Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 10 novembre 2020 par laquelle le président du conseil départemental de Moselle a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des accidents des 6 juin 2019 et 5 novembre 2019 et d'enjoindre au département de la Moselle de reconnaître l'imputabilité au service de ces deux accidents.
Par un jugement n° 2007533 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 10 novembre 2020 en tant qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 6 juin 2019 et a enjoint au département de la Moselle de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident du 6 juin 2019.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 mai 2022 et 23 novembre 2022, sous le n° 22NC01181, M. A... B..., représenté par Me Galland, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;
2°) d'annuler la décision du 10 novembre 2020 en tant qu'elle refuse de reconnaitre l'imputabilité au service de l'accident subi le 5 novembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au département de la Moselle de reconnaitre l'imputabilité au service de l'accident du 5 novembre 2019 dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge du département de la Moselle une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- un accident survenu en dehors du temps de service et ailleurs qu'au lieu de service peut être reconnu imputable au service s'il est établi qu'il existe un lien entre les conditions d'exercice des fonctions et l'accident ;
- les médecins qui ont examiné M. B... ont estimé que ses crises d'épilepsie ne pouvaient être causées que par le stress professionnel, ce stress étant dû à l'absence de prise en compte des préconisations du médecin du travail, à une surcharge de travail et à une absence de prise en compte des problèmes de santé de l'agent.
Par des mémoires en défense enregistrés les 10 novembre 2022 et 21 juin 2023, le département de la Moselle, représenté par Me Pareydt, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
II. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 mai 2022, 10 novembre 2022 et 21 juin 2023, sous le n° 22NC01294, le département de la Moselle, représenté par Me Pareydt, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a annulé la décision du 10 novembre 2020 en tant qu'elle refuse de reconnaitre l'imputabilité au service du malaise survenu le 6 juin 2019 ;
2°) de rejeter les demandes présentées en première instance par M. B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il résulte des dispositions de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 que l'imputabilité au service de l'accident de trajet ne peut être reconnue en cas de fait personnel de l'agent et qu'en l'espèce, M. B... a fait un malaise à son domicile près de 1h30 après la fin de son service ;
- le fait de l'agent faisant obstacle à l'imputabilité peut être une pathologie et le malaise de M. B..., lequel souffre d'épilepsie, est détachable du service ;
- le malaise subi par M. B... le 6 juin 2019 est dû à un oubli de prise de son traitement.
Par des mémoires en défense enregistrés les 5 juillet 2022, 23 novembre 2022 et 4 mai 2023, M. B..., représenté par Me Galland, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge du département de la Moselle une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le département de la Moselle ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-56 du 26 janvier 1984 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Peton,
- les conclusions de Mme Bourguet, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bourcellier pour le département de la Moselle.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est agent titulaire du département de la Moselle depuis le 1er décembre 1988. Il exerce les fonctions de technicien au sein de l'unité technique territoriale de Forbach Saint-Avold. Le 22 juin 2016, lors de son service et alors qu'il se trouvait sur un trajet pour se rendre sur un chantier, M. B... a été victime d'un malaise avec perte de connaissance. Le 12 avril 2017, M. B... a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de cet accident. Par une décision du 2 mars 2018, le président du département de la Moselle a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 22 juin 2016. M. B... a adressé une réclamation à la commission de réforme en contestant la régularité de sa composition en raison de la participation du médecin agréé. Par une décision du 29 juin 2018, le président du département a, d'une part, retiré la décision du 2 mars 2018 et, d'autre part, confirmé l'absence de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident subi par M. B.... Ce dernier a saisi le tribunal administratif de Strasbourg qui, par un jugement n° 1805212 du 23 juin 2020, a annulé cette décision et a enjoint au département de réexaminer la situation de M. B.... A la suite de ce jugement, le président du département de la Moselle a reconnu l'imputabilité au service de l'accident subi le 22 juin 2016 par une décision du 5 août 2020. Dans le même temps, M. B... a été victime de nouveaux malaises les 6 juin et 5 novembre 2019. Il a demandé à l'administration de reconnaitre l'imputabilité au service de ces deux évènements. Par une décision du 10 novembre 2020, le président du département de la Moselle a rejeté la demande de M. B.... Par un jugement du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision en tant qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 6 juin 2019. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes et le département de la Moselle relève appel du même jugement en tant qu'il a annulé ladite décision en ce qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 6 juin 2019.
