Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2024 par lequel le préfet de la Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2400420 du 11 juin 2024, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2024, M. B... A..., représenté par Me Netry, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 juin 2024 ;
2°) de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Netry de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision refusant le séjour n'est pas régulièrement motivée ;
- son dossier n'a pas été examiné et le préfet n'a pas instruit la demande d'autorisation de travail ;
- le préfet n'a pas examiné le dossier au regard de l'article 3 de l'accord franco-marocain ;
- cette décision méconnaît l'article 3 de l'accord franco-marocain ;
- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas régulièrement motivée ;
- elle est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;
- la décision fixant le pays de renvoi n'est pas régulièrement motivée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi, fait à Rabat le 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2014-1292 du 23 octobre 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Durup de Baleine a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant marocain, est, selon ses déclarations, entré sur le territoire français le 2 septembre 2019. Le 9 janvier 2023, il a saisi le préfet de la Marne d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié. Par un arrêté du 15 janvier 2024, le préfet de la Marne a rejeté cette demande et assorti ce rejet d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, laquelle fixe le pays de destination en cas de reconduite d'office à l'issue de ce délai. Il relève appel du jugement du 11 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, l'arrêté contesté énonce les considérations de droit et de fait constituant le fondement de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour. Dès lors, cette décision est régulièrement motivée. Il en résulte que, conformément aux dispositions du second alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français est régulièrement motivée. Cet arrêté, qui vise notamment l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, constate que M. A... est ressortissant marocain et qu'il lui est fait obligation de quitter le territoire français, ce dont résulte que la décision fixant le pays de destination est, de ce seul fait, régulièrement motivée.
3. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le préfet de la Marne a examiné la demande de titre de séjour en qualité de salarié de M. A... et, notamment, vérifié si M. A... disposait d'une autorisation de travail. Il en résulte que le moyen tiré du défaut de cet examen doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "salarié" éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. ". Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".
5. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 régit la délivrance de titres de séjour pour l'exercice d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un tel titre de séjour ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation de la situation d'un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
6. Aux termes de l'article L. 5221-5 du code du travail : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2. / (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-1 du même code : " I.-Pour exercer une activité professionnelle salariée en France, les personnes suivantes doivent détenir une autorisation de travail lorsqu'elles sont employées conformément aux dispositions du présent code : / 1° Etranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ; / (...) / II.-La demande d'autorisation de travail est faite par l'employeur. / (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-17 de ce code : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée au I de l'article R. 5221-1 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger. ".
7. Aux termes de l'article L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Le silence gardé pendant deux mois par l'administration sur une demande vaut décision d'acceptation. ". Aux termes de l'article L. 231-5 du même code : " Eu égard à l'objet de certaines décisions ou pour des motifs de bonne administration, l'application de l'article L. 231-1 peut être écartée par décret en Conseil d'Etat et en conseil des ministres. ". Il résulte de l'article 1er du décret du 23 octobre 2014, relatif aux exceptions à l'application du principe " silence vaut acceptation " ainsi qu'aux exceptions au délai de deux mois de naissance des décisions implicites sur le fondement du II de l'article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (ministère de l'intérieur), que la demande d'autorisation de travail présentée par un employeur en vue de l'emploi d'un salarié étranger en France est au nombre des demandes pour lesquelles le silence gardé pendant deux mois par l'administration vaut rejet de la demande.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a, le 1er février 2021, conclu un contrat de travail à durée indéterminée avec une société dont le siège est à Tinqueux, pour y exercer les fonctions de mécanicien. Cette société a, le 20 janvier 2022 et le 5 juillet 2022, saisi le préfet de la Marne de demandes d'autorisation de travail en vue de salarier M. A.... Le préfet de la Marne n'avait pas l'obligation de statuer par des décisions expresses sur ces demandes. Dès lors qu'il ne ressort pas du dossier que ces demandes auraient donné lieu à des décisions expresses, elles ont, en conséquence, fait l'objet de décisions implicites de rejet, nées, avant l'intervention de l'arrêté contesté du 15 janvier 2024, à l'issue d'un délai de deux mois. Le préfet de la Marne, par ces décisions implicites de rejet, s'est ainsi prononcé sur les demandes d'autorisation de travail présentées en 2022 par cet employeur, demandes dont il n'avait pas l'obligation de saisir au préalable pour avis la direction départementale ou régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités. Il en résulte que le requérant n'est pas fondé à soutenir que ce préfet se serait abstenu d'examiner ces demandes. Dès lors que ces demandes d'autorisation de travail avaient déjà fait l'objet de décisions implicites de rejet, le préfet de la Marne n'avait pas l'obligation, dans l'arrêté contesté du 15 janvier 2024, de faire état des demandes qui avaient été ainsi présentées et implicitement rejetées en 2022 et la circonstance que cet arrêté n'en fasse pas mention est sans influence sur l'appréciation de sa légalité.
