Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les décisions des 1er avril 2019 et 10 janvier 2020, par lesquelles le maire de la commune de Charleville-Mézières a refusé de reconnaitre imputable au service la pathologie dont elle souffre.
Par un jugement n° 2001753 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de Mme C....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 juillet 2021 et 21 mars 2023, Mme C..., représentée par Me Lemonnier, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 8 juin 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 1er avril 2019 et la décision implicite rejetant son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre à la commune de Charleville-Mézières de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de sa pathologie dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jours de retard et d'enjoindre à la commune de prendre en charge ses arrêts de travail à compter du 2 novembre 2017 ;
4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Charleville-Mézières le versement à Me Lemonnier d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré qu'une décision implicite de rejet de sa demande est née le 19 octobre 2019 ;
- il ne ressort pas des pièces du dossier que le rapport du médecin du service de médecine préventive a bien été remis à la commission de réforme ;
- la décision du 1er avril 2019 est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne comportait pas en annexe l'avis de la commission de réforme alors qu'elle s'y réfère ;
- sa maladie est imputable au service dès lors qu'elle a pris naissance le 15 juillet 2015 à l'occasion de gros travaux en période estivale, que la commission de réforme n'a pas remis en cause la désignation de la pathologie et les travaux à l'origine de celle-ci mais n'a pas recherché la date d'apparition de la pathologie et que le critère de délai de prise en charge de six mois ne lui était pas opposable.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 mars 2023, la commune de Charleville-Mézières, représentée par Me Lafay, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de Mme C... une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-56 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriales et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Bourguet-Chassagnon, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lemonnier pour Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... est agent territorial spécialisé des écoles maternelles principal de 2ème classe de la commune de Charleville-Mézières. Le 16 janvier 2018, elle a déposé une demande de reconnaissance de maladie professionnelle concernant une radiculalgie crural L4 gauche sur hernie discale L3-L4. Le 22 mars 2019, la commission de réforme a rendu un avis défavorable qui a été suivi par le maire de la commune, lequel a rejeté la demande de Mme C... par un arrêté du 1er avril 2019. Mme C... a présenté un recours gracieux le 29 mai 2019. La commission de réforme a réexaminé la demande de Mme C... le 19 juillet 2019 et a décidé de demander des précisions supplémentaires et de surseoir à statuer le 20 septembre 2019 avant de confirmer son avis initial le 10 janvier 2020. Mme C... relève appel du jugement du 8 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er avril 2019 et de la décision implicite rejetant son recours gracieux.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° À des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". Aux termes du IV l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017, : " Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions (...) ". Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne sont entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 13 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée.
3. En l'espèce, Mme C... a sollicité, le 16 janvier 2018, une demande de reconnaissance de maladie professionnelle concernant une radiculalgie crural L4 gauche sur hernie discale L3-L4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme C... a bénéficié d'un arrêt de travail du 15 au 31 juillet 2015 en raison de " douleurs de la colonne vertébrale, épaule, avec importante altération de l'état général " ainsi que d'une cure médicale pour traiter son rachis lombaire. En conséquence, la pathologie a été diagnostiquée à une date antérieure à l'entrée en vigueur, des dispositions du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 issu de l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique. Seules les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 citées au point 2 étaient applicables.
4. Il en résulte que les conditions posées par le tableau des maladies professionnelles n° 98 de l'annexe II du code de la sécurité sociale n'étaient pas opposables à la demande de Mme C... dès lors qu'à la date à laquelle sa maladie a été diagnostiquée, aucune disposition ne rendait applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale demandant le bénéfice de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans des conditions mentionnées à ce tableau. Par suite, en considérant que la maladie n'était pas imputable au service au motif que le critère de délai de prise en charge n'était pas respecté, le maire de la commune de Charleville-Mézières, qui a méconnu le champ d'application de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, a commis une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique seulement que l'administration procède à un nouvel examen de la situation de Mme C.... Il y a lieu d'enjoindre au maire de Charleville-Mézières d'y procéder dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais d'instance :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat pouvant être rétribué, totalement ou partiellement, au titre de l'aide juridictionnelle, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme C..., qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement à la commune de Charleville-Mézières d'une somme à ce titre. Mme C... étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, son avocate peut se prévaloir des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Lemonnier, avocate de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de la commune de Charleville-Mézières le versement à ce titre à cette avocate de la somme de 1 080 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 8 juin 2021 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 1er avril 2019 par lequel le maire de la commune de Charleville-Mézières a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de la pathologie de Mme C... et la décision implicite rejetant le recours gracieux de Mme C... sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au maire de la commune de Charleville-Mézières de réexaminer la demande d'imputabilité au service de la pathologie de Mme C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : La commune de Charleville-Mézières versera à Me Lemonnier la somme de 1 080 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de la renonciation de cette avocate à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à la commune de Charleville-Mézières et à Me Odile Lemonnier.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Antoine Durup de Baleine, président de chambre,
- M. Axel Barlerin, premier conseiller,
- Mme Nolwenn Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 janvier 2025.
La rapporteure,
Signé : N. B...Le président,
Signé : A. Durup de Baleine
Le greffier,
Signé : A. Betti
La République mande et ordonne au préfet des Ardennes en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
A. Betti
N° 21NC02179 2