Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2023 par lequel la préfète de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ainsi que l'arrêté du même jour ordonnant son assignation à résidence.
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté de la préfète de Meurthe-et-Moselle du 7 septembre 2023 comportant les mêmes mesures.
Par un jugement n° 2302656, 2302682 du 14 septembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a, d'une part, annulé l'arrêté du 4 septembre 2023 pris à l'encontre de M. A..., d'autre part, annulé la décision du 7 septembre 2023 faisant interdiction à Mme A... de retour sur le territoire français, par ailleurs, mis à la charge de l'Etat le versement à Me Sgro de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de l'admission définitive de M. et Mme A... à l'aide juridictionnelle et, enfin, rejeté le surplus des conclusions de la requête de Mme A....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 octobre 2023, la préfète de Meurthe-et-Moselle demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 3 du jugement du 14 septembre 2023 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif.
Elle soutient que :
- le premier juge a commis une erreur de droit et d'appréciation en estimant que M. A... n'entrait pas dans le cas prévu au 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est sollicité une substitution de base légale pour fonder l'obligation de quitter le territoire français sur le 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les moyens soulevés en première instance et dirigés contre la mesure d'éloignement, la décision de refus de délai de départ volontaire et la décision fixant le pays de destination ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M. A..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le règlement (UE) n° 2018/1806 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brodier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant albanais né en 1986, est entré sur le territoire français le 20 juin 2017 selon ses déclarations. Il a fait l'objet de mesures d'éloignement les 28 mars 2019 et 27 juillet 2020. Après son placement en retenue le 4 septembre 2023 par les services de la police aux frontières, la préfète de Meurthe-et-Moselle lui a, par un arrêté du même jour, fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. La préfète de Meurthe-et-Moselle relève appel du jugement n° 2302656, 2602682 du 14 septembre 2023 en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au bénéfice du conseil de l'intéressé.
Sur le moyen d'annulation retenu par le premier juge :
2. Pour annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français faite à M. A..., le premier juge a retenu que l'intéressé était entré régulièrement sur le territoire ainsi que la préfecture le reconnaissait et qu'il n'entrait pas dans le cas prévu au 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Se prononçant ensuite sur la demande de la préfète de Meurthe-et-Moselle en défense tendant à ce que les dispositions du 3° de ce même article soient substituées à celles du 1°, le magistrat a estimé que le classement sans suite de la demande de titre de séjour de M. A..., qui lui a été notifié le 4 septembre 2023, consistait en un refus d'enregistrement de sa demande mais ne pouvait pas être regardé comme un refus de délivrance du titre de séjour sollicité. Il a ainsi écarté la demande de substitution de base légale sollicitée par la préfète.
3. D'une part, aux termes de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : (...) ; 2° Sous réserve des conventions internationales, et de l'article 6, paragraphe 1, point c, du code frontières Schengen, du justificatif d'hébergement prévu à l'article L. 313-1, s'il est requis, et des autres documents prévus par décret en Conseil d'Etat relatifs à l'objet et aux conditions de son séjour et à ses moyens d'existence, à la prise en charge par un opérateur d'assurance agréé des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant de soins qu'il pourrait engager en France, ainsi qu'aux garanties de son rapatriement ; (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 611-1 du même code : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ". Par ailleurs, l'article L. 611-2 de ce code précise que : " L'étranger en provenance directe du territoire d'un des États parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 peut se voir appliquer les 1° et 2° de l'article L. 611-1 lorsqu'il ne peut justifier être entré ou s'être maintenu sur le territoire métropolitain en se conformant aux stipulations des paragraphes 1 et 2 de l'article 19, du paragraphe 1 de l'article 20 et des paragraphes 1 et 2 de l'article 21 de cette même convention ". Le paragraphe 1 de l'article 20 de cette convention prévoit que les étrangers non soumis à l'obligation de visa peuvent circuler librement sur les territoires des Etats parties pendant une durée maximale de trois mois au cours d'une période de six mois à compter de la date de première entrée, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a), c), d) et e). Le c) du paragraphe 1 de l'article 5 précise que, pour un séjour n'excédant pas trois mois, l'entrée sur le territoire des parties contractantes peut être accordée à l'étranger justifiant de l'objet et des conditions du séjour envisagé et disposant des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays de provenance ou le transit vers un Etat tiers dans lequel son admission est garantie, ou étant en mesure d'acquérir légalement ces moyens.
