Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
I. M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2023 par lequel la préfète des Vosges lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination en cas de reconduite d'office à l'issue de ce délai et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant un an.
Par un jugement n°s 2400533, 2400534, 2400535 du 2 mai 2024, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
II. M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2023 par lequel la préfète des Vosges lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination en cas de reconduite d'office à l'issue de ce délai et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant un an.
Par un jugement n°s 2400533, 2400534, 2400535 du 2 mai 2024, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
III. Mme G... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2023 par lequel la préfète des Vosges lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination en cas de reconduite d'office à l'issue de ce délai et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant un an.
Par un jugement n°s 2400533, 2400534, 2400535 du 2 mai 2024, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2024, M. A... D..., Mme G... C... et M. B... D..., représentés par Me Géhin, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 2 mai 2024 ;
2°) de faire droit à leurs demandes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- les décisions refusant le séjour sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation au regard des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les obligations de quitter le territoire français sont illégales en conséquence ;
- leurs situations n'ont pas été sérieusement examinées ;
- ces obligations méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur dans la qualification juridique ;
- elles méconnaissent l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- les décisions fixant le pays de destination méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 3 et 9 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- elles ne sont pas régulièrement motivées ;
- les interdictions de retour sur le territoire français ont été signées par une autorité incompétente ;
- elles ne sont pas régulièrement motivées ;
- elles sont illégales en conséquence de l'illégalité des obligations de quitter le territoire français ;
- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2024, la préfète des Vosges conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors qu'elle se borne à reproduire la même argumentation qu'en première instance ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
MM. D... et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions des 13 et 27 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Durup de Baleine,
- et les observations de Me Géhin, avocat de MM. D... et Mme C..., ainsi que celles de M. B... D..., de Mme C... et, à l'invitation du président de la formation de jugement, de M. H... D....
Une note en délibéré, enregistrée le 19 mars 2025, a été présentée par MM. D... et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D..., ressortissant serbe né en 1984, est arrivé sur le territoire français le 20 mars 2018, accompagné de Mme G... C..., née en 1985 et se déclarant ressortissante kosovare, sa concubine, ainsi que de leurs quatre enfants alors mineurs, H... D..., né le 8 avril 2002 en Serbie et ressortissant serbe, B... D..., né le 9 février 2004 en Serbie et ressortissant serbe, F... D..., née le 2 août 2007 en Serbie et ressortissante serbe et E... D..., née le 9 juin 2014 en Serbie et ressortissante serbe. Les demandes d'asile et de réexamen présentés par les membres de cette famille ont été rejetées par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile en 2020, 2021 et 2022. Par des arrêtés du 14 octobre 2021, le préfet des Vosges a fait obligation à M. A... D... et à Mme C... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Les recours contre ces arrêtés ont été rejetés par le tribunal administratif de Nancy le 10 décembre 2021 et la cour administrative d'appel de Nancy le 30 septembre 2022. Par un arrêté du 14 juin 2022, le préfet des Vosges a fait obligation à M. B... D... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le recours contre cet arrêté a été rejeté par le tribunal administratif de Nancy le 26 juillet 2022. M. D... et Mme C... et leur fils majeur B... s'étant néanmoins maintenus sur le territoire français, ils ont, en décembre 2022 ou février 2023, demandé la régularisation de leurs situations de séjour. Ils relèvent appel du jugement du 2 mai 2024 par lequel, joignant les demandes, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes dirigées contre les arrêtés du 14 novembre 2023 par lesquels la préfète des Vosges a refusé de leur délivrer des titres de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination en cas de reconduite d'office à l'issue de ce délai et leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant un an.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, par un arrêté du 2 octobre 2023, régulièrement publié, la préfète des Vosges a donné délégation à M. Percheron, secrétaire général de la préfecture des Vosges, à l'effet de signer, notamment, des arrêtés de la nature de ceux contestés, en toutes les décisions qu'ils comportent, notamment celles portant interdiction de retour sur le territoire français. Il en résulte que les moyens tirés de l'incompétence de ce signataire doivent être écartés.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. ".
