Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 10 février 2023 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2301915 du 19 octobre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2023, M. B... A..., représenté par Me Milich, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 19 octobre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 février 2023 du préfet de la Moselle ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer un récépissé de carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " et de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le refus de titre et l'obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivés ;
- il n'a pas été procédé à un examen complet de sa situation personnelle avant la prise de ces deux décisions ;
- il n'a pas été invité à présenter préalablement ses observations avant la prise de ces deux décisions ;
- le refus de titre est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au titre des dispositions des articles L.423-23 et L.435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile tel qu'interprété par la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire est entachée d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'interdiction de retour est illégale par exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;
- elle n'est pas motivée ;
- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet de la Moselle ne s'est pas prononcé sur l'ensemble des critères énoncés par le 8ème alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle ne pouvait être édictée dès lors qu'un délai de départ volontaire lui a été accordé ;
- des circonstances humanitaires s'opposent à une telle mesure ;
- elle méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2024, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Berthou a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 28 mars 1991, de nationalité bangladaise, a sollicité son admission au séjour le 22 février 2021 sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 10 février 2023 le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. A... demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 19 octobre 2023 rejetant ses conclusions à fins d'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les moyens communs à la décision portant refus de titre de séjour et à l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet de la Moselle, après avoir cité les textes applicables, a rappelé le parcours de l'intéressé et sa situation personnelle et familiale, puis expliqué en des termes suffisamment précis les raisons pour lesquelles il a considéré qu'il n'y avait pas lieu de lui délivrer un titre de séjour. Il résulte par ailleurs de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la décision attaquée, prise sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 de ce code, n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision de refus de titre de séjour, laquelle, comme il a été dit, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Ainsi, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation doivent être écartés.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle n'aurait pas procédé à l'examen de la situation particulière de M. A..., avant de prendre les décisions contestées. Dès lors, les moyens tirés d'un tel défaut d'examen doivent être écartés.
4. En troisième lieu, le préfet de la Moselle n'avait pas, avant de statuer sur la demande de titre de séjour de M. A..., à solliciter ses observations. Ce dernier, qui ne pouvait raisonnablement ignorer qu'en cas de rejet de sa demande de titre, il était susceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, a pu présenter, dans le cadre de l'instruction sa demande, les observations qu'il estimait utiles. Il n'établit pas, ni même n'allègue avoir sollicité en vain un entretien avec les services de la préfecture, ni même avoir été empêché de présenter des observations complémentaires avant que ne soit prise la mesure d'éloignement en litige et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction d'une telle mesure. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du droit de présenter ses observations doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
5. M. A... n'apporte aucun élément de fait ou de droit nouveau pour soutenir que le préfet de la Moselle aurait méconnu les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus, à juste titre, par le tribunal administratif aux points 5 à 9 du jugement litigieux.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 du présent arrêt par adoption des motifs retenus par les premiers juges, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
7. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision attaquée est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
9. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui se sont substituées aux anciennes dispositions de l'article L. 511-1 du même code abrogé par une ordonnance du 16 décembre 2020, permettent au préfet de prononcer une interdiction de retour sur le territoire français alors même qu'un délai de départ volontaire a été accordé.
10. En troisième lieu, pour motiver l'interdiction de retour d'un an, l'arrêté contesté relève que si l'intéressé est présent en France depuis 2014, il n'y a pas établi sa vie privée et familiale, n'établit pas être isolé dans son pays d'origine, le Bangladesh, où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-trois ans et que s'il ne représente pas une menace actuelle pour l'ordre public et n'a pas fait l'objet d'une précédente décision portant obligation de quitter le territoire, il ne justifie d'aucune circonstance humanitaire particulière y faisant obstacle. Elle est, par suite, suffisamment motivée.
11. En quatrième lieu il ressort des motifs de la décision attaquée, rappelés au point précédent, que le préfet a pris en compte les quatre critères énumérés par les dispositions précitées de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit donc être écarté.
12. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... est célibataire, sans enfant et ne justifie pas d'une intégration particulière en France, même s'il y a travaillé entre 2019 et 2021. Il n'a, par ailleurs, entrepris aucune démarche en vue d'une régularisation après le rejet de sa demande d'asile et se maintient ainsi en situation irrégulière en France depuis 2015. Ainsi, malgré l'absence de précédente mesure d'éloignement et de risque de trouble à l'ordre public et alors qu'en tout état de cause aucune circonstance humanitaire ne s'y oppose, le préfet de la Moselle a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, édicter à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 6 février 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Bauer, présidente,
- M. Meisse, premier conseiller,
- M. Berthou, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2025.
Le rapporteur,
Signé : D. BERTHOULa présidente,
Signé : S. BAUERLe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 23NC03446 2