9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, postérieurement à l'intervention de ces décisions implicites de rejet, le préfet de la Marne aurait été saisi d'une nouvelle demande d'autorisation de travail concernant M. A... et qui aurait été pendante à la date de l'arrêté contesté. La circonstance que M. A... aurait, à l'appui de sa demande de régularisation, produit la ou les demandes d'autorisation de travail présentées en janvier et juillet 2022 par son employeur n'a pas eu pour effet de saisir le préfet d'une nouvelle demande d'autorisation de travail, qui ne peut être présentée que par l'employeur. Dès lors, c'est sans erreur de droit, de fait ou d'appréciation que, pour refuser à M. A... la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " en application de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, le préfet de la Marne s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé ne disposait pas d'une autorisation de travail.
10. Les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'elles permettent l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", ne sont pas applicables aux ressortissants marocains. Il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté comme inopérant.
11. L'arrêté contesté refuse la délivrance d'un titre de séjour, et non l'enregistrement d'une demande de titre de séjour. Il en résulte que M. A... ne peut utilement se prévaloir de ce qu'au regard des dispositions de l'annexe 10 au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sa demande de titre de séjour aurait été complète, une telle circonstance n'ouvrant pas droit à la délivrance du titre demandé.
12. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des termes de l'arrêté contesté, qu'indépendamment des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 19 octobre 1987, le préfet de la Marne, pour refuser de régulariser à titre exceptionnel la situation de séjour de M. A..., ne s'est pas fondé sur la circonstance qu'il ne disposait pas d'une autorisation de travail. Il en résulte que le moyen tiré de ce que le bénéfice d'une telle mesure de régularisation n'est pas subordonné à la délivrance préalable d'une telle autorisation doit être écarté.
13. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré irrégulièrement sur le territoire français à une date dont il ne justifie pas et, selon lui, le 2 septembre 2019. Il ne justifie pas d'attaches personnelles, de nature privée et familiale, particulières en France. Il a, à compter du mois de janvier 2022, exercé en France une activité professionnelle salariée, alors qu'il n'y était pas autorisé et que les demandes d'autorisation de travail qui avaient été présentées par son employeur ont fait l'objet de décisions implicites de rejet. C'est seulement au mois de janvier 2023 que, se prévalant de ce travail irrégulier, il a sollicité du préfet de la Marne la régularisation de sa situation de séjour par la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Il ne justifie pas de considérations humanitaires et sa situation, correspondant à celle d'un ressortissant étranger arrivé irrégulièrement en France puis y ayant irrégulièrement exercé une activité salariée pendant, en l'espèce, environ un an, avant de demander la régularisation de sa situation de séjour, ne présente pas un caractère exceptionnel. Dès lors, il ne ressort pas du dossier qu'en estimant qu'il n'y avait pas lieu de faire bénéficier M. A... d'une mesure de régularisation exceptionnelle, une telle régularisation constituant une mesure de faveur au bénéfice duquel M. A... ne peut faire valoir aucun droit, le préfet de la Marne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.
14. En égard à l'objet d'une décision refusant la première délivrance d'une carte de séjour en qualité de salarié, M. A... ne peut utilement soutenir qu'en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le refus qu'il conteste porte une atteinte illégale à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il en résulte que le moyen tiré, sur ce point, d'une telle méconnaissance doit être écarté comme inopérant.
15. Compte tenu de ce qui a été dit quant à la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de ce refus. Il n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de cette obligation.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, il ne peut être fait droit aux conclusions à fin d'injonction qu'il présente.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement d'une somme à ce titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président,
- M. Barlerin, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 avril 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : A. Durup de BaleineL'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
Signé : A. Barlerin
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 24NC01828