4. Le séjour des requérants en France, remontant au mois de mars 2018, n'est pas ancien et une partie de la durée de ce séjour ne s'explique, jusqu'au mois de juillet 2020, que par l'examen par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile des demandes d'asile que M. A... D... et Mme G... C... avaient présentées, et qui ont été rejetées. La demande de réexamen présentée par M. B... D..., devenu majeur au mois de février 2022, a été rejetée par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 15 mars 2022 et la Cour nationale du droit d'asile le 27 juin 2022. Les requérants ont fait l'objet en 2021 ou 2022 de premières décisions portant obligation de quitter le territoire français, en dépit desquelles ils se sont maintenus sur ce territoire. Ils ne justifient pas d'une insertion particulière dans la société française et la cellule familiale que constituent les requérants, avec les jeunes F... et E..., s'est entièrement constituée ailleurs qu'en France, en particulier en Serbie, et peut se reconstituer ailleurs qu'en France, en particulier en Serbie, qui est le pays d'où la famille provenait en 2018, y compris Mme C..., d'ailleurs alors titulaire d'un passeport serbe. Si M. H... D..., fils aîné de M. A... D... et Mme G... C..., s'est marié avec une ressortissante française et, pour cette raison, a vu sa situation régularisée par la délivrance le 28 décembre 2022 d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", il a, ce faisant, constitué un foyer distinct et ainsi une vie privée et familiale distincte de celle de ses parents et de son frère B..., lesquels ne sont pas à la charge de M. H... D.... M. B... D... a été scolarisé en France et y a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle ainsi que suivi une formation professionnelle salariée. Toutefois, ces circonstances ne permettent pas de caractériser une insertion personnelle, par la vie privée et familiale, de l'intéressé particulièrement importante en France, alors qu'il est célibataire, n'a personne à charge et a fait l'objet en 2022 d'une première décision portant obligation de quitter le territoire français. Les filles de M. A... D... et Mme G... C... peuvent poursuivre leur scolarité ailleurs qu'en France, en particulier en Serbie et la circonstance qu'elles sont scolarisées en France, s'expliquant seulement par l'obligation scolaire d'enfants de cet âge indépendamment de la situation de séjour de leurs parents, ne caractérise pas une insertion particulière de leurs parents et de M. B... D... en France, ni des liens intenses, anciens et stables des requérants sur le territoire français. Si MM. D... font valoir leurs souhaits de s'établir en France pour y travailler, l'application de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne dépend pas légalement des souhaits de l'étranger qui en sollicite le bénéfice. Dès lors, compte tenu de la durée et des conditions du séjour des requérants en France, ils ne sont pas fondés à soutenir qu'ils disposeraient en France de liens personnels et familiaux tels que les refus d'autoriser leurs séjours porteraient à leurs droits au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs des refus. Dès lors, ils ne sont pas fondés à soutenir que l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile leur ouvraient droit à la délivrance de titres de séjour.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des termes de l'arrêté du 14 novembre 2023 concernant M. B... D..., que la préfète des Vosges a examiné la demande de régularisation présentée par ce dernier au regard tant des articles L. 421-1 et L. 421-3 que des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, soit au regard de l'ensemble des fondements utiles s'agissant d'un jeune majeur célibataire arrivé mineur en France avec, en particulier, ses parents séjournant pour leur part irrégulièrement en France. Il ressort de ces termes que la préfète a pris en considération l'ensemble des éléments pertinents pour apprécier la situation de M. B... D... et recherché s'il y avait lieu de le faire bénéficier d'une mesure de régularisation. La circonstance que la motivation de cet arrêté, qui n'a pas l'obligation d'énumérer de manière exhaustive l'ensemble des données de fait se rapportant à la situation de l'étranger, n'en fasse pas expressément mention de certains, ne permet pas d'en inférer que sa situation n'aurait pas été examinée de manière complète. Il en résulte que M. D... n'est pas fondé à soutenir que sa demande d'admission exceptionnelle au séjour n'aurait pas été valablement examinée et, en particulier, que la préfète se serait abstenue d'examiner cette demande en tant que tendant à la régularisation du séjour par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
7. Les dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont la teneur de la rédaction figurait avant le 1er mai 2021 à l'article L. 313-14 de ce code, tel qu'en vigueur à compter du 18 juin 2011, ne font pas obligation au préfet de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " et ce, à la différence de la rédaction applicable avant le 16 juin 2011. Si M. B... D... rappelle qu'une jurisprudence du Conseil d'Etat avait établi un tel ordre de priorité dans l'examen des demandes d'admission exceptionnelle au séjour, cette jurisprudence avait, toutefois, été rendue sous l'empire d'une rédaction de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile antérieure à la modification de ce texte par l'article 27 de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.
