Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2016 ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 2103510 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 juin 2022, M. et Mme B..., représentés par Me Ackermann, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 avril 2022 ;
2°) de prononcer la décharge totale, en droits et pénalités, des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que l'administration fiscale et les premiers juges ont considéré que l'indemnité de licenciement en litige ne peut pas bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions du 1° du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts au motif que son licenciement est intervenu pour une cause réelle et sérieuse ;
- il n'appartenait pas aux premiers juges de se prononcer sur le caractère réel et sérieux de son licenciement au regard des dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail ;
- les dispositions du a) du 3° du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts trouvent également à s'appliquer à sa situation dès lors que la somme litigieuse de 55 000 euros est inférieure à deux fois sa rémunération annuelle brute perçue au titre de l'année précédente.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stenger,
- les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique,
- et les observations de Me Ackermann, représentant M. et Mme B....
Une note en délibéré, présentée pour M. et Mme B..., a été enregistrée le 9 janvier 2025.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été recruté, le 17 juin 2013 en qualité de commercial au sein de la société France Reval, qui a pour activité la commercialisation de produits et services dans le secteur de la balnéothérapie. En décembre 2013, il a été désigné directeur commercial mais a été licencié pour insuffisance professionnelle le 12 juin 2014. M. B... a contesté son licenciement devant le Conseil de Prud'hommes de Metz au motif qu'il était intervenu sans cause réelle ni sérieuse. Lors de l'audience de conciliation du 17 juin 2016, les parties ont décidé de conclure un protocole transactionnel afin de mettre un terme amiable au litige qui les opposait. Le requérant a conclu, le 8 juillet 2016, un accord transactionnel avec la société France Reval qui prévoit, notamment, le versement d'une indemnité transactionnelle, globale, forfaitaire et définitive, d'un montant de 55 000 euros net de contributions sociales. Par une proposition de rectification du 27 novembre 2018, l'administration fiscale a informé les requérants qu'elle envisageait de remettre en cause le caractère non imposable de cette indemnité transactionnelle conformément aux dispositions de l'article 80 duodecies du code général des impôts au motif que les faits évoqués dans le protocole transactionnel précité caractérisaient un licenciement pour causes réelles et sérieuses. Contestée, l'imposition supplémentaire en résultant au titre de l'année 2016 a été maintenue par une réponse aux observations du contribuable du 25 février 2020, avant d'être mise en recouvrement le 31 décembre 2020 pour un montant total, en droits et pénalités de 17 103 euros. Par une décision du 22 mars 2021, l'administration a rejeté la réclamation préalable présentée par M. et Mme B.... Ces derniers relèvent appel du jugement du 5 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à la décharge de ces impositions.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. D'une part, aux termes de l'article 79 du code général des impôts : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu. ". Aux termes de l'article 80 duodecies du même code : " 1. Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve des dispositions suivantes. Ne constituent pas une rémunération imposable : 1° Les indemnités mentionnées aux articles L. 1235-1, L. 1235-2, L. 1235-3, L. 1235-3-1, L. 1235-11 à L. 1235-13, au 7° de l'article L. 1237-18-2 et au 5° de l'article L. 1237-19-1 du code du travail ainsi que celles versées dans le cadre des mesures prévues au 7° du même article L. 1237-19-1 ; (...) 3° La fraction des indemnités de licenciement versées en dehors du cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 1233-32 et L. 1233-61 à L. 1233-64 du code du travail, qui n'excède pas : a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date du versement des indemnités ; b) Soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ; (...)."
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail : " Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur... ". Aux termes de l'article L. 1235-1 du même code : " A défaut d'accord, le juge à qui il appartient d'apprécier (...) le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles... ".
4. Pour déterminer si une indemnité versée en exécution d'une transaction conclue à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail est imposable, il appartient à l'administration et, lorsqu'il est saisi, au juge de l'impôt, de rechercher la qualification à donner aux sommes qui font l'objet de la transaction. Ces dernières ne sont susceptibles d'être regardées comme une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mentionnée à l'article L. 1235-3 du code du travail que s'il résulte de l'instruction que la rupture des relations de travail est assimilable à un tel licenciement. Dans ce cas, les indemnités accordées au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse sont exonérées. Il appartient à l'administration et, lorsqu'il est saisi, au juge de l'impôt, au vu de l'instruction, de rechercher la qualification à donner aux sommes objet de la transaction, en recherchant notamment si elles ont entendu couvrir, au-delà des indemnités accordées au titre du licenciement, la réparation de préjudices distincts, afin de déterminer dans quelle proportion ces sommes sont susceptibles d'être exonérées.
