par d'autres salariés, ce qui n'est au demeurant pas démontré. Concernant l'absence de renseignement de la chute d'une résidente dans le système informatique Progisap, Mme B... ne saurait soutenir qu'elle ne constitue pas une faute en se prévalant de ce que l'état de la résidente était stable dès lors que la société Domitys démontre au contraire qu'il s'agissait d'une obligation afférente aux missions exercées par la requérante au sein du service de l'accueil. A cet égard, il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient l'intéressée, que des erreurs quotidiennes étaient commises au sein de l'établissement en raison d'un défaut d'organisation du service de l'accueil, de négligences de ses collègues et d'un manque de formation et de personnel.
9. Concernant le deuxième grief relatif au non-respect des horaires de travail, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a décalé, le 27 septembre 2020, sa pause méridienne, sans autorisation et sans prévenir sa hiérarchie. Si la requérante soutient qu'il ne s'agissait que d'un décalage de cinq minutes qui n'a causé aucun préjudice au bon fonctionnement du service de l'accueil et que c'est en raison d'un manque de personnel qu'elle a été dans l'obligation de décaler sa pause de trente minutes entre 13 heures 15 et 13 heures 45, elle n'en justifie pas en se bornant à produire un planning comportant des annotations manuscrites faisant état d'un manque de personnel alors que ce document indique au contraire que sa pause était prévue de 11 heures 15 à 11 heures 45. Par ailleurs, la requérante ne conteste pas qu'elle a répondu à un appel privé sur son lieu de travail le 16 octobre 2020.
10. Enfin, la requérante ne conteste pas utilement la matérialité du troisième grief relatif à des erreurs de facturation, en se bornant à soutenir que d'autres salariés commettaient des erreurs identiques et qu'elle n'aurait pas bénéficié de formation en la matière, ce qui n'est au demeurant pas démontré. En outre, Mme B... a reconnu avoir refusé d'aider l'équipe du soir les 13 et 16 octobre 2020 alors que cette aide avait été convenue en réunion d'équipe. A cet égard, si elle se prévaut du fait qu'elle était surchargée à cette date et qu'elle ne pouvait pas être remplacée, elle n'en justifie pas. C'est donc à juste titre que la ministre a considéré que ces faits étaient fautifs, nonobstant la circonstance alléguée qu'elle a été disponible pendant la pandémie de la Covid 19 et qu'elle a toujours donné satisfaction sur son ancien poste.
11. En troisième lieu, si comme l'a estimé la ministre du travail, ces griefs, pris isolément, ne présentaient pas un caractère de gravité suffisante justifiant le licenciement de Mme B..., ils révèlent toutefois, dans leur ensemble, par leur ampleur, leur répétition et le fait qu'ils sont intervenus sur une courte période, des négligences dans l'exercice de ses missions. A cet égard, l'argumentation de la requérante, principalement articulée autour du fait, non démontré, que des fautes identiques étaient commises par ses collègues, traduit une mauvaise appréhension des conséquences de ses erreurs sur la sécurité et la santé des résidents. Surtout, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a déjà fait l'objet de plusieurs sanctions disciplinaires pour des manquements similaires à ses obligations professionnelles. Ainsi, lui a été infligé un avertissement le 7 décembre 2018 au motif qu'elle avait quitté son poste de travail à vingt heures, sans prévenir la direction ni s'assurer de la présence de l'astreinte de nuit, alors qu'elle était la seule en poste au sein de l'établissement. Par ailleurs, la requérante a fait l'objet d'un second avertissement le 25 février 2019 pour avoir délaissé un résident souffrant alors que la prise en charge de ce dernier relevait de ses fonctions. En outre, un rappel lui a été notifié le 11 janvier 2019 au motif qu'une résidente s'était plainte de son comportement à son égard. Et enfin, son employeur lui a infligé une mise à pied disciplinaire d'une journée, le 28 juillet 2020, en raison d'un comportement inadapté vis-à-vis des résidents et de leur famille, d'un comportement inapproprié à l'égard de ses collègues et du non-respect de ses horaires de travail ainsi que des règles sanitaires pendant la période de la Covid 19. Dans ces conditions, compte tenu de la succession de fautes commises par l'intéressée alors que des sanctions lui avaient été antérieurement infligées pour des faits similaires, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que la ministre du travail a autorisé la société Domitys à licencier Mme B.... A cet égard, sont inopérantes les circonstances que l'inspectrice du travail a relevé lors de l'enquête administrative que d'autres salariés avaient commis des fautes identiques et que la requérante subirait, ce qui n'est pas démontré, les conséquences d'un manque de personnel et les carences de la direction à mettre en œuvre les moyens adéquats qui permettraient de garantir l'efficience du service.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 septembre 2021 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a autorisé son licenciement pour faute. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D..., à la société Domitys et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Délibéré après l'audience publique du 20 mars 2025, à laquelle siégeaient :
M. Agnel, président,
M. Stenger, première conseillère,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 avril 2025.
La rapporteure,
Signé : L. Stenger Le président,
Signé : M. Agnel
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 23NC01146 2