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03/04/2025 | FRANCE | N°23NC03752

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 03 avril 2025, 23NC03752


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté en date du 17 mai 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont elle a la nationalité, d'enjoindre à la préfète de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugemen

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté en date du 17 mai 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont elle a la nationalité, d'enjoindre à la préfète de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens, et la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'alinéa 2 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2302594 du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 17 mai 2023, a enjoint à la préfète de Meurthe-et-Moselle de délivrer à Mme B... un titre de séjour en qualité d'étudiant, sous réserve d'un changement dans la situation de l'intéressée, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement et a mis une somme de 1 200 euros à verser à Me Chaïb, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Me Chaïb renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 23NC03752 le 19 décembre 2023 et le 23 mai 2024, la préfète de Meurthe-et-Moselle demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 28 novembre 2023 ;

2°) de rejeter la demande de Mme B....

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation quant au caractère réel et sérieux des études de Mme B... ;

- elle ne justifiait d'aucune inscription dans l'enseignement supérieur à la date de la décision de refus de titre de séjour.

Par des mémoires en défense enregistrés le 22 mai 2024, le 9 juin 2024 et le 10 aout 2024, Mme B..., représentée par Me Chaib, conclut au rejet de la requête et demande subsidiairement l'annulation de l'arrêté du 17 mai 2023, demande d'enjoindre à la préfète de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir et que lui soit immédiatement remise dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que les moyens soulevés par la préfète de Meurthe-et-Moselle ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 juin 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention franco-gabonaise du 2 décembre 1992 relative à la circulation et au séjour des personnes ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guidi, présidente,

- et les observations de Me Chaib avocat de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née le 24 septembre 1989, de nationalité gabonaise, est entrée en France le 17 novembre 2019 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant " et elle a été mise en possession d'un titre de séjour valable jusqu'au 1er décembre 2021, puis d'attestations de prolongation d'instruction de sa demande de renouvellement jusqu'au 6 décembre 2022. Ses demandes de renouvellement ont été classées sans suite les 2 avril, 25 juillet et 28 octobre 2022. Par un courrier en date du 14 février 2023, elle a complété son dossier. Elle demande l'annulation de l'arrêté en date du 17 mai 2023 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de renouveler son titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout pays pour lequel elle établit être légalement admissible. La préfète de Meurthe-et-Moselle relève appel du jugement du 28 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Mme B... ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Nancy en date du 27 juillet 2023, ses conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. L'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. / En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60% de la durée de travail annuelle ". Aux termes de l'article L. 412-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ". Aux termes de l'article 9 de la convention franco-gabonaise du 2 décembre 1992 : " Les ressortissants de chacune des Parties contractantes désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants (...) ". Aux termes de l'article 12 de la même convention : " Les dispositions de la présente convention ne font pas obstacle à l'application des législations respectives des deux Parties contractantes sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par la convention ".

4. Pour l'application des stipulations de l'article 9 de la convention franco-gabonaise précité et de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'administration, saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour présentée en qualité d'étudiant, de rechercher, à partir de l'ensemble du dossier, si le demandeur peut être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement en France des études.

5. Pour refuser à Mme B... le renouvellement de son titre de séjour " étudiant ", le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est fondé sur l'absence de clarté du parcours universitaire de l'intéressée, ses échecs répétés, la multiplication des formations réalisées, l'absence de progression après plusieurs réorientations, l'âge de la requérante et l'absence de projet professionnel précis. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que si, après avoir justifié d'une inscription en 2020-2021 au Formation Institut de Ludres en deuxième année de BTS " Marketing et Commercial ", elle n'a pas obtenu ce diplôme, elle s'est toutefois inscrite l'année suivante, dans le même établissement, en troisième année de licence en vue d'obtenir le Bachelor Marketing, délivré par la Fédération Européenne des Ecoles (FEDE) sous réserve de validation des deux matières qui lui ont fait défaut pour obtenir son BTS. Mme B... justifie avoir obtenu la licence à l'issue de la session de juin 2023, après une année de redoublement qui lui a néanmoins permis de valider ces deux matières de BTS. Si, au titre de l'année 2022-2023, elle s'est inscrite également à l'ESI Business School de Boulogne-Billancourt pour en suivre la formation à distance, cette inscription ne peut être regardée comme une réorientation au regard de la continuité avec son parcours antérieur. Cette inscription à l'ESI Business School de Boulogne-Billancourt n'a par ailleurs pas fait obstacle à ce que la requérante se réinscrive, en candidate libre, auprès de la FEDE pour obtenir sa licence au terme de cette année universitaire 2022/2023. Au demeurant, l'obtention de son diplôme, bien que postérieure à la décision contestée, révèle une progression lente mais continue de Mme B... dans ses études, qui, contrairement à ce que soutient la préfète de Meurthe-et-Moselle, présente un caractère cohérent. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier des bulletins de rémunération produits par Mme B..., que son activité professionnelle ne présentait pas un caractère accessoire. Au vu de ces éléments, la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour " étudiant " au motif que Mme B... ne justifiait pas du caractère réel et sérieux de ses études est entachée d'une erreur d'appréciation.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de Meurthe-et-Moselle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 17 mai 2023.

Sur les frais d'instance :

7. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative combinées à celles de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Chaïb, avocate de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Chaïb de la somme de 1 200 euros

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu d'accorder l'aide juridictionnelle provisoire à Mme B....

Article 2 : La requête de la préfète de Meurthe-et-Moselle est rejetée.

Article 3 : L'État versera la somme de 1 200 euros à Me Chaïb, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Me Chaïb renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 13 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 avril 2025.

La rapporteure,

Signé : L. GuidiLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : I. Legrand

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

I. Legrand

2

N° 23NC03752


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC03752
Date de la décision : 03/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Laurie GUIDI
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : CHAIB

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-03;23nc03752 ?
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