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22/04/2025 | FRANCE | N°24NC00632

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 22 avril 2025, 24NC00632


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions implicites de rejet nées du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur ses demandes formées les 3 août 2001, 14 février 2002 et 16 juin 2002 tendant à son admission à la retraite à compter du 25 janvier 2002 pour invalidité au taux de 83, 20 % et à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité ainsi que d'une pension civile d'invalidité au taux de 50 % complétée de la majorat

ion spéciale définitive au titre de l'assistance journalière d'une tierce personne et des ra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions implicites de rejet nées du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur ses demandes formées les 3 août 2001, 14 février 2002 et 16 juin 2002 tendant à son admission à la retraite à compter du 25 janvier 2002 pour invalidité au taux de 83, 20 % et à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité ainsi que d'une pension civile d'invalidité au taux de 50 % complétée de la majoration spéciale définitive au titre de l'assistance journalière d'une tierce personne et des rappels ou arrérages dus à compter du 25 janvier 2002, ces conclusions en annulation étant assorties de conclusions à fin d'injonction et de conclusions à fin d'indemnité.

Par un jugement n° 1604215 du 3 mai 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19NC02326 du 31 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la requête de M. B... dirigée contre ce jugement du 3 mai 2019.

Par une décision n° 462067 du 12 mars 2024, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par M. B..., annulé cet arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy et renvoyé l'affaire devant la même cour.

Procédure devant la cour :

Productions présentées avant le renvoi :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 juillet 2019, 21 février et 26 juin 2020 et 15 novembre 2021, M. B..., représenté par Me Welzer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 mai 2019 ;

2°) d'annuler les décisions implicites nées du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur ses demandes formées les 3 août 2001, 14 février et 16 juin 2002 tendant à son admission à la retraite à compter du 25 janvier 2002 pour invalidité au taux de 83, 20 % et à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité ainsi que d'une pension civile d'invalidité au taux de 50 % complétée de la majoration spéciale définitive au titre de l'assistance journalière d'une tierce personne et des rappels ou arrérages dus à compter du 25 janvier 2002 ;

3°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande d'indemnité qui a été réévaluée à 200 000 euros, augmentée de 870 euros pour les mois suivants revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation à compter du 25 janvier 2002 jusqu'à la date de la régularisation de sa situation administrative par l'administration, en réparation des préjudices moraux, psychologiques et financiers et d'autres natures consécutifs aux décisions illégales de l'administration de refuser irrégulièrement de l'admettre à la retraite le 25 janvier 2002 pour incapacité permanente d'exercer ses fonctions et autre travail, de lui attribuer une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension civile d'invalidité, et de lui attribuer la majoration spéciale au titre de l'assistance journalière d'une tierce personne ;

4°) d'annuler par voie de conséquence la décision du 27 octobre 2006 prononçant sa radiation des cadres à compter du 9 février 2002 ;

5°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de le radier des cadres pour admission à la retraite à compter du 25 janvier 2002 pour invalidité dans les conditions qu'il demande ;

6°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et au ministre de l'action et des comptes publics de lui attribuer une pension d'invalidité au taux de 50 % de son dernier traitement, une rente viagère d'invalidité au taux de 83, 20 % et la majoration spéciale au titre de l'assistance d'une tierce personne, ainsi que le versement des arrérages estimés à 400 000 euros pour la période à compter du 25 janvier 2002, revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation ;

7°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 200 000 euros augmentée de 870 euros pour les mois suivants revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation à compter du 25 janvier 2002 jusqu'à la date de la régularisation de sa situation par l'administration en réparation des troubles moraux, psychologiques, et financiers ;

8°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement méconnaît le principe du contradictoire faute pour le tribunal d'avoir sollicité auprès du ministère de l'intérieur des justificatifs à l'appui de ses allégations erronées ;

- le jugement est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- sa requête est recevable, l'autorité de la chose jugée n'y faisant pas obstacle ;

- en raison de son incapacité permanente à l'exercice de ses fonctions au 25 janvier 2002, les décisions attaquées méconnaissent les dispositions des articles L. 24-2°, L. 27, L. 28 et L. 30 du code des pensions civiles et militaires de retraite, sans qu'il y ait lieu de rechercher une aggravation de son état postérieurement à l'avis du comité médical supérieur de juin 2001 ;

