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25/02/2025 | FRANCE | N°21NC02298

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 25 février 2025, 21NC02298


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le port autonome de Strasbourg à lui verser la somme de 59 209,49 euros, à parfaire par l'ajout d'un montant dû au titre de la rémunération que M. D... aurait dû percevoir entre le 1er avril 2019 et la date du jugement, augmentée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de la décision du 6 février 2018 prono

nçant son licenciement pour suppression d'emploi.



Par un jugement n° 1804771 du 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le port autonome de Strasbourg à lui verser la somme de 59 209,49 euros, à parfaire par l'ajout d'un montant dû au titre de la rémunération que M. D... aurait dû percevoir entre le 1er avril 2019 et la date du jugement, augmentée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de la décision du 6 février 2018 prononçant son licenciement pour suppression d'emploi.

Par un jugement n° 1804771 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 11 août 2021, 14 janvier 2022 et 11 mai 2023, M. D..., représenté par Me Zengerle, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de condamner le port autonome de Strasbourg à lui verser la somme de 83 446,58 euros, à parfaire, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la demande préalable en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de la décision du 6 février 2018 prononçant son licenciement pour suppression d'emploi ;

3°) de mettre à la charge du port autonome de Strasbourg une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) Batorama relève des règles de droit privé ;

- en droit privé, la suppression de poste conduisant à un licenciement du salarié concerné ne peut être envisagée qu'en cas de motifs économiques et ne peut pas être justifiée par des considérations tenant à la personne du salarié ;

- la loi du 6 août 2015 ne prévoit de suspension de poste que pour des motifs économiques ;

- certaines clauses de nature réglementaire du statut du personnel du port autonome de Strasbourg sont contraires à la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la décision de licenciement est entachée d'une illégalité fautive dès lors qu'elle est fondée sur la décision portant suppression d'emploi en date du 19 octobre 2017 ;

- la décision du 19 octobre 2017 prononçant la suppression de poste a été prise par une autorité incompétente, sans qu'il ait été mis en mesure de présenter ses observations, sans que la SASU Batorama n'ait été consultée, est entachée de détournement de pouvoir en l'absence de motif économique, a été prise pour des considérations personnelles et le grief tiré de l'absence d'évolution professionnelle ne pouvait justifier une telle suppression ;

- la décision de licenciement constitue une décision de licenciement pour insuffisance professionnelle déguisée et a été prise en méconnaissance de la procédure disciplinaire ;

- la décision de licenciement est entachée d'une erreur de droit tirée de ce qu'en application de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, il ne pouvait pas être licencié pour suppression d'emploi et aurait dû être réaffecté au sein du port autonome de Strasbourg, au besoin en surnombre ;

- la décision méconnait le principe selon lequel tout fonctionnaire en activité a le droit de recevoir une affectation correspondant à son grade ;

- la décision de licenciement est entachée d'une erreur de fait dès lors que le port autonome de Strasbourg ne lui a proposé aucune offre de reclassement ;

- il a subi un préjudice financier et un préjudice moral.

Par des mémoires en défense enregistrés les 17 décembre 2021, 4 mai 2023 et 16 mai 2023, le port autonome de Strasbourg, représenté par Me Muller-Pistré, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. D... une somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code des transports ;

- la loi du 26 avril 1924 ayant pour objet la constitution du port rhénan de Strasbourg en port autonome ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;

- le décret du 27 septembre 1925 relatif à la constitution du port autonome de Strasbourg ;

- l'arrêté du 19 décembre 2003 relatif à l'équipage et à la conduite des bateaux de navigation intérieure ;

- le statut du personnel du port autonome de Strasbourg ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Bourguet, rapporteure publique,

