Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 30 août 2024 par lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer a renouvelé, pour une durée de trois mois, la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance à compter du 13 septembre 2024.
Par un jugement n° 2406613 du 23 septembre 2024, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2024, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 septembre 2024 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. A....
Il soutient que :
- la menace terroriste se maintient à un niveau très élevé sur le territoire français, notamment en raison du risque d'importation du conflit israélo-palestinien ; le marché de Noël de Strasbourg fait l'objet d'une menace spécifique ;
- la note des services de renseignements généraux établit que les conditions posées par l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure sont satisfaites ;
- l'arrêté est adapté et proportionné ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la mesure en litige ne vise pas en particulier à prévenir la menace terroriste lors du marché de Noël de Strasbourg mais tient compte de l'existence plus générale de cette menace sur le territoire ; la limitation des déplacements au département du Bas-Rhin a été prise pour tenir compte des contraintes professionnelles de M. A... ; l'intéressé peut bénéficier de sauf-conduits ; il importe peu que le juge judiciaire a réduit les mesures du contrôle judiciaire qui sont indépendantes de la procédure administrative.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2024, M. A..., représenté par Me Morant, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les conditions fixées par l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure ne sont pas remplies ;
- l'arrêté est disproportionné au regard de l'objectif poursuivi dès lors que les Jeux olympiques et paralympiques, qui ont motivé la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance initiale, sont terminés et qu'auparavant, il n'a jamais été placé sous une telle mesure, qu'il n'est pas signalé pour être particulièrement sensible aux problématiques du conflit israélo-palestinien ; il ne représente pas une menace actuelle en l'absence de tout élément depuis avril 2020 le concernant ; les mesures de contrôle prennent effet bien avant le début du marché de Noël, la limitation de ses déplacements dans le seul département du Bas-Rhin est incohérente avec le motif qui justifie cette restriction, le marché de Noël, et ne tient pas compte de ses contraintes professionnelles dans le Haut-Rhin ; l'obligation de pointage quotidienne à 19 heures est incompatible avec son activité professionnelle et sa vie de famille alors que ses demandes de sauf-conduit sont refusées.
Par décision du 10 février 2025, la présidente de la cour a autorisé l'occultation du nom des magistrats et du greffier en application des articles L. 10 alinéa 3 et R. 741-14 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
-le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M.,
- les conclusions de M., rapporteur public,
- les observations de Mme, pour le ministre de l'intérieur et de Me Morant, pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 10 juin 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a pris à l'encontre de M. A..., ressortissant russe, mis en examen pour des faits de terrorisme, une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance, sur le fondement des articles L. 228-1 et L. 228-2 du code de la sécurité intérieure, pour une durée de trois mois. Par un arrêté du 30 août 2024, le ministre de l'intérieur a renouvelé cette mesure, pour une durée identique, avec effet à compter du 13 septembre 2024, lui interdisant de se déplacer en dehors du territoire du département du Bas-Rhin, l'obligeant à se présenter une fois par jour au commissariat de police de Strasbourg, tous les jours, à 19 heures, y compris les dimanches et jours fériés ou chômés, à confirmer et justifier son lieu d'habitation dans un délai de 24 heures suivant l'entrée en vigueur de l'arrêté et tout changement ultérieur, lui interdisant d'entrer en relation avec son frère et de paraître du 27 novembre 2024 au 12 décembre 2024, dans le périmètre du marché de Noël de Strasbourg. Le ministre de l'intérieur fait appel du jugement du 23 septembre 2024, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté en raison de son caractère inadapté et disproportionné.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure : " Aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes peut se voir prescrire par le ministre de l'intérieur les obligations prévues au présent chapitre ". Aux termes de l'article L. 228-2 du même code : " Le ministre de l'intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République antiterroriste et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à la personne mentionnée à l'article L. 228-1 de : / 1° Ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune. La délimitation de ce périmètre permet à l'intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle et s'étend, le cas échéant, aux territoires d'autres communes ou d'autres départements que ceux de son lieu habituel de résidence ; / 2° Se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et jours fériés ou chômés ; / 3° Déclarer son lieu d'habitation et tout changement de lieu d'habitation. / Les obligations prévues aux 1° à 3° du présent article sont prononcées pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre. Elles peuvent être renouvelées par décision motivée, pour une durée maximale de trois mois, lorsque les conditions prévues à l'article L. 228-1 continuent d'être réunies. Au-delà d'une durée cumulée de six mois, chaque renouvellement est subordonné à l'existence d'éléments nouveaux ou complémentaires. La durée totale cumulée des obligations prévues aux 1° à 3° du présent article ne peut excéder douze mois. Les mesures sont levées dès que les conditions prévues à l'article L. 228-1 ne sont plus satisfaites (...) ". L'article L. 228-5 du même code énonce que : " Le ministre de l'intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République antiterroriste et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à toute personne mentionnée à l'article L. 228-1, y compris lorsqu'il est fait application des articles L. 228-2 à L. 228-4, de ne pas se trouver en relation directe ou indirecte avec certaines personnes, nommément désignées, dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité publique (...) ". Aux termes de l'article L. 228-6 du code de la sécurité intérieure : " (...) La définition des obligations prononcées sur le fondement de ces articles tient compte, dans le respect des principes de nécessité et de proportionnalité, des obligations déjà prescrites par l'autorité judiciaire. (...) ".
