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22/04/2025 | FRANCE | N°24NC00446

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 22 avril 2025, 24NC00446


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 8 février 2024 par lesquels la préfète du Bas-Rhin, d'une part, a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'a assignée à résidence dans le département des Vosges pour une durée de quarante-cinq jours.



Par une ordonnance n° 2400489 du 23 février 2024, le magistrat désigné par le président du t

ribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 8 février 2024 par lesquels la préfète du Bas-Rhin, d'une part, a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'a assignée à résidence dans le département des Vosges pour une durée de quarante-cinq jours.

Par une ordonnance n° 2400489 du 23 février 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 février 2024 et des mémoires, enregistrés le 11 mars 2024 et le 29 mars 2024, Mme B... A..., représentée par l'AARPI Gartner Avocats Associés, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ou de réformer cette ordonnance du 23 février 2024 ;

3°) à titre principal, de déclarer les arrêtés du 8 février 2024 nuls et de nul effet ;

4°) à titre subsidiaire, d'annuler les arrêtés du 8 février 2024 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il y a lieu en tout état de cause de statuer sur les conclusions en inexistence ;

- le premier juge a commis une erreur de droit et méconnu l'article 26 du règlement du 26 juin 2013 ;

- il n'est pas prouvé que les voies et délais de recours ont été traduits par l'interprète ;

- il n'est pas possible de vérifier s'il a été procédé à une notification régulière par une personne habilitée à cet effet ;

- les décisions ont été adoptées sur proposition du secrétaire général de la préfecture ;

- la signataire s'est à tort estimée liée par cette proposition ;

- elle ne s'est pas vu remettre les brochures A et B ;

- elle n'a jamais signé les décisions contestées ;

- les décisions contestées sont entachées d'inexistence dès lors que la signature de la requérante a été imitée sur les brochures A et B.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2024, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une lettre du 2 septembre 2024, les parties ont, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, été informées que la décision paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de ce qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de transfert, et un délai leur a été imparti pour présenter des observations sur ce moyen.

Par un mémoire, enregistré le 2 septembre 2024, Mme A..., maintenant les conclusions de sa requête, soutient qu'en tout état de cause il y a lieu de statuer sur ses conclusions en déclarations d'inexistence des arrêtés contestés.

Par un mémoire, enregistré le 6 septembre 2024, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de transfert.

Elle soutient que Mme A..., qui a refusé d'embarquer, est réputée en fuite, de sorte que le délai de transfert est porté à dix-huit mois.

Par une lettre du 6 mars 2025, les parties ont, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, été informées que la décision paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les conclusions de la requête tendant à ce que les arrêtés contestés du 8 février 2024 soient déclarés nuls et de nul effet sont irrecevables comme nouvelles en appel, et un délai leur a été imparti pour présenter des observations sur ce moyen.

Par un mémoire, enregistré le 10 mars 2025, Mme A... présente des observations en réponse à la lettre du 6 mars 2025.

Elle soutient que le moyen tiré de l'inexistence d'un acte administratif est d'ordre public et que des conclusions en déclaration d'inexistence d'un tel acte sont recevables pour la première fois en appel.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 septembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Durup de Baleine,

- et les observations de Me Zoubeidi-Defert, avocat de Mme A..., en présence de cette dernière.

Considérant ce qui suit :

1. Se disant ressortissante sénégalaise née le 1er janvier 2002, Mme A... relève appel de l'ordonnance du 23 février 2024 par laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 8 février 2024 par lesquels la préfète du Bas-Rhin, d'une part, a décidé de la transférer aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile et, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département des Vosges pour une durée de quarante-cinq jours. Mme A... ayant été admise en cours d'instance au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, sa demande d'aide juridictionnelle provisoire est sans objet.