8. Il ne ressort pas des pièces des dossiers que, dans l'exercice du large pouvoir d'appréciation qu'elle tient des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète des Vosges, qui a examiné de manière sérieuse les demandes des requérants et leurs situations personnelles, sans méconnaître l'étendue de sa compétence, aurait commis une erreur manifeste en estimant que la régularisation des situations de séjour des requérants par l'admission exceptionnelle au séjour, qui constitue une mesure de faveur, ne répond pas à des considérations humanitaires et ne se justifie pas au regard de motifs exceptionnels.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
10. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de la durée et des conditions des séjours des requérants en France, comme des effets de décisions portant obligation de quitter le territoire français, la préfète des Vosges, en leur refusant la régularisation de leurs situations de séjour et en assortissant ces refus de décisions portant obligation de quitter le territoire français, aurait porté à leurs droits au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de ces décisions de refus et d'éloignement, qui, dès lors, ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces des dossiers que la préfète des Vosges, en décidant d'assortir les refus de séjour de décisions portant obligation de quitter le territoire français, alors au demeurant que les requérants sont tenus de quitter ce territoire du seul fait du rejet de leurs demandes de titre de séjour conformément aux dispositions du second alinéa de l'article L. 411-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de telles décisions de retour sur leurs situations personnelles.
12. En sixième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, de autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
13. Les filles ou sœurs mineures des requérants peuvent être scolarisées ailleurs qu'en France, l'intérêt supérieur d'un enfant ne commandant pas l'immutabilité des conditions de sa scolarisation dans un autre pays que celui dont il la nationalité. Ces deux enfants peuvent accompagner leurs parents, qui en ont la responsabilité de la garde, de l'entretien et de l'éducation, ailleurs qu'en France, en particulier en Serbie, pays d'où, ainsi qu'il ressort des passeports aux dossiers, provenaient l'ensemble de la famille en 2018, y compris Mme C.... Les décisions portant obligation de quitter le territoire français ne sont ainsi pas de nature à emporter un éclatement de cette famille. Dès lors, ces décisions n'exposent pas ces enfants à un risque particulier pour leur santé, leur sécurité, leur éducation ou leur moralité. Dès lors, elles n'en méconnaissent pas l'intérêt supérieur.
14. En septième lieu, compte tenu de ce qui a été dit quant à la légalité des refus de délivrance de titres de séjour, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français sont illégales en raison de l'illégalité de ces refus.
15. En huitième lieu, aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une décision de mise en œuvre d'une décision prise par un autre État, d'une interdiction de circulation sur le territoire français, d'une décision d'expulsion, d'une peine d'interdiction du territoire français ou d'une interdiction administrative du territoire français. ". Aux termes de l'article L. 721-4 du même code : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
16. Compte tenu de ce qui a été dit quant à la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que celles fixant le pays de renvoi sont illégales en raison de l'illégalité de ces obligations.
17. Les arrêtés contestés, qui visent notamment les articles L. 721-3 à L. 721-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, constatent que les requérants sont de nationalité serbe ou kosovare et qu'il leur est fait obligation de quitter le territoire français. Ils comportent en outre chacun l'énoncé d'un motif dédié à la fixation du pays de renvoi, motif rappelant la teneur de l'article L. 721-4 et la situation propre à chacun des requérants. Il en résulte que les décisions fixant le pays de renvoi sont régulièrement motivées.