3. Il résulte des dispositions de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure que les mesures qu'il prévoit doivent être prises aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme et sont subordonnées à deux conditions cumulatives, la première tenant à la menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics résultant du comportement de l'intéressé, la seconde aux relations qu'il entretient avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme ou, de façon alternative, au soutien, à la diffusion ou à l'adhésion à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes.
4. S'il ressort des pièces du dossier que la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance initiale prise à l'encontre de M. A... a été adoptée, en juin 2024, en raison de la tenue des Jeux olympiques et paralympiques en France, elle s'inscrit plus globalement dans un contexte national et international dans lequel la menace terroriste reste élevée, notamment du fait du conflit israélo-palestinien, comme le démontrent les tentatives d'attentats, rappelées par le ministre de l'intérieur, qui ont été déjouées sur le territoire français au cours de l'année 2024. Ainsi, et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, eu égard à ce risque de menace terroriste et compte tenu également de la perspective de la tenue du marché de Noël de Strasbourg du 27 novembre au 24 décembre 2024, qui n'est pas l'unique motif de l'édiction de l'arrêté en litige, le renouvellement des mesures de contrôle prises à l'encontre de M. A... est adapté à l'objectif poursuivi de sécurité publique alors même que le marché de Noël n'ouvrira au public qu'à compter du 27 novembre 2024, que les mesures spécifiquement prévues par l'arrêté en litige pour ce marché ne couvriront pas toute sa durée, et que cet évènement, qui attire de nombreux touristes, fait l'objet d'un dispositif de sécurité spécifique.
5. Par ailleurs, si M. A..., qui est dirigeant d'une société qui exerce dans le secteur de l'électricité et qui emploie plusieurs salariés, a justifié, par la production de factures et d'actes d'engagement, déployer son activité dans les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, il ressort de ces mêmes documents que la majeure partie de ses chantiers se déroulent dans le Bas-Rhin. Il n'est aucunement établi que le bon déroulement des chantiers situés dans le Haut-Rhin nécessiterait la présence régulière de l'intéressé. En effet, les justificatifs qu'il a produits et les extraits de son agenda établissent au contraire des rendez-vous ponctuels et de surcroît programmés en dehors du périmètre où il est autorisé à se déplacer librement. L'allégation selon laquelle la restriction de déplacement compromettrait la pérennité de son activité n'est pas établie. Ainsi, et alors qu'il est toujours loisible à l'intéressé de solliciter un sauf-conduit, les refus qui lui ont été opposés l'ayant été pour des demandes présentées pour des convenances personnelles sans lien avec son activité professionnelle, ni la mesure de restriction géographique, élargie par l'arrêté en litige de la commune de Strasbourg au département du Bas-Rhin, ni l'obligation de pointage quotidien au commissariat de Strasbourg ne revêtent un caractère inadapté et disproportionné au regard du but poursuivi. En se bornant à soutenir que le ministre de l'intérieur a refusé de lui délivrer des sauf-conduits pour se rendre en vacances en famille, M. A... n'établit pas davantage que la limitation de ses déplacements au département du Bas-Rhin et l'obligation quotidienne de pointage porteraient une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie familiale normale.