- les observations de Me Petitfour, substituant Me Zengerle, pour M. D...,

- et les observations de Me Paye-Blondet, substituant Me Muller-Pistré, pour le port autonome de Strasbourg ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D... a été recruté par le port autonome de Strasbourg (PAS) le 1er décembre 2004 en qualité d'agent contractuel dans un emploi de manutentionnaire. Le 1er juin 2006, il a été nommé agent titulaire et affecté à un poste de manutentionnaire portuaire, puis, à compter du 15 septembre 2014, il a été affecté à la direction du transport de passagers en qualité de matelot navigant. En 2015, le port autonome de Strasbourg a constitué la société par actions simplifiée unipersonnelle Batorama (SASU Batorama) et lui a apporté, dans le cadre d'une convention d'apport partiel d'actifs conclue le 16 novembre 2015, la branche d'activité touristique de transport fluvial de passagers. M. D... a alors été mis à disposition de la SASU Batorama pour occuper son poste de matelot navigant à compter du 31 décembre 2015. Par une décision du 19 octobre 2017, le directeur général du port autonome de Strasbourg a supprimé le poste de matelot de M. D... à compter du 5 novembre 2017. M. D... a formé un recours gracieux rejeté le 28 mars 2018. Par un courrier du 6 février 2018, le PAS a prononcé le licenciement de M. D... pour impossibilité de reclassement à la suite de la suppression de son poste de matelot. Par une lettre du 3 avril 2018, M. D... a formulé une demande préalable indemnitaire au port autonome de Strasbourg pour que lui soit versée la somme à parfaire de 52 580 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de son licenciement illégal. Par un courrier du 4 juin 2018, le port autonome de Strasbourg a refusé de faire droit à cette réclamation. M. D... relève appel du jugement du 15 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant ce que le port autonome de Strasbourg soit condamné à lui verser la somme de 59 209,49 euros et demande à la cour de condamner ce dernier à lui verser la somme de 83 446,58 euros.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article 2 de la loi du 26 avril 1924 ayant pour objet la constitution du port rhénan de Strasbourg en port autonome : " Il est créé, sous le nom de port autonome de Strasbourg et dans les conditions définies par la convention susvisée, un établissement public ayant pour objet d'assurer l'entretien et l'exploitation du port rhénan de Strasbourg et de ses dépendance, d'exécuter les travaux d'extension et d'amélioration dudit port reconnus nécessaires pour les besoins du commerce et de l'industrie, de rechercher les moyens propres à développer sa prospérité, de provoquer et au besoin de prendre toutes mesures utiles à cet effet ". Aux termes de l'article 11 de la même loi : " Un règlement d'administration publique, rendu sur proposition du président du conseil, ministre des affaires des étrangers, du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre des travaux publics et du ministre des finances, après enquête et consultation de la ville de Strasbourg, déterminera les conditions d'application de la présente loi ". Aux termes de l'article 16 du décret du 27 septembre 1925 relatif à la constitution du port autonome de Strasbourg : " (...) Le port autonome établit le statut des autres agents en se conformant à la législation en vigueur ". Aux termes de l'article 1er du statut du personnel du port autonome de Strasbourg : " 1. Les agents titulaires du Port autonome sont placés dans une situation statutaire et réglementaire de droit public définie par le présent statut particulier. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 196 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques : " En cas de transfert d'une activité du port autonome de Strasbourg à une société dont le port détient, directement ou indirectement, la totalité ou plus de la moitié du capital, les salariés statutaires du port concourant à titre exclusif ou principal à l'activité transférée sont mis à la disposition de cette société. Une convention conclue entre le port autonome de Strasbourg et sa filiale détermine les conditions de mise à disposition du salarié. Elle prévoit les modalités de remboursement au port autonome de la rémunération du salarié ainsi que toutes les cotisations et contributions y afférentes. En cas de difficultés économiques conduisant à la suppression de l'emploi occupé par le salarié mis à disposition, la filiale peut résilier la convention de mise à disposition. Le salarié réintègre alors de plein droit le port autonome de Strasbourg. La filiale verse au port autonome de Strasbourg une somme d'un montant égal à l'indemnité qui aurait été due au salarié s'il avait été licencié pour motif économique. ". Aux termes de l'article 1er du statut du personnel du port autonome de Strasbourg : " 1. Les agents titulaires du Port autonome sont placés dans une situation statutaire et réglementaire de droit public définie par le présent statut particulier. Les dispositions ci-après sont applicables aux agents des deux sexes titulaires d'un titre de nomination (...). Ce titre ne peut être retiré que dans les conditions prévues au présent statut (...) ". Aux termes de l'article 2 bis du statut du personnel du port autonome de Strasbourg : " 2 bis. 1 Conformément à l'article 196 de la loi du 2015-990 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, en cas de transfert d'une activité du port autonome de Strasbourg à une société dont l'établissement détient, directement ou indirectement, la totalité ou plus de la moitié du capital (ci-après appelée " société d'accueil "), tout agent titulaire concourant à titre exclusif ou principal à l'activité transférée sont mis à la disposition de cette société. La mise à disposition est la situation de l'agent qui est réputé occuper son emploi, continue à percevoir la rémunération afférente à celui-ci versée par le PAS, mais exerce des fonctions au sein de la société d'accueil Cette mise à disposition fait l'objet d'une décision nominative du directeur. L'agent conserve l'intégralité des droits et devoirs résultant du présent statut sauf stipulation contraire résultant notamment de dispositions d'ordre public régissant les relations au sein de cette situation, ou indications contraires portées au présent statut. Durant sa mise à disposition, l'agent est placé sous l'autorité de la direction de la société d'accueil. Celle-ci fixe les conditions de travail des personnels mis à disposition auprès de lui (...) 2 bis. 2 Une convention sera passée entre le Port autonome et la société d'accueil, afin de déterminer notamment les modalités de gestion des agents mis à dispositions, ainsi que les conditions financières celle-ci (...) 2 bis. 3 (...) Il peut également être mis fin à la mise à disposition dans le cadre d'un accord entre la société d'accueil et le Port Autonome de Strasbourg (...) ". Et aux termes de l'article 3 du même texte : " 3.3 (...) En cas de suppression d'emploi, l'agent titulaire reçoit une rémunération d'attente (...) et ce jusqu'à ce qu'il ait été affecté à un autre emploi (...). Les agents titulaires dont les emplois auront été supprimés et qui, dans un délai de trois mois à compter du jour où la suppression d'emploi aura été effective, n'auront pu être affectés à des emplois équivalents, recevront une indemnité en capital égale à un mois de rémunération par année de service, à moins de remplir, au moment du licenciement, les conditions exigées pour avoir droit à une retraite proportionnelle avec jouissance immédiate. ".

4. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention d'apport partiel d'actifs conclue le 16 novembre 2015 entre le port autonome de Strasbourg et la SASU Batorama : " PERSONNEL : Le personnel actuel du port autonome de Strasbourg rattaché à l'activité de transports fluviaux de passagers- BATORAMA est intégré au sein de BATORAMA selon les modalités spécifiques suivantes : 8.1. Cas des Agents titulaires- Mise à disposition : En application d'une disposition du projet de loi " pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques " dit " B... " et sous réserve de sa promulgation et son entrée en vigueur, les salariés statutaires du port concourant à titre exclusif ou principal à l'activité transférée sont mis à disposition de BATORAMA (...), dans le cadre d'une convention à conclure avec le port autonome de Strasbourg (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention du 30 décembre 2015 conclue entre le port autonome de Strasbourg et la SASU Batorama, ayant pour objet d'organiser les modalités de gestion des agents mis à disposition : " Pendant la durée de la mise à disposition auprès de Batorama, le PAS reste l'employeur des agents (...). Les agents continuent d'appartenir au personnel du PAS. Ils continuent de se voir appliquer l'ensemble des droits, devoirs et obligations prévu par les dispositions notamment statutaires et conventionnelles applicables au sein du PAS et auxquels ils seraient soumis s'ils n'avaient pas été mis à disposition au profit de Batorama. Ceci inclut le statut du PAS et ses annexes. Ces dispositions notamment statutaires et conventionnelles sont susceptibles d'évolution ". Aux termes de l'article 4 de cette même convention : " Compte tenu de sa qualité d'employeur dans le cadre de la mise à disposition, le PAS conserve à sa charge la gestion administrative des agents mis à disposition ".

En ce qui concerne la responsabilité :

5. Lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité d'une décision administrative entachée d'incompétence, il appartient au juge administratif de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si la même décision aurait pu légalement intervenir et aurait été prise, dans les circonstances de l'espèce, par l'autorité compétente. Dans le cas où il juge qu'une même décision aurait été prise par l'autorité compétente, le préjudice allégué ne peut alors être regardé comme la conséquence directe du vice d'incompétence qui entachait la décision administrative illégale.

6. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 19 octobre 2017, le directeur général du port autonome de Strasbourg a supprimé l'emploi de matelot navigant que M. D... occupait au sein de sa filiale, la SASU Batorama, à laquelle il était mis à disposition. Le même jour, un accord de fin de mise à disposition a été signé entre le port autonome de Strasbourg et la société Batorama. Par une décision du 6 février 2018, le port autonome de Strasbourg a licencié M. D... pour suppression d'emploi en se fondant sur les dispositions de l'article 3 du statut du personnel. M. D... soutient que cette décision de licenciement est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant suppression d'emploi du 19 octobre 2017.

7. Le port autonome de Strasbourg a constitué la SASU Batorama puis lui a apporté, dans le cadre d'une convention d'apport partiel d'actifs conclue le 16 novembre 2015 et placée sous le régime des scissions, sa branche d'activité touristique de transport fluvial de passagers. En application des dispositions de l'article 8 de cette convention et des autres dispositions visées au point 4, le personnel rattaché à cette activité, parmi lequel M. D... figurait, a été mis à disposition de la SASU Batorama. En conséquence, la SASU Batorama, dotée de la personnalité morale depuis son immatriculation au registre du commerce et des sociétés le 17 décembre 2014, avait seule qualité pour supprimer les postes de travail relevant de la branche d'activité qui lui avait été transférée, une telle suppression constituant, en l'absence de disposition contraire, une décision de gestion relevant des attributions de cette société, exploitante de cette activité. Dès lors, le directeur général du port autonome de Strasbourg ne pouvait, sans entacher d'incompétence sa décision du 19 octobre 2017, supprimer l'emploi de matelot navigant occupé par le requérant au sein de cette société.

8. Contrairement à ce que fait valoir le port autonome de Strasbourg, il résulte des termes de l'accord de fin de mise à disposition du 19 octobre 2017 conclu entre le PAS et la SASU Batorama, d'une part, que la décision de suppression de poste a précédé cet accord et, d'autre part, que cette décision a été prise par le directeur général du PAS, et non conjointement par cette autorité et la SASU Batorama. Les dispositions de l'article 2 bis du statut des agents du port autonome de Strasbourg sont, dès lors, sans incidence. De même, l'article 3 de la convention du 30 décembre 2015 prévoyant que le PAS reste l'employeur des agents mis à disposition est sans incidence sur l'appréciation de la validité d'une décision de suppression d'un emploi relevant de la société Batorama. Par ailleurs, le PAS ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance que l'affectation de M. D... présentait un caractère temporaire conditionné à l'obtention de la fonction de capitaine.

9. Enfin, alors même que le capital de la SASU Batorama est intégralement détenu par le port autonome de Strasbourg et que ce dernier assure la présidence de cette société, la SASU Batorama, qui est une société commerciale mais non une autorité administrative, ne peut être regardée comme une autorité compétente au sens de ce qui a été rappelé au point 5. Par suite, M. D... est fondé à soutenir que la décision du 19 octobre 2017 a été prise par une autorité incompétente. Par voie de conséquence, la décision du 6 février 2018 procédant à son licenciement en raison de la suppression de cet emploi est entachée d'une illégalité qui constitue une faute de nature à engager la responsabilité du port autonome de Strasbourg.

En ce qui concerne les préjudices :

10. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité.

11. Il résulte de l'instruction que M. D... a été affecté à la direction du transport de passagers pour occuper les fonctions de matelot navigant par une décision du 2 septembre 2014 précisant que : " le caractère définitif de cette affectation est conditionné à l'obtention de la fonction de capitaine dans un délai rapide. Un point sera fait en fin d'année 2015 afin d'évaluer l'adaptabilité de l'intéressé à ce poste ". Alors qu'une formation aux fonctions de capitaine a été proposée à M. D..., celui-ci n'a pas obtenu cette qualification. A cet égard, l'évaluation réalisée en 2015 indique : " aucun investissement voire un refus dans l'apprentissage au pilotage ", le compte rendu d'entretien professionnel de l'année 2016 mentionne : " évolution des compétences nécessaires à la tenue d'un poste de capitaine : M. D... n'a pas évolué sur l'apprentissage au pilotage (...) il a rapidement refusé de faire évoluer ses compétences nautiques", et le compte rendu renseigné l'année suivante précise : " évolution des compétences nécessaires à la tenue d'un poste de capitaine : M. D... a peu évolué en 2016 sur l'apprentissage au pilotage ". Alors qu'il savait que la pérennisation de son emploi était subordonnée à l'obtention du diplôme de capitaine, M. D..., en s'abstenant de faire toutes diligences nécessaires et relevant de ses capacités professionnelles pour obtenir les qualifications nécessaires à l'exercice des fonctions de capitaine, a commis une faute qui a contribué à la décision incompétemment prise par le directeur général du port autonome de Strasbourg de supprimer son emploi. Dans les circonstances de l'espèce, cette faute est de nature à exonérer le port autonome de Strasbourg à hauteur de 30 % de la responsabilité qu'il encourt envers M. D....

