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27/03/2025 | FRANCE | N°23NC02368

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 27 mars 2025, 23NC02368


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 12 août 2022 par lequel le préfet du Doubs lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office à l'expiration de ce délai de départ volontaire.



Par un jugement n° 2201620 du 21 décembre 2022, le tribunal

administratif de Besançon a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 12 août 2022 par lequel le préfet du Doubs lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office à l'expiration de ce délai de départ volontaire.

Par un jugement n° 2201620 du 21 décembre 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Gharzouli, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 août 2022 par lequel le préfet du Doubs lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office à l'expiration de ce délai de départ volontaire ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans les délais respectifs d'un mois et de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'un vice de procédure tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnait les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 août 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bauer a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant bosnien né le 22 juin 2001, est entré en France en dernier lieu le 7 juillet 2021. Par un courrier du 24 janvier 2022, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 12 août 2022, le préfet du Doubs lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 21 décembre 2022, dont l'intéressé relève appel, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de ces décisions.

Sur la légalité des décisions contestées :

En ce qui concerne le refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...). Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. Il ressort des mentions de la décision en litige qu'elle comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, alors que le préfet n'est pas tenu de mentionner tous les éléments relatifs à la situation de l'étranger. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qui lui paraît le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale.

5. Si M. B... justifie être initialement entré en France en 2011 à l'âge de 10 ans, y avoir été confié à sa tante en situation régulière et avoir été scolarisé, de septembre 2012 à août 2015, en France en unité pédagogique pour élève allophone arrivant, puis inscrit, pour l'année scolaire 2017-2018, dans un dispositif d'insertion et, depuis novembre 2018, à la mission locale du pays de Montbéliard, il n'établit pas la réalité de sa présence sur le territoire entre la fin de l'année scolaire 2015 et la rentrée 2017. Par ailleurs, l'intéressé est célibataire et sans enfants et ne justifie pas de l'intensité de ses attaches privées et familiales en France nonobstant la présence sur le territoire en situation régulière de nombreux oncles, tantes et cousins, alors qu'il n'établit pas avoir rompu tout lien avec son pays d'origine où résident ses parents et dans lequel il est retourné pour plusieurs mois à deux reprises en 2020 puis en 2021 à l'issue d'une mesure d'éloignement. La seule circonstance qu'il dispose d'une promesse d'embauche en qualité de manœuvre ne suffit pas à justifier de son insertion professionnelle en l'absence d'autorisation de travail visée par les services compétents. Dans ces conditions, la décision contestée ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. ".

7. Il appartient à l'autorité administrative, en application de ces dispositions, de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

8. Pour les motifs évoqués ci-dessus, le préfet du Doubs n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'application des dispositions précitées en estimant que l'admission au séjour de M. B... ne répondait pas à des considérations humanitaires et n'était pas davantage justifiée au regard de motifs exceptionnels. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes raisons, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé au regard de son pouvoir de régularisation à titre exceptionnel.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L.425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; / (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues, notamment, à l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent des dispositions de cet article.

10. Ainsi qu'il a été dit au point 5, M. B... n'établit pas la réalité de sa présence sur le territoire français entre la fin de l'année scolaire 2015 et la rentrée 2017. Dès lors, le préfet du Doubs n'était pas tenu, en application des dispositions citées au point précédent, de soumettre le cas du requérant à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués ".

12. Ainsi qu'il a été dit au point 3, la décision portant refus de séjour est suffisamment motivée. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de M. B... ne peut qu'être écarté.

13. Pour les mêmes motifs que ceux qui sont exposés au point 5, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations susmentionnées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision attaquée au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé doivent être écartés.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 12 août 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté attaqué. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 6 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Berthou, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2025.

La rapporteure,

Signé : S. BAUER Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

F. LORRAIN

N° 23NC02368 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02368
Date de la décision : 27/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sandra BAUER
Rapporteur public ?: M. MEISSE
Avocat(s) : GHARZOULI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-27;23nc02368 ?
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