6. Enfin, M. A... ne peut utilement se prévaloir de l'assouplissement des mesures du contrôle judiciaire dont il fait l'objet dans le cadre de l'enquête pénale dans laquelle il a été mis en examen pour des faits d'association de malfaiteurs terroriste en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes visées au 1° de l'article 421-1 du code pénal, de financement d'entreprise terroriste et d'escroquerie avec une entreprise terroriste à titre connexe dès lors que ces mesures poursuivent un objectif distinct des mesures administratives. En outre, si l'interdiction d'entrer directement ou indirectement en contact avec son frère est déjà prescrite par son contrôle judiciaire, cette circonstance n'est pas de nature à regarder cette interdiction comme revêtant un caractère inutile, eu égard à l'objectif différent de la mesure individuelle de contrôle prise par le ministre, ni disproportionné dès lors qu'elle n'induit aucune contrainte supplémentaire.
7. Dans ces conditions, et bien que M. A... ait respecté les mesures imposées dans le cadre du précédent arrêté, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur le moyen tiré du caractère inadapté et disproportionné de l'arrêté en litige pour l'annuler.
8. Toutefois, il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... en première instance et en appel.
En ce qui concerne le moyen tiré de la compétence du signataire de l'arrêté en litige :
9. Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. / Toutefois, les décisions fondées sur des motifs en lien avec la prévention d'actes de terrorisme sont prises dans des conditions qui préservent l'anonymat de leur signataire. Seule une ampliation de cette décision peut être notifiée à la personne concernée ou communiquée à des tiers, l'original signé, qui seul fait apparaître les nom, prénom et qualité du signataire, étant conservé par l'administration ". L'article L. 773-9 du code de justice administrative dispose que : " Les exigences de la contradiction mentionnées à l'article L. 5 sont adaptées à celles de la protection de la sécurité des auteurs des décisions mentionnées au second alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration. / Lorsque dans le cadre d'un recours contre l'une de ces décisions, le moyen tiré de la méconnaissance des formalités prescrites par le même article L. 212-1 ou de l'incompétence de l'auteur de l'acte est invoqué par le requérant ou si le juge entend relever d'office ce dernier moyen, l'original de la décision ainsi que la justification de la compétence du signataire sont communiqués par l'administration à la juridiction qui statue sans soumettre les éléments qui lui ont été communiqués au débat contradictoire ni indiquer l'identité du signataire dans sa décision ".
10. Le ministre de l'intérieur et de l'outre-mer a produit, en première instance, dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article L. 773-9 du code de justice administrative, un exemplaire de l'arrêté du 30 août 2024 en litige, qui comporte le prénom, le nom, la qualité et la signature de son auteur. Il a également justifié que son auteur bénéficiait d'une délégation de signature régulière pour signer l'arrêté au nom du ministre. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'absence de transmission de l'arrêté en litige au ministère public :
11. Il ressort des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur et des outre-mer a informé le procureur de la République antiterroriste et le procureur de la République territorialement compétent en application du premier alinéa de l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure. Par suite, le moyen tiré du défaut d'information du ministère public doit, en tout état de cause, être écarté.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure :
12. Pour estimer qu'il existe des raisons sérieuses de penser que le comportement de M. A... constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics, le ministre de l'intérieur a pris en considération qu'en 2014, l'intéressé a manifesté des velléités de rejoindre son frère en zone syro-irakienne, lequel, selon une enquête préliminaire ouverte en 2018, pour association de malfaiteurs terroristes, a rejoint d'abord la Géorgie, où il a participé à une prise d'otage en 2012, puis la Turquie. Il a rappelé que des investigations judiciaires ont mis en évidence qu'il avait transféré des fonds, entre juillet 2011 et juillet 2012, vers la Géorgie, à son frère, faits que l'intéressé a minimisé en faignant de ne pas s'en souvenir ou d'avoir adressé des dons à des associations. Il s'est également fondé sur les déclarations de l'intéressé, à la suite de son interpellation le 26 novembre 2019, dans lesquelles il a reconnu avoir accompagné son frère à l'aéroport de Bâle Mulhouse en août 2012, et non 2015 comme indiqué de manière erronée dans la note des services de renseignements, avoir été en contact régulier avec lui depuis cette date et l'avoir rencontré en Turquie en 2014. L'arrêté mentionne qu'au cours de conversations avec sa belle-sœur, l'intéressé a évoqué les raisons de l'arrestation de son frère, employant les termes de " hochet " et de " petits avions " qui désignent en tchétchène les drones et armes telles que les grenades, qu'il a également admis avoir communiqué avec son frère jusqu'au début de l'année 2019, lui avoir ouvert des lignes téléphoniques sous diverses identités et l'avoir aidé financièrement entre 2012 et 2018. Le ministre s'est aussi fondé sur les fichiers vidéos de l'organisation Daesch qui ont été retrouvés sur l'ordinateur de l'intéressé et sur sa mise en examen le 29 novembre 2019 pour des faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime d'atteinte aux personnes, financement d'une entreprise terroriste et escroquerie avec une entreprise terroriste, faits pour lesquels il a été placé en détention provisoire avant d'être libéré et placé sous contrôle judiciaire le 7 avril 2020.