18. L'arrêté du 14 novembre 2023 concernant M. A... D..., après avoir constaté qu'il est de nationalité serbe, prévoit, en son article 3, qu'en cas d'exécution d'office de la décision portant obligation de quitter le territoire français, il sera éloigné à destination du pays dont il a la nationalité, la Serbie, ou le Kosovo, pays dont est originaire Mme C..., ou tout pays dans lequel il est légalement admissible avec sa concubine, son fils majeur et ses enfants mineurs. Celui du 14 novembre 2023 concernant Mme C... prévoit, en son article 3 et après avoir constaté qu'elle est de nationalité kosovare, qu'en cas d'exécution d'office de la décision portant obligation de quitter le territoire français, elle sera éloignée à destination du pays dont elle a la nationalité, le Kosovo, ou la Serbie, pays dont est originaire M. A... D..., ou tout pays dans lequel elle est légalement admissible avec M. A... D... et leurs enfants mineurs. L'article 3 de l'arrêté du 14 novembre 2023 concernant M. B... D... prévoit qu'il sera éloigné à destination du pays dont il a la nationalité, la Serbie, ou le Kosovo, pays dont est originaire sa mère, ou de tout pays dans lequel il est légalement admissible.
19. Si les articles 3 des arrêtés contestés ne rappellent pas que c'est avec l'accord de l'étranger qu'il peut être éloigné d'office vers tout pays dans lequel il est admissible autre que ceux mentionnés aux 1° et 2° de l'article L. 721-4, la préfète des Vosges n'avait pas l'obligation de recopier intégralement cet article. Les arrêtés attaqués n'ont ni pour objet, ni pour effet, de faire obstacle à ce qu'en cas d'exécution d'office des requérants vers un pays dans lequel ils seraient légalement admissibles autres que ceux dont ils ont la nationalité, cette exécution d'office vers un tel pays ne puisse intervenir qu'avec l'accord de l'étranger.
20. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a déclaré être de nationalité kosovare et, conformément à cette déclaration, a été considérée comme telle par la préfète des Vosges. Il en ressort toutefois également que Mme C... n'a justifié d'aucun élément dont résulterait qu'elle serait effectivement ressortissante du Kosovo. Il en ressort, en revanche, que, née le 23 décembre 1985, elle est arrivée sur le territoire français en 2018 muni d'un passeport qui lui avait été délivré le 27 août 2010 par la République de Serbie, passeport valable jusqu'au 27 août 2020. Ce passeport, délivré près de huit ans avant l'arrivée de Mme C... en France, mentionne qu'elle est de nationalité serbe, qu'elle est née à Vucitrn, en République de Serbie, alors que Vucitrn est une localité du Kosovo, Etat toutefois non reconnue par la République de Serbie, et qu'elle réside dans la localité de Novi Sad, en République de Serbie. Elle est née à Vucitrn en 1985, avant la reconnaissance du Kosovo par la France en 2008. Il ressort également des dossiers que, le 9 août 2023, le service de l'Etat civil de la République de Serbie, et non l'autorité kosovare, a délivré un extrait de l'acte de naissance de Mme C.... Il ressort de ce passeport de Mme C..., comme de celui de son concubin et de ceux des enfants, que l'ensemble de la famille s'est rendu en France, après avoir, le 19 mars 2018, quitté la Serbie, et non le Kosovo, à Horgos, localité serbe limitrophe de la Hongrie, où cette famille est entrée le même jour, à Roszke. Enfin, Mme C... a déclaré que son père a la nationalité du Kosovo et sa mère celle de la Serbie. Si Mme C... conteste toutefois être admissible en Serbie, elle n'apporte néanmoins, à l'appui de cette simple allégation, en dépit des éléments de fait qui viennent d'être dits, aucun élément. Il en résulte qu'à supposer que Mme C... serait de nationalité kosovare ou ressortissante du Kosovo, elle est, contrairement à ce qu'elle fait valoir, admissible en Serbie, Etat dont son concubin et M. B... D... sont des ressortissants. Dès lors, l'arrêté la concernant, en ce que son article 3 compte la Serbie au nombre des destinations possibles en cas d'éloignement d'office, ne méconnaît pas le 3° de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. MM. D... étant admissibles en Serbie, comme Mme C..., il en résulte que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la fixation du pays de renvoi par les arrêtés du 14 novembre 2023 en cas d'éloignement d'office emporterait nécessairement un éclatement de la cellule familiale.