5. En premier lieu, il ressort du préambule du protocole transactionnel du 8 juillet 2016, signé par le requérant qui en a donc accepté les termes, que son employeur, la société France Reval, avait envisagé de licencier M. B... au motif que rapidement après sa désignation en qualité de directeur commercial en décembre 2013, il avait été observé que : " M. B... ne pourrait réaliser les objectifs qui lui avaient été fixés en termes de développement des commandes (...) qui s'avéraient dès le 31 mai 2014 inférieures de 43 % aux objectifs fixés par M. B... lui-même ". Son employeur relevait également que sur ce même mois de mai 2014, alors que M. B... devait fidéliser l'équipe commerciale, il avait été constaté que : " trois commerciaux sur une équipe de six avaient donné leur démission au motif que ces derniers ne souhaitaient plus travailler sous la responsabilité de M. B... " avant d'en conclure que ses méthodes et ses relations avec les équipes commerciales étaient " incompatibles avec les orientations données par la société en termes de développement économique et management des équipes ". Il est également rappelé, dans ce préambule, que M. B... avait contesté la mesure de licenciement prise à son encontre devant la juridiction prud'hommale de Metz et demandé que son employeur soit condamné à lui verser une somme de 60 000 euros au titre des dommages et intérêts en raison d'un licenciement intervenu sans cause réelle et sérieuse, ainsi que plusieurs autres sommes, notamment au titre de rappels de salaires et d'indemnités ainsi que des dommages et intérêts relatifs à la violation des dispositions en matière de droit individuel à la formation et de prévoyance. Or, l'article 1er du protocole transactionnel indique expressément que c'est dans un souci d'apaisement et afin de mettre fin au litige que la société France Reval, sans pour autant reconnaître le bien fondé des demandes du requérant, accepte de lui verser, en réparation de tous les postes de préjudice précités, une indemnité transactionnelle, globale, forfaitaire et définitive, à titre de dommages et intérêts, d'un montant de 55 000 euros, nets de contributions sociales.
6. Dans ces conditions, et alors que contrairement à ce que soutiennent les requérants, il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, conformément à la jurisprudence établie du juge du travail et au vu de l'instruction, si le licenciement à l'origine de l'indemnité transactionnelle est manifestement dépourvu de cause réelle et sérieuse, il résulte clairement des stipulations précitées du protocole transactionnel que le licenciement de M. B..., qui d'ailleurs ne le conteste pas utilement, a été prononcé en raison de son insuffisance professionnelle tant dans les relations qu'il entretenait avec les équipes commerciales qu'en termes de développement commercial. Par conséquent, c'est à bon droit que l'administration a considéré que l'indemnité transactionnelle qu'il a perçue n'a pas été accordée au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au sens de l'article L. 1235-3 du code du travail et que cette indemnité était par suite imposable à l'impôt sur le revenu en application des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts.
7. En second lieu, les requérants se prévalent des dispositions du a) du 3° du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts précitées qui prévoient, notamment, que n'est pas imposable la fraction des indemnités de licenciement qui n'excède pas deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, soit en l'espèce, l'année civile 2013. M. et Mme B... ont, dans un premier temps, tant devant les premiers juges qu'en appel, affirmé sans en justifier, que l'indemnité transactionnelle en litige d'un montant de 55 000 euros était inférieure à deux fois la rémunération annuelle brute perçue en 2013 par M. B... qu'ils avaient évaluée à 120 000 euros en se bornant à retenir la rémunération mensuelle brute de 5 000 euros indiquée dans le protocole transactionnel du 8 juillet 2016. Or, le contribuable n'avait en réalité perçu cette rémunération qu'à compter de décembre 2013 à l'occasion de sa désignation en qualité de directeur commercial. Les requérants affirment désormais, dans une note en délibéré du 9 janvier 2025, que M. B... aurait perçu, au titre de l'année civile 2013, soit du 1er janvier au 31 décembre 2013, une rémunération brute d'un montant de 48 000 euros correspondant aux salaires mensuels bruts de 2 000 euros qu'il percevait en sa qualité de commercial au sein de la société France Reval. Toutefois, par la seule production des cinq bulletins de salaire des mois d'août à décembre 2013, que les requérants détenaient avant l'introduction de leur recours contentieux, ces derniers ne démontrent pas que l'indemnité en litige entre dans le champ d'application des dispositions du a) du 3° du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts susvisées, alors qu'au demeurant il est constant que M. B... a été recruté par la société France Reval en juin 2013. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige. Par suite, leur requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Rousselle, présidente,
Mme Stenger, première conseillère,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2025.
La rapporteure,
Signé : L. Stenger La présidente,
Signé : P. Rousselle
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
No 22NC01459
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