- il est fondé à demander la majoration au titre de l'assistance d'une tierce personne à compter du 25 janvier 2002 en application de l'article R. 43 du code des pensions civiles et militaires ;

- l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires ne lui est pas opposable puisqu'il n'a pas sollicité la révision de sa pension civile de retraite sur le fondement des articles L. 4-1° et L. 25-1° du code des pensions civiles et militaires mais sur le fondement des articles L. 24-12°, L. 27, L. 28 et L.30 ;

- les décisions attaquées sont entachées d'un vice de procédure, faute pour la commission de réforme d'avoir été saisie conformément aux dispositions de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 ;

- l'illégalité des décisions attaquées constitue une faute de l'Etat justifiant une indemnité de 200 000 euros augmentée de 870 euros pour les mois suivants jusqu'à ce que l'administration régularise sa situation par sa mise à la retraite à la date du 25 janvier 2002 pour invalidité imputable au service, avec l'attribution d'une rente viagère d'invalidité sur la base de son taux d'invalidité de 83, 20 % et de son traitement au 10ème échelon cumulable avec une pension au taux de 50 % sur le 10ème échelon rémunérant ses services de sous-brigadier de police avec majoration spéciale et son renouvellement au titre de l'assistance d'une tierce personne, le versement des arrérages estimés à 400 000 euros à compter du 25 janvier 2002 revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation à compter du 25 janvier 2002.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés et que les éléments dont il se prévaut ne sont pas de nature à remettre en cause l'autorité de la chose jugée le 3 décembre 2009 par la cour administrative d'appel de Nancy dans l'arrêt n° 08NC01777 et les 16 juillet 2012 et 24 septembre 2015 par le tribunal administratif de Strasbourg dans les jugements n° 092821-1102410 et n° 1203220.

Productions présentées après le renvoi :

Par des mémoires enregistrés les 13 mai 2024, 22 mai 2024 et un dernier mémoire non communiqué le 8 août 2024, M. B..., représenté par la SCP Gadiou, Chevallier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 mai 2019 ;

2°) d'annuler les décisions implicites nées du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur ses demandes formées les 3 août 2001, 14 février 2002 et 16 juin 2002 tendant à son admission à la retraite à compter du 25 janvier 2002 pour invalidité au taux de 83, 20 % et à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité ainsi que d'une pension civile d'invalidité au taux de 50 % complétée de la majoration spéciale définitive au titre de l'assistance journalière d'une tierce personne et des rappels ou arrérages dus à compter du 25 janvier 2002 ;

3°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande d'indemnité qui a été réévaluée à 200 000 euros, augmentée de 870 euros pour les mois suivants revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation à compter du 25 janvier 2002 jusqu'à la date de la régularisation de sa situation administrative par l'administration en réparation des préjudices moraux, psychologiques et financiers et d'autres natures consécutifs aux décisions illégales de l'administration de refuser irrégulièrement de l'admettre à la retraite le 25 janvier 2002 pour incapacité permanente d'exercer ses fonctions et autre travail, de lui attribuer une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension civile d'invalidité, et de lui attribuer la majoration spéciale au titre de l'assistance journalière d'une tierce personne ;

4°) d'annuler par voie de conséquence la décision du 27 octobre 2006 prononçant sa radiation des cadres à compter du 9 février 2002 ;

5°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de le radier des cadres pour admission à la retraite à compter du 25 janvier 2002 pour invalidité dans les conditions qu'il demande ;

6°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et au ministre de l'action et des comptes publics de lui attribuer une pension d'invalidité au taux de 50 % de son dernier traitement, une rente viagère d'invalidité au taux de 83, 20 % et la majoration spéciale au titre de l'assistance d'une tierce personne, ainsi que le versement des arrérages estimés à 400 000 euros pour la période à compter du 25 janvier 2002, revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation ;

7°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 200 000 euros augmentée de 870 euros pour les mois suivants revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation à compter du 25 janvier 2002 jusqu'à la date de la régularisation de sa situation par l'administration en réparation des troubles moraux, psychologiques, et financiers ;