12. En premier lieu, M. D... sollicite l'attribution d'une indemnité de 10 000 euros afin de parfaire sa formation pour l'obtention du permis de navigation. Toutefois, il ne ressort pas de l'instruction que l'inachèvement de la formation de l'agent ait un lien direct avec la décision de licenciement.

13. En deuxième lieu, M. D... demande le versement de la somme de 1 200 euros représentant 25 % de son salaire et de la somme de 1380 euros au titre de l'indemnité de sujétions horaires qui ne lui auraient pas été versées durant les trois mois précédant son licenciement alors qu'il avait été placé en arrêt maladie depuis le mois de juillet 2017 à la suite d'un accident du travail. Une telle demande concerne toutefois une période antérieure au licenciement de M. D.... Elle est dès lors, sans lien, avec son éviction illégale.

14. En troisième lieu, M. D... demande l'indemnisation de son préjudice financier à hauteur de 53 446 euros au titre des revenus qu'il aurait dû percevoir du 6 février 2018 au 1er avril 2021. Il y a lieu de mettre à la charge du port autonome de Strasbourg le versement à M. D... d'une indemnité correspondant à la différence entre les revenus nets et les primes, non liées à l'exercice effectif de ses fonctions dont il avait une chance sérieuse de bénéficier et qu'il aurait dû percevoir, en l'absence d'éviction, entre le 6 février 2018 et le 1er avril 2021, et les rémunérations nettes et allocations pour perte d'emploi réellement perçues durant cette période, dont sera déduite une fraction de 30 % devant demeurer à la charge de M. D... compte tenu du partage de responsabilité exposé au point 11 du présent arrêt. Cette indemnité portera intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2018, date de réception de la demande préalable présentée par M. D....

15. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient M. D..., la décision de licenciement est fondée sur la suppression du poste de matelot et ne mentionne aucune considération personnelle. Par conséquent, il ne résulte pas de l'instruction que cette décision aurait été prise pour des raisons discriminatoires. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait subi un préjudice moral du fait d'une telle discrimination.

16. En dernier lieu, M. D... soutient qu'une somme de 20 000 euros doit lui être attribuée en réparation des troubles dans ses conditions d'existence dès lors qu'étant titulaire, il pouvait penser que son contrat de travail se poursuivrait, qu'il pourrait ainsi accéder au statut de capitaine et que la décision l'a obligé à bouleverser son organisation personnelle et familiale. Il n'établit toutefois pas des difficultés financières qui seraient en lien avec la décision de licenciement ni ne justifie du bouleversement dont il fait état. Il en résulte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de réparation des troubles dans ses conditions d'existence liés à la perte de son emploi.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté l'entièreté de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

18. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du port autonome de Strasbourg la somme de 1500 euros au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le port autonome de Strasbourg demande au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1804771 du tribunal administratif de Strasbourg du 15 juin 2021 est annulé.

Article 2 : Le port autonome de Strasbourg est condamné à verser à M. D... une indemnité correspondant au préjudice financier subi déterminé dans les conditions fixées au point 14, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2018.

Article 3 : Le port autonome de Strasbourg versera à M. D... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au port autonome de Strasbourg.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Antoine Durup de Baleine, président de chambre,

- M. Axel Barlerin, premier conseiller,

- Mme Nolwenn Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 février 2025.

La rapporteure,

Signé : N. A...Le président,

Signé : A. Durup de Baleine

Le greffier,

Signé : A. Betti

La République mande et ordonne au préfet du Bas-Rhin en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

N° 21NC02298 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02298
Date de la décision : 25/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET
Avocat(s) : SCP JUNG-JUNG-JUNG-PALLUCCI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-25;21nc02298 ?
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