13. Le requérant se prévaut notamment de l'ancienneté des faits qui lui sont reprochés, de l'absence de mesures de contrôle avant l'été 2024 et soutient que le contexte international, notamment le conflit israélo-palestinien, rappelé par le ministre dans l'arrêté en litige, n'est pas de nature à justifier la mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance.
14. Toutefois, d'une part, en se bornant à soutenir qu'il n'a pas été informé de l'existence d'un signalement à la suite de sa tentative de rejoindre son frère en zone irako-syrienne, M. A... n'établit pas l'inexactitude de cette mention figurant dans la note blanche. Il ressort, en outre, des pièces du dossier, et en particulier de cette même note soumise au débat contradictoire, précise et circonstanciée, que l'intéressé a transmis régulièrement des fonds directement ou indirectement à son frère, qu'il a également évoqué avec l'épouse de ce dernier les raisons de son incarcération en Turquie en recourant à des termes qui, pour les initiés, font référence, selon la note de renseignements, à des drones et des grenades, rendant peu probable son ignorance totale des agissements de son frère. D'ailleurs, dans son arrêt du 7 avril 2020, la huitième chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a relevé qu'il existait des indices graves et concordants à l'encontre de l'intéressé concernant les faits qui lui sont reprochés. Il ressort également des pièces du dossier, notamment de cet arrêt de la chambre de l'instruction, que M. A... a fourni des explications évasives concernant notamment les vidéos retrouvées sur l'ordinateur familial ou sur les photographies sur lesquelles il apparaît avec des armes, factices selon ses allégations, ou avec le doigt levé, auquel il dénie toute signification alors qu'il est généralement perçu comme un signe d'allégeance à l'Etat islamique. L'intéressé enfin a été condamné le 7 janvier 2019 par les autorités allemandes à des jours amendes pour transport délibéré d'une arme prohibée. Dans ces conditions, eu égard au contexte national et international dans lequel la menace terroriste demeure à un niveau particulièrement élevé, notamment en considération du conflit israélo-palestinien, et de la tenue du marché de Noël de Strasbourg, le ministre a pu estimer, sans erreur d'appréciation, qu'il existait des raisons sérieuses de penser que le comportement de M. A... constituait toujours une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre public, quand bien même son contrôle judiciaire a été sensiblement assoupli et qu'il n'est pas connu pour être lui-même radicalisé.
15. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. A... a maintenu jusqu'en 2019 des contacts réguliers avec son frère, qui est identifié comme membre de la mouvance islamiste radicale et qui a fait l'objet, le 3 octobre 2019, d'une information judiciaire des chefs d'association de malfaiteurs terroriste en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteinte aux personnes, financement d'une entreprise terroriste et escroquerie en relation avec une entreprise terroriste à titre connexe. En outre, l'intéressé est lui-même mis en examen pour ces mêmes faits. Dans ces conditions, le ministre a pu considérer qu'il entretient des relations habituelles avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme ou qu'il adhère et soutient des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes.
16. Il s'ensuit qu'en prononçant l'arrêté en litige, le ministre n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure.
17. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 30 août 2024.
Sur les frais de l'instance :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2406613 du 23 septembre 2024 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de M. A... est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. A... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. B....
Délibéré après l'audience du 11 février 2025, à laquelle siégeaient :
- M., président,
- M., premier conseiller,
- Mme, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2025.
Le président rapporteur,
SignéL'assesseur le plus ancien,
Signé
La greffière,
Signé
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 24NC02624
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