8°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 840 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a modifié la nature de ses demandes et ses conclusions ;

- le tribunal s'est fondé sur des faits matériellement inexacts dès lors que le ministre de l'intérieur n'a pas produit les courriers de convocation de l'administration pour des examens médicaux en recommandé avec accusé de réception ;

- l'avis du comité médical du 18 janvier 2000 est irrégulier en tant qu'il a été émis au terme d'une procédure méconnaissant les dispositions du 2ème alinéa du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 et des articles 7, 25 ou 41 du décret du 14 mars 1986 ;

- la procédure suivie par le comité médical est irrégulière pour violation des droits de la défense ;

- c'est par un détournement de procédure que l'administration a saisi le comité médical ;

- cet avis du 18 janvier 2000 a été rendu par une composition irrégulière méconnaissant les articles 5,6 et 7 du décret du 14 mars 1986 ;

- cet avis est insuffisamment motivé ;

- il présente une incapacité permanente et définitive à exercer ses fonctions et tout autre travail depuis 1999 et son état est incompatible avec un reclassement dans un autre emploi ;

- l'article 25 du décret du 14 mars 1986 est inapplicable à sa situation et en raison de son incapacité permanente à l'exercice de ses fonctions au 25 janvier 2002, les décisions attaquées méconnaissent les dispositions des articles L. 24-2°, L. 27, L. 28 et L. 30 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- les décisions attaquées sont entachées d'un vice de procédure, faute pour la commission de réforme d'avoir été saisie conformément aux dispositions de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 ;

- l'illégalité des décisions attaquées constitue une faute de l'Etat justifiant une indemnité de 200 000 euros augmentée de 870 euros pour les mois suivants jusqu'à ce que l'administration régularise sa situation par sa mise à la retraite à la date du 25 janvier 2002 pour invalidité imputable au service, avec l'attribution d'une rente viagère d'invalidité sur la base de son taux d'invalidité de 83, 20 % et de son traitement au 10ème échelon cumulable avec une pension au taux de 50 % sur le 10ème échelon rémunérant ses services de sous-brigadier de police avec majoration spéciale et son renouvellement au titre de l'assistance d'une tierce personne, le versement des arrérages estimés à 400 000 euros à compter du 25 janvier 2002 revalorisés et assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation à compter du 25 janvier 2002.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 juin 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les conclusions à fin d'annulation sont tardives, que l'autorité de la chose jugée s'oppose à ce qu'il soit fait droit aux conclusions à fin d'annulation et que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Le ministre de l'action et des comptes publics a été informé de la reprise d'instance et n'a pas produit.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la loi n° 84-16 du 16 janvier 1984 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Peton,

- et les conclusions de Mme Bourguet, rapporteure publique.

