Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes distinctes, la société de droit britannique HCC International Insurance Company plc (HCCI) a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la restitution de crédits de taxe sur la valeur ajoutée non imputables de 496 588,09 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2016 et de 265 486,89 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2017.
Par un jugement n°s 2103977 et 2103979 du 19 septembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 novembre 2022 et un mémoire enregistré le 19 décembre 2024, ce dernier non communiqué, la société HCCI, représentée par Me Cortez et Me Malmonté, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la restitution des crédits de taxe sur la valeur ajoutée de 496 588,09 euros en ce qui concerne l'année 2016 et 265 786,89 euros au titre de l'année 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- étant dans l'impossibilité de télédéclarer la taxe sur la valeur ajoutée, en l'absence de numéro de taxe sur la valeur ajoutée, et le service lui ayant refusé la possibilité de déposer des déclarations " papier ", elle s'est trouvée dans l'impossibilité de satisfaire à la condition de déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée déductible ayant grevé ses opérations et des crédits de taxe correspondants ; en lui refusant pour ce motif le remboursement de ces crédits de taxe , l'administration méconnaît le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, le principe de sécurité juridique, celui de confiance légitime, ceux d'égalité de traitement et de coopération loyale, l'article 214 de la directive relative à la taxe sur la valeur ajoutée, celui de bonne administration consacré à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- réalisant des opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elle met en œuvre la garantie de livraison en s'entremettant entre le constructeur délégué et le maître de l'ouvrage, elle est en droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces opérations ; contrairement à ce que soutient l'administration, elle a justifié par les pièces produites de cette taxe déductible.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête n'est recevable, en vertu de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales, que dans la mesure des demandes de restitution de crédit demandées à la direction nationale des non-résidents le 4 octobre 2017 à hauteur de 117 898 euros et non pas 496 588,09 euros ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 21 novembre 2024, la clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 20 décembre 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Agnel ;
- les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Cortez, représentant la société requérante.
Une note en délibéré, enregistrée le 5 mars 2025, a été présentée pour la société HCCI.
Considérant ce qui suit :
1. La société d'assurance de droit britannique HCCI, dont la succursale française était située à Strasbourg, a saisi, les 5 décembre 2018 et 19 décembre 2019, l'administration fiscale de deux demandes de remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée non imputables, au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017, à raison des opérations réalisées par sa succursale française, en exécution de la garantie de livraisons d'immeubles neufs au profit des maîtres d'ouvrage. Ces réclamations ont fait l'objet de décisions implicites de rejet. La société HCCI relève appel du jugement du 19 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à la restitution de ces crédits de taxe.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 168 de la directive ci-dessus visée du 28 novembre 2006 : " Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti a le droit, dans l'État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :/a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti;/ b) la taxe sur la valeur ajoutée due pour les opérations assimilées aux livraisons de biens et aux prestations de services conformément à l'article 18, point a), et à l'article 27;/ c) la taxe sur la valeur ajoutée due pour les acquisitions intracommunautaires de biens conformément à l'article 2, paragraphe 1, point b) i);/ d) la taxe sur la valeur ajoutée due pour les opérations assimilées aux acquisitions intracommunautaires conformément aux articles 21 et 22;/ e) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens importés dans cet État membre ". Aux termes de l'article 178 de la même directive : " Pour pouvoir exercer le droit à déduction, l'assujetti doit remplir les conditions suivantes:/ a) pour la déduction visée à l'article 168, point a), en ce qui concerne les livraisons de biens et les prestations de services, détenir une facture établie conformément aux articles 220 à 236 et aux articles 238, 239 et 240;/ b) pour la déduction visée à l'article 168, point b), en ce qui concerne les opérations assimilées aux livraisons de biens et aux prestations de services, remplir les formalités qui sont établies par chaque État membre;/ c) pour la déduction visée à l'article 168, point c), en ce qui concerne les acquisitions intracommunautaires de biens, avoir fait figurer sur la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 250 toutes les données nécessaires pour constater le montant de la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de ses acquisitions et détenir une facture établie conformément aux articles 220 à 236;/ d) pour la déduction visée à l'article 168, point d), en ce qui concerne les opérations assimilées aux acquisitions intra-communautaires de biens, remplir les formalités qui sont établies par chaque Etat membre ; e) pour la déduction visée à l'article 168, point e), en ce qui concerne les importations de biens, détenir un document constatant l'importation qui le désigne comme destinataire ou importateur et qui mentionne ou permet de calculer le montant de la taxe sur la valeur ajoutée due; f) lorsqu'il est tenu d'acquitter la taxe en tant que preneur ou acquéreur en cas d'application des articles 194 à 197 et de l'article 199, remplir les formalités qui sont établies par chaque Etat membre " . Aux termes de l'article 179 de la même directive : " La déduction est opérée globalement par l'assujetti par imputation, sur le montant de la taxe due pour une période imposable, du montant de la taxe sur la valeur ajoutée pour laquelle le droit à déduction a pris naissance et est exercé en vertu de l'article 178, au cours de la même période ". Aux termes de l'article 180 de la même directive : " Les États membres peuvent autoriser un assujetti à procéder à une déduction qui n'a pas été effectuée conformément aux articles 178 et 179 ". Aux termes de l'article 183 de la même directive : " Lorsque le montant des déductions dépasse celui de la taxe sur la valeur ajoutée due pour une période imposable, les États membres peuvent soit faire reporter l'excédent sur la période suivante, soit procéder au remboursement selon les modalités qu'ils fixent ". Aux termes de l'article 214 de la même directive : " 1. Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que soient identifiées par un numéro individuel les personnes suivantes : a) tout assujetti (...) qui effectue sur leur territoire respectif des livraisons de biens ou des prestations de services lui ouvrant droit à déduction ".
3. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable/ (...) 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance (...) / IV. La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article 273 du même code : " 1. Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions d'application de l'article 271 ". Aux termes de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts : " I. - Le montant de la taxe déductible doit être mentionné sur les déclarations déposées pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission. Les régularisations prévues à l'article 207 doivent également être mentionnées distinctement sur ces déclarations. / II. - Lorsque, sur une déclaration, le montant de la taxe déductible excède le montant de la taxe due, l'excédent de taxe dont l'imputation ne peut être faite est reporté, jusqu'à épuisement, sur les déclarations suivantes. Toutefois, cet excédent peut faire l'objet de remboursements dans les conditions fixées par les articles 242-0 A à 242-0 K ". Aux termes de l'article 242-0 A de la même annexe dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée déductible dont l'imputation n'a pu être opérée doit faire l'objet d'une demande des assujettis. Le remboursement porte sur le crédit de taxe déductible constaté au terme de chaque année civile ". Aux termes de l'article 242-0 C de la même annexe dans sa rédaction applicable au présent litige : " II (...) les assujettis soumis de plein droit ou sur option au régime normal d'imposition peuvent demander un remboursement lorsque la déclaration mentionnée au 2 de l'article 287 du code général des impôts fait apparaître un crédit de taxe déductible. La demande de remboursement doit porter sur un montant au moins égal à 760 euros ". Il résulte de ces dispositions qu'aucun délai ne s'impose au redevable pour demander le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée non imputable. Cette demande de remboursement est seulement subordonnée à la mention par le redevable, dans les déclarations qu'il est tenu de déposer pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, de ce crédit de taxe non imputable afin que l'administration puisse vérifier que cette demande correspond effectivement à un crédit de taxe dont l'imputation n'a pu être faite. Dans le cadre de cet examen, l'administration est en droit de refuser ou de limiter le remboursement de ce crédit de taxe, y compris en exerçant son droit de reprise à la suite d'une vérification de comptabilité ponctuelle et en effectuant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Enfin, en vertu de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, un redevable est recevable, à tout moment de la procédure, à justifier du bien-fondé de sa demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée, dans la seule limite du montant global mentionné sur celle-ci, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre les périodes d'origine du crédit dont il se prévaut.
4. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. - Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Aux termes de l'article 259 A du même code : " Par dérogation à l'article 259, est situé en France le lieu des prestations de services suivantes :/ (...) 2° Les prestations de services se rattachant à un bien immeuble situé en France, y compris les prestations d'experts et d'agents immobiliers, la fourniture de logements dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire tels que des camps de vacances ou des sites aménagés pour camper, l'octroi de droits d'utilisation d'un bien immeuble et les prestations tendant à préparer ou à coordonner l'exécution de travaux immobiliers, telles que celles fournies par les architectes et les entreprises qui surveillent l'exécution des travaux ". Aux termes de l'article 261 C du même code : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée :/ (...) 2° Les opérations d'assurance et de réassurance ainsi que les prestations de services afférentes à ces opérations effectuées par les courtiers et intermédiaires d'assurances ".
5. Aux termes de l'article 1649 quater B quater du code général des impôts : " III. - Les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée, leurs annexes et les demandes de remboursement de crédit de cette taxe, ainsi que les déclarations de taxes assimilées aux taxes sur le chiffre d'affaires et leurs annexes sont souscrites par voie électronique lorsque le chiffre d'affaires ou les recettes réalisés par le redevable au titre de l'exercice précédent est supérieur à 80 000 € hors taxes ou lorsque l'entreprise est soumise à l'impôt sur les sociétés, quel que soit le montant de son chiffre d'affaires ".
6. Il résulte de l'instruction que la société d'assurance HCCI, dont le siège social est à Londres, a créé en France le 20 février 2008, pour les besoins de son activité principale de garantie des maîtres d'ouvrage en matière de construction, une succursale dont l'établissement, situé à Strasbourg, a été immatriculé sous le numéro Siren 503757635, établissement ayant déclaré la cessation de son activité au 16 juin 2021, ainsi qu'il ressort de la publication correspondante au répertoire Sirene. Il résulte également de l'instruction qu'à raison de ses prestations d'assurance, l'établissement français de la société HCCI était exonéré de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des dispositions ci-dessus reproduites du 2° de l'article 261 C du code général des impôts. Alors que la succursale française s'était vu attribuer lors de sa création un numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée, FR16503657635, elle n'a déposé aucune déclaration de taxe sur la valeur ajoutée et ce numéro d'identification s'est retrouvé invalidé dans la base Vies.
