Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2022 par lequel le préfet du Jura a prononcé son expulsion du territoire français à destination de l'Algérie.
Par un jugement n° 2301428 du 22 février 2024, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 juin 2024, M. A... C..., représenté par Me Hakkar, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 février 2024 ;
2°) de faire droit à sa demande ;
3°) d'enjoindre au préfet du Jura de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- c'est à tort que le préfet a considéré que sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public ;
- la décision d'expulsion méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est en droit de bénéficier d'un certificat de résidence en sa qualité de parent d'enfants français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2024, le préfet du Jura conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Durup de Baleine,
- les conclusions de Mme Bourguet, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., ressortissant algérien né le 20 juillet 1997, est entré sur le territoire français le 20 octobre 2015, dans des conditions régulières. Il a été mis en possession d'un certificat de résidence valable du 22 janvier 2018 au 21 janvier 2019, puis d'un certificat de résidence valable du 22 janvier 2019 au 22 février 2029. Il relève appel du jugement du 22 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 décembre 2022 par lequel le préfet du Jura a prononcé son expulsion du territoire français à destination de l'Algérie.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ne font pas obstacle à l'application à un ressortissant algérien de la réglementation générale autorisant qu'il soit procédé à l'expulsion d'un étranger suivant les modalités définies par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Aux termes de l'article L. 631-1 de ce code : " L'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, sous réserve des conditions propres aux étrangers mentionnés aux articles L. 631-2 et L. 631-3. ".
3. Les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion et ne dispensent pas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace grave pour l'ordre public. Lorsque l'administration se fonde sur l'existence d'une telle menace pour prononcer l'expulsion d'un étranger, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.
4. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 11 juillet 2019, le tribunal correctionnel de Lons-le-Saunier a condamné M. C... à la peine de dix-huit mois d'emprisonnement dont six mois avec sursis, avec mise à l'épreuve pendant deux ans, en répression de faits commis le 7 juillet 2019 de violences volontaires infligées à sa concubine, mère de leur enfant né à Lons-le-Saunier le 18 octobre 2017, violences ayant entraîné une incapacité totale de travail de dix jours, le requérant ayant étranglé la victime et lui ayant porté des coups de pieds et de mains jusqu'à lui percer le tympan et qu'elle perde connaissance, alors qu'enceinte de quatre mois, elle présentait une vulnérabilité particulière connue de M. C.... En outre, ce dernier, par un jugement du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier du 3 septembre 2020, a été condamné à une peine de dix mois d'emprisonnement, en répression de faits commis le 1er décembre 2019, le 26 avril 2020, le 5 juin 2020 et le 20 août 2020 de conduite d'un véhicule en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants ainsi que de faits, commis le 26 avril 2020 et le 20 août 2020, de conduite d'un véhicule à moteur malgré une suspension administrative ou judiciaire du permis de conduire. Par ailleurs, alors qu'écroué à la maison d'arrêt de Lons-le-Saunier, M. C... s'était vu octroyer, par une décision du juge de l'application des peines de Lons-le-Saunier du 19 juin 2020, une mesure de détention à domicile sous surveillance électronique, il y a été mis fin le 7 septembre 2020 pour rupture du bracelet électronique, absence de recherche de travail et commission d'une nouvelle infraction pendant le délai d'épreuve. M. C... a ensuite, par une décision du juge de l'application des peines de Lons-le-Saunier du 8 février 2021, bénéficié d'un nouvel aménagement de peine sous forme de semi-liberté, à laquelle il a été mis fin le 14 mai 2021 en raison d'un comportement inadapté en détention et d'une absence lors d'une formation. Ne ressortent pas du dossier des circonstances postérieures caractérisant un amendement notable du comportement de M. C.... Eu égard à l'ensemble de ces faits, qui sont récents, en particulier la nature et la gravité de ceux commis le 7 juillet 2019, le préfet du Jura ne s'est pas livré à une inexacte application de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, que la présence de M. C... en France constitue une menace grave pour l'ordre public, de nature à justifier son expulsion du territoire français.
5. La circonstance que M. C..., qui est le père de deux enfants mineurs résidant en France et dont pour cette raison la situation ne relève pas des prévisions du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, aurait rempli les conditions ouvrant droit à la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " au titre du 4) de cet article 6, ne faisait pas obstacle à ce qu'il lui soit fait application des dispositions de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. La circonstance que M. C... aurait rempli les conditions ouvrant la possibilité d'obtenir un certificat de résidence de dix ans en application de l'article 7bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne faisait pas obstacle à ce qu'il lui soit fait application des dispositions de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Le séjour du requérant, qui est arrivé en France au mois d'octobre 2015 à l'âge de 18 ans et non en 2014 à l'âge de 17 ans comme il le fait valoir, séjour d'une durée de sept ans, s'il n'est pas récent, n'est pas très ancien. Il est le père de deux enfants, mineurs, de nationalité française, nés l'une le 18 octobre 2017 et l'autre le 10 décembre 2019. La mère de ces enfants est la personne sur laquelle il a commis le 7 juillet 2019 les violences pénalement réprimées le 11 juillet 2019. Il n'existe pas de communauté de vie habituelle entre, d'une part, M. C... et, d'autre part, ces deux enfants et leur mère. Une participation de M. C... à l'entretien de ces enfants, par le versement de sommes d'argent à leur mère, ne nécessite pas la présence de l'intéressé sur le territoire français et la réalité d'une telle participation n'est pas établie par les pièces présentées comme des attestations émanant de la mère. Une contribution effective de M. C... à l'éducation de ces enfants, depuis leur naissance ou depuis au moins un an, n'est pas établie. Les membres de la famille du requérant établis en France, en particulier son père né en 1952, sont eux-mêmes de nationalité algérienne et peuvent se rendre en Algérie. M. C... conserve des attaches familiales en Algérie, où résident sa mère, un frère et une sœur. Si M. C... se prévaut de sa relation avec une ressortissante algérienne née en 1983, titulaire d'un certificat de résidence, la relation ainsi alléguée est récente et, compte tenu de la nationalité de cette personne, peut se poursuivre en Algérie. Dès lors, il ne ressort pas du dossier que le préfet du Jura, en décidant d'expulser M. C... du territoire français à destination de l'Algérie, se serait livré à une conciliation manifestement déséquilibrée entre le droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale et les nécessités, dans une société démocratique, de la préservation de l'ordre public. En conséquence, cette mesure d'expulsion ne porte pas à ce droit une atteinte disproportionnée aux buts qu'elle poursuit. Il en résulte qu'elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Le présent arrêt, qui ne fait pas droit aux conclusions en annulation présentées par M. C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction qu'il présente ne sauraient, dès lors, être accueillies.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Hakkar.
Copie en sera adressée au préfet du Jura.
Délibéré après l'audience du 25 février 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Durup de Baleine, président,
- M. Barlerin, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : A. Durup de BaleineL'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
Signé : A. Barlerin
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 24NC01578