Une note en délibéré, enregistrée le 25 mars 2025, a été présentée par M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... exerçait les fonctions de sous-brigadier de la police nationale. Il a été victime les 27 août 1983, 5 octobre 1987 et 11 mai 1992 d'accidents reconnus imputables au service. Par un arrêté du 20 octobre 1997, le ministre chargé des finances lui a accordé une allocation temporaire d'invalidité au taux de 17 % pour la période du 29 décembre 1993 au 28 décembre 1998 en raison de ces deux derniers accidents en application de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat. Le 19 octobre 1998, M. B... a subi une chute qui a été également reconnue comme imputable au service. Par un courrier du 13 décembre 1999, l'administration a indiqué à M. B... que le médecin inspecteur régional l'avait reconnu apte à reprendre ses fonctions dès le 25 novembre 1999 dans un poste administratif et lui a prescrit de rejoindre son poste immédiatement. Sur saisine de M. B..., le comité médical départemental a, par un avis du 18 janvier 2000, confirmé son aptitude à reprendre ses fonctions à compter du 25 novembre 1999. Cette décision a été validée par le comité médical supérieur par un avis du 26 juin 2001. En dépit des mises en demeure de reprendre son poste sous peine de radiation des cadres des 16 et 31 juillet 2001, M. B... a maintenu sa position en arrêt de travail. Le médecin agréé n'a pas constaté d'aggravation de son état de santé lors de l'analyse de l'état de santé de l'intéressé le 6 septembre 2001. Malgré une ultime mise en demeure du préfet du 29 janvier 2002 restée vaine, le ministre de l'intérieur l'a radié des cadres de la police nationale pour abandon de poste par une décision du 25 avril 2002. Cette décision ayant été annulée par arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 4 mai 2006, le ministre a pris une nouvelle décision le 27 octobre 2006 radiant M. B... des cadres de la police nationale pour abandon de poste à compter du 9 février 2002. Par un arrêt devenu définitif du 3 décembre 2009, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la requête de M. B... relevant appel du jugement du 30 septembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 27 octobre 2006 et de la décision implicite de rejet née du silence gardé sur son recours gracieux du 10 février 2007. Par des courriers des 3 août 2001, 14 février 2002, 16 juin 2002, 22 novembre 2002, 16 novembre 2006 et 5 octobre 2010, M. B... a demandé au ministre de l'intérieur de lui octroyer une pension civile d'invalidité à un taux de 50 % à compter du 25 janvier 2002 accompagnée d'une rente viagère d'invalidité et de la majoration pour tierce personne avec demande des arrérages estimés à 400 000 euros. Par un second courrier du 16 juin 2002, M. B... a également demandé une indemnité par mois de retard de 870 euros assortis des intérêts de retard, moratoires, compensatoires et de capitalisation. Enfin, le 27 juin 2016, M. B... a demandé à l'administration de lui verser une indemnité de 150 510 euros en réparation de ses préjudices matériels et moraux au titre de la période du 25 janvier 2002 au 30 juin 2016. Ces demandes ont donné lieu à des décisions implicites de rejet. M. B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions implicites nées du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur ses demandes des 3 août 2001, 14 février et 16 juin 2002 et d'annuler, par voie de conséquence, la décision du 27 octobre 2006 prononçant sa radiation des cadres à compter du 9 février 2002. Par un jugement du 3 mai 2019, le tribunal a rejeté l'ensemble de ces demandes d'annulation, ainsi que les conclusions indemnitaires et celles à fin d'injonction. Par un arrêt du 31 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel relevé par M. B... contre ce jugement. Sur pourvoi introduit par M. B..., le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant cette même cour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, M. B... ne saurait soutenir que le tribunal administratif aurait entaché son jugement d'erreur d'appréciation dès lors que cette critique des motifs du jugement est étrangère à sa régularité.

3. En deuxième lieu, l'article R. 611-10 du code de justice administrative dispose que : " Sous l'autorité du président de la chambre à laquelle il appartient et avec le concours du greffier de cette chambre, le rapporteur fixe, eu égard aux circonstances de l'affaire, le délai accordé aux parties pour produire leurs mémoires. Il peut demander aux parties, pour être jointes à la procédure contradictoire, toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige ". La mise en œuvre de ce pouvoir d'instruction constitue un pouvoir propre du juge.

4. Contrairement à ce que soutient M. B..., en s'abstenant d'ordonner à l'administration de communiquer les courriers de convocation à des examens médicaux, le tribunal, qui apprécie l'utilité d'une mesure d'instruction, y compris lorsqu'elle est sollicitée par l'une des parties, n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.

5. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal administratif aurait modifié la nature des demandes de la requête de M. B..., ni qu'il aurait statué en-deçà ou au-delà des conclusions dont étaient saisis les premiers juges.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'exception de chose jugée opposée par le ministre de l'intérieur aux conclusions en annulation :

6. Aux termes de l'article 1355 du code civil : " L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ". L'autorité de la chose jugée d'une décision juridictionnelle, qui s'attache au dispositif de cette décision et aux motifs qui en sont le soutien nécessaire, est subordonnée à la triple identité de parties, d'objet et de cause.

