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30/01/2025 | FRANCE | N°24NC01563

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 30 janvier 2025, 24NC01563


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 2206886 du 13 mai 2024, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. A....



Procédure devant la cour :



Par une requête, enreg

istrée le 13 juin 2024, M. B... A..., représenté par Me Perrey, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement n° ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2206886 du 13 mai 2024, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juin 2024, M. B... A..., représenté par Me Perrey, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2206886 du tribunal administratif de Strasbourg du 13 mai 2024 ;

2°) de décharger M. A... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016 ainsi que des intérêts et majorations correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement du tribunal administratif de Strasbourg est irrégulier car il n'est pas établi qu'il comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience ;

- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande comme irrecevable ; en effet, la réclamation fiscale adressée à l'administration par M. A... le 15 octobre 2021 a la nature d'une réclamation préalable au sens de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales, puisque ce courrier contient bien la mention des impositions contestées, un exposé sommaire des moyens et des conclusions, la signature de son auteur, et renvoie à la plainte pénale du 30 septembre 2021, ainsi qu'à l'avis d'imposition sur les revenus de 2015 a minima ;

- la décision implicite de rejet de sa réclamation préalable, née du silence gardé pendant six mois de l'administration à compter de la réception de la réclamation, n'est pas motivée ;

- les impositions litigieuses sont infondées puisque l'ouverture des quatre cartes prépayées ainsi que leur approvisionnement pour des montants de 95.775 euros en 2015 et de 102.590 euros en 2016 ont manifestement procédé d'une fraude liée au vol de sa carte d'identité en avril 2015 ; Ces faits d'usurpation d'identité et d'escroquerie ont fait l'objet d'un dépôt de plainte auprès du procureur de la République le 30 septembre 2021 ; Sa situation de retraité, ainsi que l'examen de ses comptes bancaires, de son patrimoine, ou de son train de vie, ne révèlent pas qu'il aurait bénéficié de quelque manière que ce soit des sommes appréhendées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- La demande de première instance était irrecevable car le courrier du 15 octobre 2021 de M. A... ne saurait s'apparenter à une réclamation préalable, puisque n'est pas précisée l'imposition contestée et qu'y figurent seulement une demande de réexamen de la situation de M. A... ainsi qu'une suspension des prélèvements dans l'attente de l'issue de la plainte pénale ;

- Les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. José Martinez, président ;

- les conclusions de Mme Cyrielle Mosser, rapporteure publique,

- et les observations de Me Perrey, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 au terme duquel, par une proposition de rectification notifiée le 7 décembre 2018, il a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2015 et 2016, respectivement pour des montants de 52 442 euros et 54 854 euros, mises en recouvrement le 30 avril 2019. M. A... relève appel du jugement du 13 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande de décharge des impositions litigieuses comme irrecevable faute d'avoir été précédée d'une réclamation préalable auprès de l'administration fiscale.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition ". L'article R. 196-1 du même livre dispose que : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; (...) ". Aux termes de l'article R. 196-3 de ce livre : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations. ". Aux termes de l'article R. 197-3 de ce livre : " Toute réclamation doit à peine d'irrecevabilité :

a) Mentionner l'imposition contestée ;

b) Contenir l'exposé sommaire des moyens et les conclusions de la partie ;

c) Porter la signature manuscrite de son auteur ; à défaut l'administration invite par lettre recommandée avec accusé de réception le contribuable à signer la réclamation dans un délai de trente jours ;

d) Être accompagnée soit de l'avis d'imposition, d'une copie de cet avis ou d'un extrait du rôle, soit de l'avis de mise en recouvrement ou d'une copie de cet avis, soit, dans le cas où l'impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou d'un avis de mise en recouvrement, d'une pièce justifiant le montant de la retenue ou du versement.

La réclamation peut être régularisée à tout moment par la production de l'une des pièces énumérées au d . (..)". Enfin, aux termes de l'article R. 200-2 du même livre : " (...) Les vices de forme prévus aux a, b, et d de l'article R. 197-3 peuvent, lorsqu'ils ont motivé le rejet d'une réclamation par l'administration, être utilement couverts dans la demande adressée au tribunal administratif. / (...) ".

3. Considérant que pour juger comme irrecevable la demande de décharge présentée par M. A..., faute d'avoir été précédée d'une réclamation régulière ainsi que le soutenait l'administration, le tribunal administratif a estimé que le courrier du 15 octobre 2021, adressé par le contribuable au service, ne remplissait pas les conditions de recevabilité de la réclamation prévues à l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales dès lors qu'il ne mentionnait ni les impositions contestées ni " les arguments en contestant le bien-fondé " et n'était pas accompagné des avis d'imposition litigieux.