7. Il résulte par ailleurs de l'instruction, et ainsi que l'admet l'administration, que la succursale française de la société HCCI a été amenée au cours des années 2016 et 2017, dans le cadre de la garantie de bonne fin des travaux accordée aux maitres d'ouvrage, à fournir à ces derniers des travaux immobiliers en se substituant aux constructeurs défaillants. Ces prestations de travaux immobiliers réalisées en France ont été fournies soit directement par HCCI, soit, principalement, par un commissionnaire agissant pour son compte, la société Capra appartenant au groupe Verspieren, agissant en tant qu'intermédiaire opaque. De telles opérations de fournitures de travaux immobiliers réalisées en France sont soumises de plein droit à la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des articles 256 et 259 B du code général des impôts. Il en résulte que l'établissement français de la société HCCI était tenu de déposer des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée à raison de ces opérations et de respecter les diverses obligations s'imposant aux redevables de cette imposition. Or, il est constant que la succursale française de la société HCCI n'a déposé aucune déclaration de taxe sur la valeur ajoutée. Il en résulte que la condition tenant à la mention des crédits de taxe sur la valeur ajoutée non imputables sur les déclarations de chiffre d'affaires, à laquelle est subordonnée leur restitution, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, n'a pas été respectée par la société requérante s'agissant des crédits de taxe sur la valeur ajoutée litigieux.
8. Il est vrai qu'il résulte des règles rappelées aux points 2 à 5 ci-dessus que le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée implique que l'administration fiscale ne puisse refuser le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée en l'absence du respect d'une condition de forme par le redevable, sans examiner si les conditions de fond sont satisfaites, que si, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, qu'il appartient au juge de l'impôt de vérifier, cette exigence formelle ne paraît pas disproportionnée par rapport aux nécessités pour l'administration d'en vérifier le bien-fondé.
9. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la succursale française de la société HCCI s'est abstenue de déposer ses déclarations de chiffre d'affaires à raison de ses opérations taxables alors qu'elle y était tenue de plein droit. L'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée d'un redevable ainsi que ses obligations en matière déclarative ne sont pas subordonnés à une décision ou autorisation préalable de l'administration fiscale. La société requérante, qui n'établit pas l'existence d'une erreur de sa part sur sa situation au regard de la taxe, n'est ainsi pas fondée à soutenir que ce n'est qu'à partir de la lettre de la direction générale des finances publiques du 1er octobre 2020, qu'elle a pu connaître l'étendue de ses obligations en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Si elle soutient que son numéro de taxe sur la valeur ajoutée a été invalidé par les services fiscaux, l'empêchant ainsi de télédéclarer ses opérations conformément aux dispositions du III de l'article 1649 quater B quater du code général des impôts, elle n'en justifie pas, alors que l'administration le conteste en soutenant que c'est sur la demande de la société HCCI que cette identification a été désactivée. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que la société HCCI ce serait manifestée en temps utile pour régulariser sa situation. Si elle soutient à cet égard avoir saisi la direction des impôts des non-résidents, au demeurant incompétente pour traiter sa situation, d'une telle demande de régularisation afin de pouvoir déposer des déclarations de chiffre d'affaires sous format physique et s'être heurtée à un refus, elle n'en justifie pas en produisant des copies de courriels qui concernent manifestement une autre société ayant pour numéro Siren 891336117. Il résulte de ces circonstances qu'avant de saisir l'administration fiscale des demandes de remboursement de crédit des 5 décembre 2018 et 19 décembre 2019, la société HCCI n'a pas engagé de démarches en vue de régulariser la situation de sa succursale française au regard de la taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, en lui refusant le remboursement des crédits demandés en l'absence de leur mention sur ses déclarations de chiffre d'affaires, l'administration a fait une exacte application des règles ci-dessus rappelées sans méconnaître les principes de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, de proportionnalité, de sécurité juridique et de confiance légitime et pas davantage, en tout état de cause, celui de bonne administration consacré par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
10. En second lieu, l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales stipule que : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". A défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations. Il résulte toutefois des termes de cet article que le droit au respect de ses biens, reconnu à toute personne physique ou morale, ne fait pas obstacle au droit des Etats de mettre en œuvre les lois qu'ils jugent nécessaires pour assurer le paiement des impôts.
11. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le motif opposé à la société requérante à ses demandes de remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée, repose sur des dispositions que l'Etat et l'Union européenne ont jugé nécessaires pour assurer l'assiette et le contrôle des impôts et que leur mise en œuvre n'a pas été, en l'occurrence, disproportionnée, compte tenu du comportement de la redevable. Par suite, la société HCCI n'est pas fondée à soutenir que le refus de lui verser les sommes litigieuses méconnaîtrait les stipulations ci-dessus reproduites.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir invoquée par l'administration en défense, que la société HCCI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société HCCI est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société HCC International Insurance Company PLC et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 27 février 2025, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Stenger, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mars 2025.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 22NC02889 2