7. En premier lieu, par une demande enregistrée sous le n° 1203220, M. B... avait demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions implicites de rejet de ses demandes du 14 février 2002, du 22 novembre 2002, du 16 novembre 2006 et du 5 octobre 2010 par lesquelles le ministre de l'intérieur a refusé de le radier des cadres de la police nationale pour invalidité à compter du 25 janvier 2002, de l'admettre en retraite d'office en lui accordant une pension à un taux de 50 % et de lui attribuer une rente d'invalidité. Le tribunal a rejeté cette demande par un jugement du 24 septembre 2015 devenu définitif. Cette demande du 14 février 2002, qui réitérait la demande du 3 août 2001, avait le même objet que cette dernière. La demande du 16 juin 2002 réitérait celle du 14 février 2002 et avait, par suite, le même objet que celui de cette dernière et de celle du 3 août 2001. Par conséquent, la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Strasbourg à l'appui de sa requête n° 1604215 rejetée, comme mal fondée, par le jugement du 3 mai 2019, puis devant la cour dans le cadre de la présente instance, demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, des décisions implicites de rejet de ses demandes des 3 août 2001, 14 février 2002 et 16 juin 2002, a le même objet que les conclusions à fin d'annulation, pour excès de pouvoir, rejetées par le précédent jugement n° 1203220 du 24 septembre 2015. Les conclusions à fin d'annulation, pour excès de pouvoir, rejetées par le jugement du 3 mai 2019 sont fondées sur des moyens reposant sur la même cause juridique que celles rejetées par le jugement du 24 septembre 2015. L'autorité de la chose jugée s'attachant à ce dernier jugement, par suite de la triple identité de parties, d'objet et de cause, fait, dès lors, obstacle à ce que les prétentions de M. B... soient accueillies. Il en résulte que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que cette autorité fait obstacle à ce que M. B... demande à nouveau l'annulation des décisions par lesquelles le ministre a implicitement rejeté ses demandes tendant à son admission à la retraite pour invalidité et à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité et d'une pension civile d'invalidité, assortie d'une majoration pour tierce personne.

8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, par un jugement du 30 septembre 2008, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de la décision du 27 octobre 2006 par laquelle le ministre de l'intérieur l'a radié des cadres de la police nationale à compter du 9 février 2002 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par un arrêt, définitif, du 3 décembre 2009, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la requête dirigée par M. B... contre ce jugement. Les conclusions présentées devant le tribunal administratif de Strasbourg et tendant à l'annulation, serait-ce par voie de conséquence, de cette décision du 27 octobre 2006, réitérées devant la cour à l'occasion de la présente instance, ont le même objet que celles ainsi rejetées par ce jugement du 30 septembre 2008. Ces conclusions reposent sur des moyens relevant d'une même cause juridique déjà soulevée dans l'instance ayant donné lieu à ce jugement. Dès lors, l'autorité s'attachant à ce dernier fait obstacle à ce qu'il soit fait droit à ces conclusions tendant à l'annulation, par voie de conséquence, de cette décision du 27 octobre 2006.

9. Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation, d'une part, des décisions implicites de rejet nées du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur les demandes de M. B... des 3 août 2001, 14 février 2002 et 16 juin 2002 et, d'autre part, de la décision du 27 octobre 2006 doivent être rejetées. Par voie de conséquence, il ne saurait être fait droit aux conclusions à fin d'injonction dont elles sont assorties.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

10. Les dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite et 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité.

11. La circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle ne remplit pas les conditions auxquelles les dispositions mentionnées ci-dessus subordonnent l'obtention d'une rente ou d'une allocation temporaire d'invalidité fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques encourus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle. En revanche, elle ne saurait le priver de la possibilité d'obtenir de cette collectivité la réparation de préjudices d'une autre nature, dès lors qu'ils sont directement liés à l'accident ou à la maladie.

12. M. B... demande à la cour de condamner l'Etat à lui verser une somme de 200 000 euros en réparation de troubles moraux, psychologiques et financiers. Il n'apporte toutefois aucun élément permettant à la cour d'évaluer le préjudice financier dont il se prévaut et ne justifie d'aucun préjudice psychologique ni moral. Par conséquent, ses conclusions indemnitaires ne peuvent être accueillies.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté l'ensemble de ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à la ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Durup de Baleine, président,

- M. Barlerin, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 avril 2025.

La rapporteure,

Signé : N. PetonLe président,

Signé : A. Durup de Baleine

Le greffier,

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

N° 24NC00632 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NC00632
Date de la décision : 22/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET
Avocat(s) : CABINET WELZER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-22;24nc00632 ?
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