4. Toutefois, il résulte de l'instruction que, dans ce courrier daté du 15 octobre 2021, l'avocat du contribuable informait l'administration fiscale qu'il s'était vu confier la défense des intérêts de celui-ci dans le cadre du redressement fiscal dont il faisait l'objet, indiquait que le mandant n'était pas détenteur d'un compte après de la société CREACARD et n'avait jamais bénéficié des crédits inscrits sur les comptes visés dans la proposition de rectification mais qu'il était victime d'une escroquerie liée à la perte de sa carte d'identité, et enfin demandait explicitement à l'administration de " réexaminer la situation " du contribuable au regard de la plainte pénale pour faits d'escroquerie et d'usurpation d'identité déposée auprès du procureur de la République ou " à défaut " de prononcer la " suspension des prélèvements dans l'attente de l'issue de la plainte pénale ". En outre, ce courrier, qui faisait référence à des échanges antérieurs avec l'administration fiscale, était accompagné de deux pièces jointes figurant en annexe, à savoir, d'une part, la copie du courrier du contribuable du 30 septembre 2021 comportant le dépôt de la plainte pénale et, d'autre part, la copie d'un courrier de la direction régionale des finances publiques du 24 janvier 2020 qui mentionnait expressément que M. A... avait formé le 17 juin 2019 une " réclamation contentieuse " concernant les avis d'impositions relatifs aux années 2015, 2016 et 2017 et portant sur une somme totale de 118 025 euros en droits et majorations et qui avait été rejetée par une décision notifiée le 24 septembre 2019. Dans ce courrier du 24 janvier 2020, l'administration encourageait M. A... à faire un signalement auprès des forces de police en déposant plainte s'il s'estimait victime d'un système d'escroquerie. Ce faisant, la demande formulée dans ce courrier du 15 octobre 2021, qui ne se limitait pas à une simple demande de sursis de paiement des impositions et qui n'était ni une demande de renseignements ni une demande de nature gracieuse au sens de l'article L 247 du LPF, contenait un exposé sommaire des moyens ainsi que des conclusions au sens et pour l'application de l'article R. 197-3 b) du LPF. Elle revêtait donc, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, les caractères d'une réclamation tendant à contester le bien-fondé des impositions de nature à lier le contentieux de l'assiette de l'impôt. Si, contrairement aux prescriptions de l'article R. 200-2 du LPF, cette réclamation du 15 octobre 2021 n'était pas accompagnée des avis d'imposition en litige, ce vice de forme a été utilement couvert lors de la demande en décharge présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg et d'ailleurs aussi lors de la présente requête d'appel, par la production des deux avis d'impositions en litige au titre des années 2015 et 2016.

5. Cette réclamation, réceptionnée le 5 novembre 2021, a été présentée dans le délai de réclamation lequel expirait le 31 décembre 2021, tant ce en ce qui concerne le délai général de deux ans courant à compter de la mise en recouvrement de l'impôt et prévu à l'article R. 196 -1 du LPF qu'en ce qui concerne le délai spécial de trois ans courant à compter de la réception de la proposition de rectification et prévu à l'article R. 196-3 du LPF. En raison du silence gardé par l'administration pendant six mois, cette réclamation a donné lieu à une décision implicite de rejet laquelle n'est enserrée dans aucun délai contentieux particulier en vertu des dispositions combinées de l'article 772-1 du code de justice administrative et des articles R 198-10 et R. 199-1 du livre des procédures fiscales et a pu ainsi être régulièrement soumise au tribunal administratif par une demande en décharge du 18 octobre 2022.

6. IL résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen relatif à la régularité de jugement, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté cette demande comme irrecevable pour le motif tiré de l'absence d'une réclamation préalable régulière. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Strasbourg pour qu'il statue à nouveau sur la demande de M. A....

Sur les conclusions présentées par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé n° 2206886 du tribunal administratif de Strasbourg du 13 mai 2024 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Article 3 : l'Etat versera à M. A... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

Mme Stenger, première conseillère,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.

L'assesseure la plus ancienne,

Signé : L. StengerLe président-rapporteur,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N°24NC01563


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NC01563
Date de la décision : 30/01/2025
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : PERREY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-30;24nc01563 ?
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