21. Il ne ressort toutefois pas des pièces des dossiers que MM. D..., ressortissants serbes, nés en 1984 et 2004 dans des localités situées en Serbie et non au Kosovo, seraient admissibles au Kosovo. Il en résulte qu'en comptant le Kosovo au nombre des destinations possibles en cas d'éloignement d'office, la préfète des Vosges a méconnu le 3° de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, il y a lieu, dans cette mesure, de réformer le jugement sur ce point et d'annuler les articles 3 des arrêtés du 14 novembre 2023, en tant qu'ils font mention du Kosovo.
22. Les fixations des pays de renvoi par les arrêtés contestés n'étant pas de nature à séparer les filles mineures de leurs parents, pas plus que de leur frère majeur B..., l'ensemble de la famille étant admissible en République de Serbie, ces fixations ne méconnaissent pas, en violation du premier paragraphe de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant, l'intérieur supérieur de ces deux mineures.
23. Les requérants ne peuvent utilement invoquer la méconnaissance des stipulations du premier paragraphe de l'article 9 de la convention relative aux droits de l'enfant, ces dernières créant seulement des obligations entre Etats.
24. Si les requérants soutiennent que les décisions fixant le pays de renvoi méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ils n'assortissent toutefois pas sur ce point leurs requêtes des précisions suffisantes pour permettre d'apprécier le bien-fondé de ce moyen.
25. En neuvième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ". Aux termes de l'article L. 613-1 de ce code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués. ". Selon l'article L. 613-2 du même code : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 et les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. ".
26. L'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. L'autorité compétente doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
27. Il ressort des termes des arrêtés contestés qu'ils comportent l'indication des considérations de droit et de fait fondant, tant en son principe qu'en sa durée, les décisions de faire interdiction aux requérants de retour sur le territoire français pendant un an. Ces motivations, qui permettent à MM. D... et Mme C... à leur seule lecture de comprendre les motifs de ces interdictions, attestent de la prise en compte de l'ensemble des critères prévus par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il en résulte que les décisions portant interdiction de retour sont régulièrement motivées.
28. Compte tenu de ce qui a été dit quant à la légalité des décisions refusant le séjour et portant obligation de quitter le territoire français, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les interdictions de retour sur le territoire français sont illégales en raison de l'illégalité de ces décisions.
29. Si les requérants, au soutien du moyen tiré de la méconnaissance par les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, renvoient aux moyens tirés d'une même méconnaissance par les décisions portant obligation de quitter le territoire français, ils n'assortissent pas dans cette mesure, compte tenu des effets propres des décisions portant interdiction de retour sur le territoire français, distinctes de celles portant obligation de quitter le territoire français, le moyen pris de cette méconnaissance par ces interdictions des précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé. S'ils ajoutent que M. H... D... est titulaire d'un titre de séjour en France, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce qu'ils puissent retrouver ses parents, son frère et ses deux sœurs ailleurs qu'en France pendant la durée des interdictions de retour sur le territoire français. Dès lors, ces dernières ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
30. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté les demandes de MM. D..., en tant que les articles 3 des arrêtés les concernant font mention du Kosovo au nombre des destinations possibles en cas d'éloignement d'office. Cette annulation partielle n'appelant aucune mesure d'exécution, il ne saurait être fait droit aux conclusions à fin d'injonction qu'ils présentent.
Sur les frais liés au litige :
31. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance et pour l'essentiel la qualité de partie perdante, le versement d'une somme à ce titre.
D E C I D E :
Article 1er : Les articles 3 des arrêtés de la préfète des Vosges n°s DCL/88-2023-OQTF-467 et DCL/88-2023-OQTF-468 du 14 novembre 2023 sont annulés en tant qu'ils comportent, le premier, les mots ", ou le Kosovo, pays dont est originaire sa concubine " et, le second, les mots ", ou le Kosovo, pays dont est originaire sa mère ".
Article 2 : L'article 1er du jugement n°s 2400533, 2400534, 2400535 du tribunal administratif de Nancy du 2 mai 2024 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié M. A... D..., à M. B... D... et à Mme G... C..., ainsi qu'au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Jean Géhin.
Copie en sera adressée à la préfète des Vosges.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président,
- M. Barlerin, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 avril 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : A. Durup de BaleineL'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
Signé : A. Barlerin
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 24NC01910