5. Si, en vertu des stipulations de la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990 et du règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 modifié par le règlement (UE) n° 1091/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010, les ressortissants albanais détenant un passeport biométrique sont dispensés, pour les séjours de moins de trois mois, de l'obligation de visa pour entrer dans l'espace Schengen, ils n'en restent pas moins assujettis aux autres conditions d'entrée prévues par la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, le règlement (CE) n° 562/2006 du 15 mars 2006 et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il résulte des dispositions précitées que la seule détention d'un passeport biométrique n'est pas suffisante, contrairement à ce qu'avait soutenu M. A..., pour justifier d'une entrée régulière en France. L'intéressé n'établissait pas, ni même ne soutenait remplir les conditions énoncées par l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'agissant des moyens de subsistances suffisants, d'une assurance prenant en charge les dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, ainsi que de garanties relatives à son rapatriement. Dès lors, M. A... entrait dans le cas, prévu par 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, permettant à l'autorité administrative de lui faire obligation de quitter le territoire français.
7. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner le motif par lequel le premier juge a écarté la demande de substitution de base légale sollicitée ou d'examiner la demande de substitution de base légale sollicitée à hauteur d'appel, la préfète de Meurthe-et-Moselle est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a, pour annuler l'arrêté du 4 septembre 2023, estimé que l'acte était fondé sur une base légale erronée.
8. Il y a lieu toutefois pour cette cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens invoqués devant le tribunal administratif de Nancy à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les autres moyens soulevés par M. A... :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté :
9. Par un arrêté du 21 août 2023, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de Meurthe-et-Moselle du même jour, la préfète de Meurthe-et-Moselle a donné délégation à M. Julien Le Goff, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer toutes décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département, au nombre desquelles figurent les décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 4 septembre 2023 manque en fait et doit être écarté.
En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, d'une part, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne s'adresse pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Les requérants ne sauraient ainsi utilement soutenir que les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire méconnaîtraient ces dispositions.
11. D'autre part, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, le droit d'être entendu n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande d'asile ou de sa demande de titre de séjour.
12. Il résulte par ailleurs de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.
13. Il ressort du procès-verbal de son audition par les services de la police aux frontières le 4 septembre 2023, qu'il a signé, que M. A... a pu présenter des observations orales, indiquant ne pas accepter qu'une mesure d'éloignement soit prise à son encontre, essayer de s'intégrer en France où sont nés ses deux enfants, et avoir des examens médicaux à effectuer les 10 et 19 septembre 2023. Le requérant ne fait état d'aucune information qu'il n'aurait pas pu porter à la connaissance de l'administration avant que la mesure d'éloignement ne soit prise à son encontre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu ne peut qu'être écarté.
14. En deuxième lieu, M. A... soutient que sa demande de titre de séjour, formée le 28 septembre 2022, est toujours en cours. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la préfecture lui a notifié, le même jour que la décision en litige, une décision de classement sans suite de sa demande au motif que des pièces manquaient. Au demeurant, la circonstance qu'une demande de titre de séjour aurait été en cours ne faisait pas obstacle à l'adoption d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
15. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
16. M. A... résidait sur le territoire français depuis six ans à la date de la décision en litige. Il s'y est maintenu en dépit des deux mesures d'éloignement prononcées à son encontre les 28 mars 2019 et 27 juillet 2020. Son épouse est également en situation irrégulière. Il établit avoir travaillé à temps partiel comme coiffeur entre septembre 2019 et septembre 2021. Toutefois, à la date de la décision en litige, il ne justifiait plus de la permanence d'éléments d'intégration professionnelle, ni même sociale. La seule circonstance que son fils aîné est scolarisé en maternelle ne suffit pas à lui ouvrir un droit à être régularisé. Dans les circonstances de l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait désormais en France l'essentiel de sa vie privée et familiale. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
17. En quatrième lieu, à supposer que M. A... puisse être regardé comme soutenant que le titre de séjour prévu par les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile devait lui être délivré de plein droit, il n'établit pas, ainsi qu'il a été dit au point précédent que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit par suite, et en tout état de cause, être écarté.
18. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
19. La décision faisant obligation de quitter le territoire français à M. A... n'a ni pour objet ni pour effet de séparer M. A... de ses enfants. Le requérant, dont l'épouse est également en situation irrégulière, n'établit pas que la cellule familiale ne pourrait pas poursuivre sa vie dans leur pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées, soulevé lors de l'audience devant le premier juge, doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité du refus de délai de départ volontaire :
20. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un délai de départ volontaire serait illégale compte tenu de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
21. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) ; 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) ; 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; 6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ; (...) ".
22. Pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire à M. A..., la préfète de Meurthe-et-Moselle a retenu que l'intéressé avait déclaré ne pas vouloir retourner en Albanie et par ailleurs qu'il n'avait pas exécuté les deux obligations de quitter le territoire français notifiées les 28 mars 2019 et 27 juillet 2020. D'une part, il ne ressort pas de son audition qu'il aurait explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à une nouvelle mesure d'éloignement. D'autre part, en revanche, il n'est pas contesté que M. A... s'est soustrait à l'exécution de deux précédentes mesures d'éloignement. La préfète pouvait pour ce seul motif refuser de lui accorder un délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :
23. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale compte tenu de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
24. En deuxième lieu, contrairement à ce que le requérant soutient, la préfète, qui a indiqué qu'il n'avait pas allégué courir de risques pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine et que l'arrêté ne portait pas atteinte à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a procédé à l'examen de sa situation. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
25. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français serait illégale compte tenu de l'illégalité des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et lui refusant un délai de départ volontaire.
26. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
27. Pour faire interdiction de retour sur le territoire français à M. A... pour une durée de deux ans, la préfète de Meurthe-et-Moselle a retenu qu'il s'agissait de la troisième mesure d'éloignement prononcée à son encontre, relevé l'absence d'intégration particulièrement significative dans la société française de l'intéressé, et noté que celui-ci ne pouvait se prévaloir de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, ayant vécu jusqu'à ses trente ans en Albanie. Compte tenu de ce qu'il doit la durée de son séjour à son maintien en dépit de deux mesures d'éloignement, le requérant, qui ne justifie pas d'attaches personnelles intenses de sa famille en France, n'est pas fondé à soutenir, alors même qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public, que la préfète de la Meurthe-et-Moselle aurait fait une inexacte application des dispositions précitées en adoptant la mesure en litige.
En ce qui concerne la légalité de l'assignation à résidence :
28. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision prononçant son assignation à résidence serait illégale compte tenu de l'illégalité des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.
29. En deuxième lieu, la préfète de Meurthe-et-Moselle a, par un arrêté du 21 août 2023, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, donné délégation à M. Julien Le Goff, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer toutes décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département, au nombre desquelles figurent les décisions portant assignation à résidence. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 4 septembre 2023 manque en fait et doit être écarté
30. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de Meurthe-et-Moselle est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 14 septembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 4 septembre 2023 pris à l'encontre de M. A... et a mis à la charge de l'Etat le versement à l'avocat de l'intéressé d'une somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Les articles 1er et 3 du jugement n° 2302656 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy du 14 septembre 2023 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nancy tendant à l'annulation des arrêtés du 4 septembre 2023 est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
Mme Stenger, première conseillère,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2025.
La rapporteure,
Signé : H. Brodier Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 2303089