Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 7 mai 2019 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 15 novembre 2018 refusant d'autoriser son licenciement et a autorisé son licenciement.
Par un jugement n° 1905106 du 6 avril 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, un mémoire complémentaire, enregistrés le 6 juin 2021 et le 11 mars 2024, M. A..., représenté par Me Dulmet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 avril 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 7 mai 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et " à titre accessoire ", de mettre à la charge de l'Etat et de la société Protectim Sécurity Services (PSS) une somme de 4 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'omission de deux des quatre mandats qu'il exerçait par la société PSS lors de la consultation du comité d'entreprise du 26 juillet 2018 constitue un vice de procédure substantiel qui n'est pas régularisable par une nouvelle consultation de ce comité, quand bien même la demande d'autorisation de licenciement adressée entre-temps à l'administration a été retirée ;
- la deuxième consultation du comité d'entreprise, organisée le 30 août 2018, est également irrégulière dès lors que sur les six membres présents, seulement quatre d'entre eux ont pris part au vote ; c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'absence de vote par deux membres du comité d'entreprise n'a pas eu d'influence sur le résultat du vote dès lors que leur impossibilité de participer au vote a pu influencer les débats concernant son projet de licenciement ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que son licenciement était dépourvu de tout lien avec les mandats représentatifs qu'il exerçait et/ou son appartenance syndicale ;
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que son absence à son poste de travail constituait une faute suffisamment grave pour autoriser son licenciement ; la ministre du travail a commis une erreur d'appréciation sur la gravité des faits allégués ;
- les premiers juges ont omis de répondre au moyen soulevé devant eux tiré de ce que la décision contestée ne vise pas et ne motive pas le lien entre la demande d'autorisation de licenciement et son appartenance syndicale.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 août 2021 et le 26 mars 2024 non communiqué, la société PS Group, venant aux droits de la société Protectim Security Services, représentée par Me Hakiki, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
La procédure a été communiquée à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Laurence Stenger, première conseillère,
- les conclusions de Mme Cyrielle Mosser rapporteure publique,
- et les observations de Me Wurmberg Popovic substituant Me Dulmet, pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Protectim Security Services a sollicité, le 13 septembre 2018, l'autorisation de licencier pour faute disciplinaire M. A..., employé en tant qu'agent de sécurité, et salarié protégé en sa qualité de représentant syndical au comité d'entreprise, membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, défenseur syndical et conseiller du salarié. Par une décision du 15 novembre 2018, l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser ce licenciement. La SAS Protectim Sécurity Services a formé un recours hiérarchique le 15 janvier 2019 contre cette décision. Par une décision du 7 mai 2019, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 15 novembre 2018 refusant d'autoriser le licenciement de M. A... et a autorisé le licenciement de ce dernier. Ce dernier relève appel du jugement du 6 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 mai 2019.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Il ressort des pièces du dossier que les premiers juges, qui n'avaient pas à répondre à tous les arguments du requérant ont répondu de manière suffisamment motivée à l'ensemble des moyens contenus dans les écritures produites par l'intéressé y compris le moyen tiré du lien entre son licenciement et l'exercice de ses fonctions représentatives, au soutien duquel il arguait que son licenciement résultait de son appartenance syndicale. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de la ministre du travail du 7 mai 2019 :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail, dans sa version applicable : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre élu du comité d'entreprise titulaire ou suppléant, d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement. (...) ". Saisie par l'employeur d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé auquel s'appliquent ces dispositions, il appartient à l'administration de s'assurer que la procédure de consultation du comité d'entreprise a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'autorisation demandée que si le comité d'entreprise a été mis à même d'émettre son avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation.
5. D'une part, M. A... soutient que la première consultation du comité d'entreprise du 26 juillet 2018 relative à son projet de licenciement est irrégulière dès lors que l'employeur a omis d'informer les membres de ce comité qu'il exerçait les mandats de défenseur syndical et de conseiller du salarié. Il précise à cet effet que ce vice, tenant à une garantie substantielle, ne pouvait pas faire l'objet d'une régularisation lors de la seconde consultation du comité d'entreprise du 30 août 2018 également relative à son projet de licenciement. Toutefois, comme l'ont relevé les premiers juges, à supposer même que la consultation du comité d'entreprise du 26 juillet 2018 ait été entachée d'un vice de procédure, cette irrégularité est sans incidence sur la légalité de la décision contestée qui a été édictée à la suite d'une nouvelle demande d'autorisation de licenciement de M. A... formulée le 13 septembre 2018 par la société Protectim Sécurity Services, laquelle avait été précédée d'une consultation du comité d'entreprise le 30 août 2018, comme cela ressort, notamment, du rapport de contre-expertise du 7 juillet 2020.
6. D'autre part, M. A... soutient que lors de la seconde consultation du comité d'entreprise du 30 août 2018 relative à son projet de licenciement, l'impossibilité de voter de deux membres suppléants du comité d'entreprise impliquait qu'ils soient remplacés par des membres titulaires. Cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier, particulièrement du procès-verbal de la réunion du 30 août 2018, que la présence de ces deux membres suppléants ait influencé les débats ni que leur absence de vote ait empêché ledit comité d'émettre un avis en toute connaissance de cause ou aurait faussé sa consultation. Au demeurant, comme cela a d'ailleurs été relevé dans le rapport de contre-expertise précité, les quatre votes émis ayant été favorables au licenciement du requérant, l'éventuel vote de deux élus supplémentaires, quel que soit leur sens, aurait été sans incidence sur l'avis favorable édicté par les membres du comité d'entreprise. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation du comité d'entreprise doit être écarté dans toutes ses branches.