2. Les requêtes de M. B... et du département de la Moselle sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal :
3. Aux termes de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par le I de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017, en vigueur depuis le 21 janvier 2017 et désormais codifié à l'article L. 822-20 du code général de la fonction publique : " I. Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article (...) / II. Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. (...) / III. Est reconnu imputable au service, lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit en apportent la preuve ou lorsque l'enquête permet à l'autorité administrative de disposer des éléments suffisants, l'accident de trajet dont est victime le fonctionnaire qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s'accomplit son service et sa résidence ou son lieu de restauration et pendant la durée normale pour l'effectuer, sauf si un fait personnel du fonctionnaire ou toute autre circonstance particulière étrangère notamment aux nécessités de la vie courante est de nature à détacher l'accident du service. VI. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités du congé pour invalidité temporaire imputable au service mentionné au premier alinéa et détermine ses effets sur la situation administrative des fonctionnaires (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal est présumée, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, avoir le caractère d'un accident de service. En outre, est réputé constituer un accident de trajet tout accident dont est victime un agent public qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s'accomplit son travail et sa résidence et pendant la durée normale pour l'effectuer, sauf si un fait personnel de cet agent ou toute autre circonstance particulière est de nature à détacher l'accident du service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.
5. Il ressort des pièces du dossier que, le 6 juin 2019, M. B... a été victime d'un malaise après être rentré de son lieu de travail en voiture et avoir pénétré dans l'enceinte de son domicile. A cet égard, M. B... a mentionné dans la déclaration renseignée le 7 août 2019 avoir été victime d'un accident de service à Lucy, lieu où se trouve son domicile, et a indiqué " malaise au retour du travail ". Par ailleurs, le compte-rendu médical établi par le service des urgences de l'hôpital de Mercy mentionne que ce malaise a eu lieu en présence de l'épouse de l'agent. Enfin dans le mémoire en défense enregistré le 5 juillet 2022, M B... indique avoir subi ce malaise alors qu'il " venait d'arriver à son domicile, qu'il remplissait son carnet de bord et qu'il n'était donc pas encore sorti de son véhicule ". Toutefois, le seul fait que l'agent ne soit pas descendu de son véhicule ne suffit pas à considérer qu'il n'avait pas achevé son trajet. Par suite, il n'est pas établi que le malaise dont a été victime M. B... s'est produit avant que le trajet entre son lieu de travail et son domicile n'ait été achevé. En conséquence, le malaise survenu le 6 juin 2019 ne peut être regardé comme un accident de trajet imputable au service.
6. Il résulte de ce qui précède que le département de la Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la décision du 10 novembre 2020 en tant qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 6 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur le moyen tiré de l'erreur d'appréciation.
7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif ainsi que les conclusions d'appel de ce dernier en tant qu'elles concernent la décision du 10 novembre 2020 en ce qu'elle refuse de reconnaitre l'imputabilité au service du malaise survenu le 5 novembre 2019.
En ce qui concerne les autres moyens :
8. Aux termes de l'article 15 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Le secrétariat de la commission informe le médecin du service de médecine professionnelle et préventive, pour la fonction publique territoriale, (...), compétent à l'égard du service auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis à la commission. (...) Ces médecins peuvent obtenir, s'ils le demandent, communication du dossier de l'intéressé. Ils peuvent présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion de la commission. Ils remettent obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus au premier alinéa des articles 21 et 23 ci-dessous ".
9. Contrairement à ce que soutient M. B..., la seule mention figurant sur le procès-verbal de la commission de réforme du 15 octobre 2020 selon laquelle " la délibération s'est déroulée en l'absence du médecin de prévention " ne suffit pas à considérer que le médecin de prévention n'a pas été avisé de la réunion de la commission de réforme. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier la portée et doit être écarté.
10. Ensuite, il résulte de l'instruction que le malaise dont a été victime M. B... le 5 novembre 2019 s'est produit à 23 heures alors qu'il se trouvait à son domicile. En conséquence, et alors même que les différents rapports médicaux versés à l'instance indiquent que la pathologie dont est affecté M. B... serait en lien avec son activité professionnelle, un tel évènement survenu hors du temps et du lieu de service, sans qu'il ne soit démontré qu'il est directement en lien avec l'exercice des fonctions de M. B..., ne peut être regardé comme un accident de service.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le département de la Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 10 novembre 2020 en tant qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 6 juin 2019 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. B.... Par suite, les articles 1er et 2 de ce jugement doivent être annulés et la demande présentée par M. B... devant le tribunal doit être rejetée. En revanche, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 10 novembre 2020 en tant qu'elle refuse de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 5 novembre 2019.
Sur les frais liés au litige :
12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du département de la Moselle, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. B... la somme que demande le département de la Moselle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 2007533 du tribunal administratif de Strasbourg du 17 mars 2022 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision du président du département de la Moselle du 10 novembre 2020 et à ce qu'il soit enjoint au département de la Moselle de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 5 novembre 2019 sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au département de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président,
- M. Barlerin, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 avril 2025.
La rapporteure,
Signé : N. PetonLe président,
Signé : A. Durup de Baleine
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
N° 22NC001181, 22NC01294 2