Sur la recevabilité des conclusions en déclaration d'inexistence des arrêtés du 8 février 2024 :

2. Si Mme A... demande à la cour, à titre principal, de déclarer les arrêtés contestés du 8 février 2024 nuls et de nul effet, ces conclusions en déclaration d'inexistence, qui n'ont pas été soumises au premier juge, sont nouvelles en appel, la circonstance que le juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un recours dirigé contre un acte nul et non avenu, soit tenu d'en constater la nullité à toute époque étant, à cet égard, sans incidence. Il en résulte que ces conclusions sont irrecevables.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article 26 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte) : " 1. Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale. Si la personne concernée est représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les États membres peuvent choisir de notifier la décision à ce conseil juridique ou à cet autre conseiller plutôt qu'à la personne concernée et, le cas échéant, de communiquer la décision à la personne concernée. / 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise œuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable. / Les États membres veillent à ce que des informations sur les personnes ou entités susceptibles de fournir une assistance juridique à la personne concernée soient communiquées à la personne concernée avec la décision visée au paragraphe 1, si ces informations ne lui ont pas encore été communiquées. / 3. Lorsque la personne concernée n'est pas assistée ou représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les États membres l'informent des principaux éléments de la décision, ce qui comprend toujours des informations sur les voies de recours disponibles et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours, dans une langue que la personne concernée comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend. ".

4. Aux termes de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du troisième alinéa de l'article L. 571-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. / Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. ". Aux termes de l'article L. 572-6 du même code : " Lorsque la décision de transfert est notifiée avec une décision d'assignation à résidence édictée en application de l'article L. 751-2, ou une décision de placement en rétention édictée en application de l'article L. 751-9, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de la décision. / Il est statué selon les conditions et délais prévus aux articles L. 614-7 à L. 614-13. ". Aux termes de l'article R. 777-3-8 du code de justice administrative : " La présentation, l'instruction et le jugement des recours obéissent aux règles définies aux articles R. 776-4, R. 776-5 II, R. 776-6 à R. 776-9 et à la section 3 du chapitre VI du titre VII du livre VII du présent code. ". Enfin, aux termes de l'article R. 421-5 de ce code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que les arrêtés contestés du 8 février 2024, qui ne sont pas entachés d'inexistence au seul motif que les résultats d'un rapport d'expertise en comparaison de signatures du 27 mars 2024 " soutiennent fortement la proposition selon laquelle " Mme A... " n'est pas l'auteure des signatures " apposées sur des documents remis lors de la présentation de la demande d'asile et qu'il existe un " fort soupçon d'imitation servile, avec réserve de ce que ferait ressortir l'examen des originaux ", ont été notifiés à Mme A... par voie administrative le 13 février 2024 à 14 h 08 mn et 14 h 15 mn, au moyen d'un interprétariat en lingala, langue que Mme A... comprend, alors d'ailleurs qu'il ressort de ces pièces qu'elle comprend également le français, notamment écrit. Conformément aux articles 26 du règlement du 26 juin 2013 et L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces notifications comportaient l'indication des voies et délais de recours, qui ont été oralement indiqués à l'intéressée par l'interprète. La circonstance que les feuilles de notification des deux arrêtés, lesquelles feuilles sont signées par l'intéressée, de signatures dont ne ressort pas du dossier qu'elles ne seraient pas la sienne, comporte, non l'identité complète, mais les initiales de l'agent notifiant et sa signature, sont sans influence sur la régularité de ces notifications et l'opposabilité du délai de recours contentieux. Il en résulte que le délai de recours de quarante-huit heures était opposable à Mme A.... La demande de première instance ayant été enregistrée après l'échéance de ce délai, qui n'est pas susceptible de prorogation ou d'interruption, c'est sans erreur de droit et sans commettre aucune irrégularité que le premier juge a considéré que cette demande était irrecevable et l'a rejetée pour cette raison.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le premier juge a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement d'une somme à ce titre.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Zoubeidi-Defert.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Durup de Baleine, président,

- M. Barlerin, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 avril 2025.

Le président-rapporteur,

Signé : A. Durup de BaleineL'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

Signé : A. Barlerin

Le greffier,

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

2

N° 24NC00446


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NC00446
Date de la décision : 22/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP DE BALEINE
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET
Avocat(s) : AARPI GARTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-22;24nc00446 ?
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