La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/04/2025 | FRANCE | N°22NC01223

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 22 avril 2025, 22NC01223


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 20 décembre 2019 par laquelle le préfet des Ardennes a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ainsi que la décision du 25 mars 2020 par laquelle le préfet a rejeté son recours gracieux.



Par un jugement n° 2000925 du 4 mars 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les décisions du 20 décembre 2019 et du

25 mars 2020 par lesquelles le préfet des Ardennes a respectivement refusé de reconnaître la tularémie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 20 décembre 2019 par laquelle le préfet des Ardennes a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ainsi que la décision du 25 mars 2020 par laquelle le préfet a rejeté son recours gracieux.

Par un jugement n° 2000925 du 4 mars 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les décisions du 20 décembre 2019 et du 25 mars 2020 par lesquelles le préfet des Ardennes a respectivement refusé de reconnaître la tularémie dont M. B... est atteint comme imputable au service et a rejeté son recours gracieux et a enjoint au préfet des Ardennes de réexaminer la situation de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 mai 2022, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. B....

Il soutient que :

- le tribunal a appliqué à tort l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 dès lors que cette disposition n'est entrée en vigueur que le 24 février 2019 ;

- il n'existe aucun lien direct entre la tularémie développée par M. B... et l'exercice de ses fonctions ou de ses conditions de travail.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 août 2022, M. B... conclut au rejet de la requête du ministre de l'intérieur et demande à la Cour de mettre une somme de 2 500 euros à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2019-122 du 21 février 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Peton,

- et les conclusions de Mme Bourguet, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est adjoint technique du ministère de l'intérieur et de l'outre-mer. Il a été affecté au sein de la préfecture des Ardennes en 1981 pour exercer les fonctions de jardinier avant d'être affecté à compter de 2014 à un emploi d'agent de maintenance et de manutention. En 2016, M. B... a connu des problèmes de santé successifs avant d'être placé en congé de longue maladie du 15 septembre 2016 au 14 septembre 2019 et qu'une tularémie soit diagnostiquée en février 2018. M. B... a sollicité la reconnaissance de cette pathologie comme maladie professionnelle et, par un arrêté du 20 décembre 2019, le préfet des Ardennes a refusé de reconnaitre cette imputabilité. M. B... a présenté un recours gracieux qui a été rejeté le 25 mars 2020. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 4 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les décisions des 20 décembre 2019 et 25 mars 2020 et a enjoint au préfet des Ardennes de réexaminer la situation de M. B....

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable avant sa modification par le II de l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...). / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ".

3. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par le I de l'article 10 de l'ordonnance précitée du 19 janvier 2017, en vigueur depuis le 21 janvier 2017 et désormais codifié à l'article L. 822-20 du code général de la fonction publique : " I. Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article (...) / II.-Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. (...) / VI. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités du congé pour invalidité temporaire imputable au service mentionné au premier alinéa et détermine ses effets sur la situation administrative des fonctionnaires (...) ". Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne sont donc entrées en vigueur, s'agissant de la fonction publique de l'Etat, que depuis l'entrée en vigueur, le 24 février 2019, du décret du 21 février 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique de l'Etat, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Il en résulte que les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017, sont demeurées applicables jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 21 février 2019, soit le 24 février 2019.

4. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée.

5. En l'espèce, M. B... a sollicité le 5 novembre 2018 une demande de reconnaissance de maladie professionnelle en produisant un certificat médical mentionnant une date de première constatation médicale de la maladie dont il était affecté au 19 septembre 2016. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la pathologie de M. B... a été diagnostiquée en février 2018. En conséquence, la pathologie a été diagnostiquée à une date antérieure à l'entrée en vigueur des dispositions du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 issu de l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique. Seules les dispositions de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 citées au point 2 étaient applicables.

6. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

7. Il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un compte-rendu médical établi le 28 février 2018 par un médecin spécialisé en maladies infectieuses et tropicales, qu'en septembre 2016, M. B... a constaté la présence d'écorchures et d'une piqure d'insecte sur son bras droit. A la fin de ce même mois de septembre 2016, M. B... a présenté un syndrome grippal associé à une conjonctivite purulente, des vertiges et malaises à répétition. Sont ensuite apparus une polyarthralgie aux poignets, une polyarthrite localisée aux articulations des mains, genoux et pieds, des sueurs nocturnes, une hypoesthésie au niveau de la cuisse droite et une dysesthésie et paresthésie des deux pieds ainsi qu'une paralysie faciale droite à bascule. En janvier 2017, alors que M. B... était hospitalisé au centre hospitalier universitaire de Reims, une sérologie Francisella Tularensis a révélé des résultats douteux à recontrôler. Par la suite, le point de piqure d'insecte constaté en septembre 2016 a évolué en la constitution d'un nodule induré dont M. B... a extrait une tique de type ixodes ricinus en mai 2017. En janvier 2018, une nouvelle sérologie tularémique s'est révélée positive. La tularémie est une maladie infectieuse due à la bactérie Francisella tularensis qui peut être contractée par l'homme par contact direct avec un animal ou un insecte porteur ou avec un environnement contaminé. Par ailleurs, l'expertise médicale réalisée le 14 février 2019 par le médecin agréé de la commission de réforme a conclu à l'existence d'une symptomatologie pouvant être rattachée directement à la tularémie dont M. B... est atteint et a relevé qu'une contamination extra-professionnelle devait être exclue compte tenu de l'absence de loisirs réguliers de M. B... en forêt. Au demeurant, il est constant que les fonctions de M. B... ont pour effet de le placer en contact direct et régulier avec les jardins et espaces verts. Enfin, la commission de réforme a émis un avis favorable à la reconnaissance de la tularémie de M. B... en maladie professionnelle le 13 septembre 2019. Par conséquent, la maladie dont est affecté M. B... présente un lien direct avec ses conditions de travail et doit être regardée comme imputable au service.

8. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du 20 décembre 2019 par laquelle le préfet des Ardennes a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la tularémie dont est atteint M. B... et la décision du 25 mars 2020 par laquelle le préfet des Ardennes a rejeté le recours gracieux de l'agent.

Sur les frais liés au litige :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Durup de Baleine, président,

- M. Barlerin, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 avril 2025.

La rapporteure,

Signé : N. PetonLe président,

Signé : A. Durup de Baleine

Le greffier,

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

N° 22NC01223 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01223
Date de la décision : 22/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET
Avocat(s) : SELARL EBC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-22;22nc01223 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award