7. En deuxième lieu, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
8. Pour autoriser le licenciement de M. A..., la ministre du travail a considéré que les faits d'abandon de poste pour la période du 7 juin au 1er août 2018 par l'intéressé était établis et que cette faute présentait un caractère de gravité suffisant pour justifier un licenciement.
9. M. A... soutient que l'absence à son poste de travail pour la période citée au point précédent est justifiée et ne constitue donc pas une faute suffisamment grave pour autoriser son licenciement. Toutefois, comme l'ont relevé les premiers juges, il est constant que pendant une période de deux mois, du 7 juin 2018 au 1er août 2018, M. A... était absent de son poste de travail sans l'autorisation de son employeur prévue à l'article 9 de son contrat de travail et qu'il n'a, par conséquent, pas exécuté ses missions d'agent de sécurité. Or, la circonstance qu'il invoque, tirée de ce que cette absence serait justifiée par le défaut de paiement de plusieurs primes, frais et complément de salaires que son employeur n'aurait totalement régularisé que lors du versement de son salaire du mois d'août 2018, à la supposer même établie, n'est pas de nature à justifier l'inexécution de ses obligations contractuelles d'agent de sécurité dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que c'est postérieurement à la notification par son employeur, le 4 juin 2018, de son emploi du temps pour le mois de juin 2018, que M. A... lui a indiqué, les 7 et 25 juin 2018, qu'il refusait d'exécuter ses obligations contractuelles pour les mois de juin et de juillet 2018. Il est également constant qu'en dépit des mises en demeure de reprendre son poste ou de justifier les raisons de son absence, notifiées au requérant par des courriers des 2 et 5 juillet 2018, M. A... n'a pas repris son activité. D'autre part, il n'est pas contesté que l'absence de M. A... à son poste de travail a impliqué qu'en urgence, la société Protectim Sécurity Services modifie l'organisation de sa planification et procède à son remplacement par un agent de sécurité qualifié dans des conditions qui l'ont empêchée de respecter les stipulations conventionnelles et règlementaires qui lui imposent d'organiser un délai de prévenance de sept jours entre l'envoi du planning et le début de la prestation du salarié. Dans ces conditions, dès lors qu'il est établi que l'absence de M. A... entre le 7 juin 2018 et le 1er août 2018 était injustifiée, son refus d'exécuter ses obligations contractuelles, pendant une période de presque deux mois, constitue une faute qui revêt un caractère suffisamment grave pour justifier son licenciement. A cet égard est inopérante la circonstance que M. A... ait, de son plein gré, repris son activité le 2 août 2018. Est également sans incidence la circonstance que l'inspectrice du travail a relevé que l'abandon de poste intervenait après l'envoi de plusieurs courriers adressés par le salarié à son employeur pour l'avertir qu'il n'honorerait pas son planning si les sommes qu'il estimait lui être dues n'étaient pas régularisées, ce qui avait justifié qu'il saisisse, le 5 juin 2018, le conseil de prud'hommes de Strasbourg, instance dont il s'est au demeurant désisté dès le 12 juillet 2018 alors qu'il était toujours en situation d'abandon de poste. Par conséquent, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la ministre du travail de l'emploi et de l'insertion a commis une erreur d'appréciation en autorisant son licenciement.
10. En dernier lieu, contrairement à ce soutient M. A..., la circonstance qu'il a été affecté à Epinal en août 2015, à plusieurs heures de train de son domicile, quelques jours après sa désignation en tant que représentant syndical au sein du comité d'entreprise en juillet 2015, ne permet pas d'établir que la demande d'autorisation de licenciement aurait un lien avec l'exercice de ses mandats dès lors qu'une clause de mobilité est expressément prévue à l'article V de son contrat de travail. Par ailleurs, si le requérant fait valoir qu'il a fait l'objet de discriminations syndicales au motif que son employeur tardait à lui rémunérer certaines sommes qui lui étaient dues, il reconnaît lui-même dans ses écritures que la régularisation de ces sommes est intervenue en juin et juillet 2018, ce qui avait d'ailleurs entraîné, comme indiqué au point précédent, le désistement de sa requête devant le conseil de prud'hommes de Strasbourg. En outre, la circonstance que la société Protectim Sécurity Services aurait signé un accord d'entreprise avec d'autres syndicats " afin de modifier le délai de prise des heures de délégation " ne saurait justifier un lien entre le licenciement de M. A... et ses fonctions représentatives. Enfin, si le requérant fait valoir que les changements opérés par son employeur sur ses plannings, dont il ne démontre au demeurant pas les envois tardifs, avaient pour objectif de l'obliger à travailler le jeudi, son jour de repos, afin de l'empêcher d'assister aux audiences du conseil de prud'hommes de Strasbourg, il ressort des clauses de l'article VII de son contrat de travail que " la répartition hebdomadaire ou mensuelle de la durée du travail de l'intéressé pourra être modifié en fonction des nécessités liées au bon fonctionnement de l'entreprise ". Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la demande d'autorisation de son licenciement par la société Protectim Sécurity Services aurait un lien avec l'exercice de ses fonctions représentatives. Par suite, ce moyen doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 mai 2019 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 15 novembre 2018 refusant d'autoriser son licenciement et a autorisé son licenciement.
Sur les conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat ou à titre subsidiaire à la charge de la société Protectim Sécurity Services, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties tenues aux dépens ou les parties perdantes, une somme au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. D'autre part, et dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société Protectim Sécurity Services sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Protectim Sécurity Services tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la société Protectim Sécurité et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Délibéré après l'audience publique du 27 février 2025, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Stenger, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mars 2025.
La rapporteure,
Signé : L. Stenger Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
21NC01642 2