Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler, d'une part, les arrêtés des 12 et 13 novembre 2018 par lesquels le maire de Witternheim a délivré à M. E... B... et à Mme C... A... des permis de construire portant respectivement sur la construction d'un garage et d'une maison d'habitation sur un terrain situé 21, rue de Neunkirch et, d'autre part, la décision du 21 février 2019 par laquelle le maire a rejeté son recours gracieux du 21 janvier 2019.
Par un jugement n° 1903354 du 27 avril 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 juin 2021, et des mémoires enregistrés les 13 juillet et 6 août 2021, M. F..., représenté par la SELARL Soler-Couteaux et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 avril 2021 ;
2°) de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Witternheim, de Mme A... et de M. B... le versement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme ;
- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;
- le maire aurait dû surseoir à statuer sur les demandes de permis de construire en litige, en application de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme ;
- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 septembre 2021, M. E... B... et Mme C... A..., représentés par la SCP Welsch-Kessler et associés, concluent, à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et, en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge de M. F... le versement de la somme de 2 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers frais et dépens.
Ils soutiennent que :
- la requête est irrecevable dès lors qu'elle n'est accompagnée d'aucun élément établissant l'occupation régulière du bien de M. F... en méconnaissance des dispositions de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme ;
- les moyens soulevés par M. F... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 janvier 2022, la commune de Witternheim, représentée par l'AARPI Adven avocats, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et, en tout état de cause à ce que soit mise à la charge de M. F... le versement de la somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. F... ne sont pas fondés.
Par un courrier, enregistré le 13 juin 2023, Me Bach a informé la cour du décès de M. E... B... survenu le 22 mai 2023 et du maintien des conclusions de Mme C... A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. G... de H...,
- les conclusions de Mme Bourguet, rapporteure publique,
- les observations de Me Koromyslov substituant Me Zimmer, avocat de M. F..., les observations de Me Amizet, avocat de la commune de Witternheim et les observations de Me Sokolov substituant Me Bach, avocate de Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Par des arrêtés des 12 et 13 novembre 2018, le maire de Witternheim, agissant au nom de l'Etat, a délivré deux permis de construire à M. B... et Mme A..., portant sur la construction d'un garage d'une surface de plancher de 42 m2 et d'une maison d'habitation d'une surface de plancher de 99 m2, sur un terrain situé 21, rue de Neunkirch, cadastré section B n° 1006, d'une superficie de 1 500 m2. Par une décision du 21 février 2019, le maire de Witternheim a rejeté le recours gracieux présenté le 21 janvier 2019 par M. F.... Par le jugement du 27 avril 2021 dont M. F... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 423-53 du code l'urbanisme : " Lorsque le projet aurait pour effet la création ou la modification d'un accès à une voie publique dont la gestion ne relève pas de l'autorité compétente pour délivrer le permis, celle-ci consulte l'autorité ou le service gestionnaire de cette voie, sauf lorsque le plan local d'urbanisme ou le document d'urbanisme en tenant lieu réglemente de façon particulière les conditions d'accès à ladite voie ".
3. Par création ou modification d'un accès à une voie publique, il faut entendre tout changement dans la configuration matérielle des lieux ou dans l'usage qui en est fait permettant à un riverain d'utiliser cette voie avec un véhicule.
4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
5. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette des constructions autorisées par les permis contestés comporte déjà un accès direct à la rue de Neunkirch, correspondant à la route départementale 203. Cet accès, d'une largeur d'environ 13 mètres correspondant au linéaire de cette parcelle sur cette voie publique, emprunte, avant la chaussée de cette voie, un trottoir asphalté. Les projets autorisés, qui ne comportent pas la pose de clôture, notamment sur la largeur de cet accès, ne comportent ni n'emportent aucune modification aux caractéristiques de ce trottoir, notamment pas par l'aménagement d'un abaissement de trottoir de type " bateau " ou d'une entrée charretière, ni aucune modification à cette chaussée. Les projets ne comportent ainsi pas la création d'un accès à une voie publique. Néanmoins, alors que le terrain est en nature de pré, il comporte, sur le terrain et entre la construction à usage de garage et le trottoir, le remplacement de l'espace en herbe par un revêtement pavé, propre à permettre les allées et venues des véhicules depuis et vers la voie publique ainsi que le stationnement devant le garage. Les projets comportent, ce faisant, un changement dans l'usage qui est fait de cet accès existant et inchangé à la voie publique, changement permettant aux occupants des constructions autorisées d'utiliser cet accès et la rue de Neunkirch avec un véhicule. Dès lors, les projets ont pour effet, au sens de l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme, une modification d'un accès à une voie publique. Il en résulte que les dispositions de ce texte faisaient obligation de consulter au préalable le département du Bas-Rhin, gestionnaire de cette voie. Il est constant que cette consultation préalable a été omise. Toutefois, les projets ne comportent pas de modification dans les caractéristiques de l'accès lui-même à la rue de Neunkirch, mais seulement dans l'usage de cet accès. La rue de Neunkirch, dans cette partie de la traversée de Witternheim, est rectiligne, dans les deux sens, sur plusieurs centaines de mètres et présente une très bonne visibilité, la circulation sur cette voie n'étant pas particulièrement importante. Les constructions autorisées, soit une maison individuelle et un garage pouvant accueillir deux voitures, sont d'une ampleur limitée. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'omission de consultation du service gestionnaire de la voirie, appelé à émettre un simple avis qui peut ne pas revêtir un caractère explicite, aurait été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens des décisions prises. Par ailleurs, la consultation prescrite par l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme ne constitue pas une garantie. Il suit de là que le moyen tiré de ce que, faute qu'il ait procédé à cette consultation, les arrêtés contestés ont été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".
7. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages et lieux avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.
8. Il ressort des pièces du dossier et notamment des photographies produites, que les constructions projetées s'inscrivent dans un quartier à dominante rurale, composé majoritairement de maisons individuelles, sans particularité architecturale ni homogénéité des constructions, dès lors que certaines sont de type traditionnel à deux ou plusieurs pans, avec ou sans chiens assis et d'autres de type plus moderne. Dans ces conditions, quand bien-même le projet est de facture contemporaine, il ne s'inscrit pas dans un paysage naturel ou urbain unitaire présentant un intérêt particulier et il n'en va pas différemment des lieux avoisinants. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en délivrant les permis en litige, le maire aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme : " (...) / L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables. ".
10. Un sursis à statuer ne peut être opposé à une demande de permis de construire, sur le fondement de ces dispositions, postérieurement au débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables, qu'en vertu d'orientations ou de règles que le futur plan local d'urbanisme pourrait légalement prévoir et à la condition que la construction, l'installation ou l'opération envisagée soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution.
11. Il ressort des pièces du dossier que le plan local d'urbanisme a été approuvé le 18 décembre 2018, un mois après la délivrance des autorisations contestées. Ce document a classé la parcelle des pétitionnaires en zone Ub, décrite comme pouvant accueillir un habitat typique, implanté avec un recul par rapport à l'alignement et aux limites séparatives. L'article 7 Ub du règlement de ce document ne permet pas la construction sur les limites séparatives et l'article 11 Ub n'autorise que la construction de toitures à deux pans, de sorte que les projets en litige, implantés, quant à la maison d'habitation, sur une limite séparative et à toiture plate, n'auraient pu être autorisés sous l'empire de ces règles. Pour autant, eu égard à la configuration des lieux, notamment au faible recul des constructions existantes par rapport à l'alignement et aux limites séparatives et à l'absence d'unité architecturale spécifique dans le quartier, le projet, d'une faible surface de plancher, n'est pas de nature, compte tenu de l'ensemble de ses caractéristiques, à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme. Dans ces conditions, M. F... n'est pas fondé à soutenir que le maire a commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant de ne pas surseoir à statuer sur les demandes de permis en application de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme.
12. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d'éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l'exception des extensions de constructions existantes. (...) Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, une distance d'éloignement inférieure peut être autorisée par l'autorité qui délivre le permis de construire, après avis de la chambre d'agriculture, pour tenir compte des spécificités locales. Une telle dérogation n'est pas possible dans les secteurs où des règles spécifiques ont été fixées en application du deuxième alinéa ". Aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. (...) Il en est de même lorsqu'elle (...) comporte une dérogation (...) aux règles d'urbanisme applicables ".
13. Il résulte de ces dispositions que les règles de distance imposées, par rapport notamment aux habitations existantes, à l'implantation d'un bâtiment agricole en vertu, en particulier, de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ou d'un règlement sanitaire départemental, sont également applicables, par effet de réciprocité, à la délivrance d'une autorisation d'urbanisme en vue de la construction d'une habitation située à proximité d'un tel bâtiment agricole. Il appartient ainsi à l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme de vérifier le respect des dispositions législatives ou réglementaires fixant de telles règles de distance, quelle qu'en soit la nature.
14. En l'espèce, si M. F... soutient que le terrain d'assiette du projet se situe dans une zone de réciprocité agricole, il ressort de l'avis émis par la chambre d'agriculture le 12 novembre 2018 que seul un bâtiment classé est potentiellement situé à une distance inférieure à 100 mètres. Toutefois, ce bâtiment ne renferme plus d'animaux et n'a pas vocation à en accueillir de nouveaux. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par Mme A..., M. F... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Witternheim et de Mme A..., qui n'ont pas dans la présente instance la qualité de partie tenue aux dépens ou de partie perdante, le versement de la somme demandée par M. F... à ce titre. Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Witternheim, dont le maire a pris les arrêtés contestés au nom de l'Etat et non à celui de cette commune. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. F... le versement au même titre à Mme A... de la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : M. F... versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Witternheim au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F..., à Madame C... A... et à la commune de Witternheim.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Antoine Durup de Baleine, président de chambre,
- M. Axel Barlerin, premier conseiller,
- Mme Nolwenn Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 février 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : A. G... de H...
L'assesseur le plus ancien,
Dans l'ordre du tableau,
Signé : A. Barlerin
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne à la ministre du logement et de la rénovation urbaine ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
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N° 21NC01870